‘27 millions de doses en un mois’: la Vénétie trouve la caverne d’Ali Baba des vaccins, l’Italie va-t-elle céder à la tentation ?

Alors que l’Union européenne demande à ses membres de rester dans le rang de la procédure d’achat commune des vaccins contre le Covid-19, certains États et régions veulent faire cavalier seul. La Vénétie pense ainsi avoir trouvé le moyen d’obtenir six fois plus de doses que prévu. Grâce à des intermédiaires qui l’ont contactée par mail.

‘Mon rêve est une Vénétie sans Covid’, clame son président, Luca Zaia (Lega Nord). Et pour ce faire, l’homme est prêt à aller à l’encontre des engagements pris par son pays envers l’Union européenne.

Six propositions par mail

Fin janvier, Pfizer, Moderna et AstraZeneca ont tour à tour annoncé d’importants retards de livraison partout dans le monde, et notamment dans l’UE. À ce moment-là, les autorités vénètes ont reçu une série de mails leur proposant des vaccins authentiques via un marché parallèle. ‘Au total, elles auraient reçu six offres’, précise Zaia. Certaines proposaient les vaccins à des prix ‘5 à 6 fois plus élevés’ que ceux négociés par l’UE, d’autres jusqu’à ‘10% moins cher’.

Finalement, Zaia et ses collègues ont retenu deux propositions dont les prix sont, d’après lui, ‘conformes à ceux établis par l’UE’. L’un des intermédiaires choisis propose 15 millions de doses de vaccins contre le Covid-19, l’autre 12 millions. Ce qui devrait permettre à la Vénétie d’obtenir un total de 27 millions, alors que l’Italie n’en avait initialement demandé à l’UE que 4 pour elle.

La région du nord-est de l’Italie compte un peu moins de 5 millions d’habitants. Si elle acquiert bel et bien ces doses supplémentaires, elle sera parée pour plusieurs campagnes de vaccination, dans l’hypothèse (probable) où il faudra se faire vacciner annuellement contre le virus.

La Vénétie argumente

‘Nous avons pris contact et des vérifications sont en cours sur l’origine, la sécurité et la fiabilité des lots qui nous sont proposés’, a assuré Zaia. ‘Et nous avons effectué des contrôles sur les offrants, pour éviter de tomber dans la fraude ou dans des situations peu claires’, a renchéri Luciano Flor, directeur général de la Santé de la région vénète.

La Vénétie sait aussi qu’elle a besoin d’une autorisation venant de l’échelon national. Elle a écrit à l’agence pharmaceutique italienne (AIFA) début février, mais celle-ci a répondu qu’elle n’était pas compétente pour trancher. C’est donc le commissaire corona italien, Domenico Arcuri, qui va devoir se prononcer sur cette volonté régionale de s’écarter de la campagne d’achat nationale, et donc européenne.

La Vénétie sait qu’il s’agit d’une mission délicate et elle a déjà préparé ses arguments. Andrea Crisanti, un microbiologiste et virologue de l’Université de Padoue qui prend souvent la parole dans les médias italiens, a déclaré que la région s’était tournée vers un ‘marché opaque’.

‘Les négociations ont été rendues publiques et nous connaissons les intermédiaires, ils nous ont déjà fourni des masques et des respirateurs artificiels lors de la première vague’, a répondu Zaia.

Le président de la Vénétie l’a aussi joué bon prince, se disant prêt à ‘mettre à la disposition de l’État et à d’autres régions le canal ouvert par sa région’. ‘Nous allons procéder en vue d’une coopération maximale’, a promis Zaia.

Certaines voix s’élèvent pour pointer l’éventuel manque d’éthique la Vénétie par rapport au monde, qui souffre des retards de livraison. Ces critiques ? Zaia les balaie. ‘Israël a déjà vacciné 5 millions de personnes, le Royaume-Uni va deux fois plus vite que nous. Des rumeurs courent sur des achats supplémentaires de l’Allemagne. Les vaccins sont là: si nous ne les achetons pas, quelqu’un d’autre les achètera.’

Que va-t-il se passer ?

D’après le Corriere della Sera, la Vénétie a une chance de voir sa démarche validée par les instances nationales. Mais ça ne lui sera peut-être pas aussi profitable qu’elle l’espère. Le commissaire corona pourrait proposer d’accepter ces 27 millions de doses mais d’étaler leur distribution à travers les différentes régions du pays. Il faudra également que ce soit l’État qui se charge de payer ces doses, comme c’est le cas avec celles obtenues via l’UE. Notons que le ministre de la Santé, Roberto Speranza (Articolo Uno), devrait lui aussi avoir son mot à dire sur la question.

De son côté, la Vénétie indique que si elle obtient un accord des autorités nationales, elle pourra conclure les contrats en quelques jours. Et obtenir les 27 millions de doses supplémentaires en moins d’un mois. Si les principaux protagonistes du dossier n’ont avancé aucun nom de firme, la presse italienne pense savoir qu’il s’agit de vaccins conçus par Pfizer.

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