Pourquoi les démocrates veulent-ils destituer Trump à moins de 10 jours de la fin de son mandat?

Depuis les émeutes du Capitole, le clan démocrate déclare vouloir enclencher une nouvelle procédure d’impeachment à l’encontre du président américain. Le mandat de Donald Trump prend pourtant fin le 20 janvier prochain. Alors, pourquoi les démocrates veulent-ils absolument le démettre de ses fonctions avant cette courte échéance?

Ce week-end, les démocrates – Nany Pelosi en tête – ont continué de faire pression sur Mike Pence pour qu’il démette Donald Trump de ses fonctions. La Chambre des représentants votera d’abord, lundi ou mardi, une résolution appelant le vice-président et les principaux ministres à déclencher le 25e amendement de la Constitution, qui permet de déclarer inapte le président. Il faut que Mike Pence et plus de la moitié du gouvernement soient d’accord. Si cela débouche sur un refus, Nancy Pelosi a annoncé qu’une procédure de mise en destitution (impeachment) serait activée.

Pour rappel, l’enclenchement d’une telle procédure ne requiert qu’une majorité simple de la Chambre des représentants. En revanche, pour que Trump soit effectivement démis de ses fonctions, il faut que le Sénat le juge coupable avec une majorité des deux tiers.

Une question vous taraude sans doute: pourquoi les démocrates veulent-ils absolument destituer Trump alors que, de toute façon, il quittera ses fonctions le 20 janvier pour laisser les rênes de la Maison Blanche à Joe Biden? Voici plusieurs éléments de réponse.

Pour l’Histoire…

Les démocrates insistent sur l’aspect historique que prendrait une procédure d’impeachment à l’encontre de Donald Trump. Il s’agirait du premier président américain à en subir deux, la première ayant été enclenchée fin 2019 car Trump avait été accusé d’avoir demandé à un pays étranger, l’Ukraine, d’enquêter sur son rival Joe Biden. Le Sénat l’ayant finalement acquitté, le président n’avait pas été démis de ses fonctions.

Une seconde procédure de destitution, pour les partisans de celle-ci, aurait une valeur symbolique forte. Cela prouverait qu’un président ne peut pas appeler lui-même à l’insurrection, comme les démocrates estiment que ce fut le cas mercredi lors des émeutes du Capitole.

Il est important de mettre en accusation et de condamner ce président même s’il lui reste quelques jours à vivre. Cela créera un précédent. Nous devons faire comprendre qu’aucun président ne peut mener une insurrection contre le gouvernement américain. Ce que nous faisons aujourd’hui aura de l’importance pour le reste de l’histoire de cette nation, a résumé la représentante démocrate Ilhan Omar sur Twitter.

… mais pas seulement

L’aspect historique de cette procédure de destitution n’est pas son seul moteur. En temps normal, lorsqu’un président quitte ses fonctions, il bénéficie d’une série d’avantages financiers. S’il est destitué suite à une procédure d’impeachment, il les perd. C’est ce que précise une loi de 1958 sur les anciens présidents.

Parmi les bénéfices pécuniers que perdrait Trump, il y a une pension annuelle de 200.000 dollars, une allocation de voyage annuelle d’un million de dollars et de l’argent pour le personnel.

Aucun président n’a jamais été privé de ces avantages, et un avis juridique du gouvernement en 1974 a conclu que même Richard Nixon, qui a démissionné mais n’a pas été démis de ses fonctions, y avait droit.

Depuis plusieurs jours, certains médias avancent que Trump, s’il était destitué, perdrait également la protection à vie apportée par les services secrets. Ce n’est pas le cas. Un amendement voté en 2013 sous l’administration Obama accorde cette protection à tous les présidents, même s’ils sont destitués.

Quid de 2024?

Si le Sénat acte la destitution de Trump, cela ne signifiera pas que celui-ci sera d’office écarté de la course à la présidentielle de 2024. Pour ce faire, il faut que le Sénat procède à un autre vote spécifique sur la question. Afin d’empêcher l’actuel président d’un jour se représenter à une élection, le Sénat doit voter à une majorité de 50%+1.

Enfin, soulignons que la procédure d’impeachment n’a pas de lien avec de possibles poursuites de Trump devant les tribunaux, notamment vis-à-vis des incidents du 6 janvier. Le président, même destitué, pourrait donc toujours devoir répondre de ses actes devant les tribunaux par la suite.

Le timing pose question

Aux Etats-Unis, le sujet soulève d’importantes questions juridiques. En effet, si la Chambre des représentants enclenche rapidement la procédure de destitution de Trump, le Sénat ne commencera à se pencher dessus que le 19 janvier, soit à la veille de la prise de pouvoir de Biden.

Les constitutionnalistes sont partagés: le Sénat pourra-t-il voter une destitution alors que Trump n’est plus président? Même si certains pensent que oui, il n’est pas assuré qu’une destitution post-mandat aurait les mêmes conséquences pour le président. De toute façon, rappelons qu’il faut une majorité des deux tiers du Sénat pour acter cette destitution. Il faudrait donc que bon nombre de républicains y adhèrent, ce qui reste incertain.

Ce qui semble en revanche presque certain, c’est que le Sénat pourra toujours se prononcer pour empêcher Trump de participer aux prochaines élections. Le Sénat passera (d’une très courte tête) dans les mains des démocrates lors de la prise de fonction de Biden et il ne faut, pour rappel, qu’une majorité de 50%+1 pour voter cette exclusion de la course à la présidence. Cela pourrait donc être, pour Trump, la seule conséquence concrète de cette deuxième procédure d’impeachment à son égard.

Les incertitudes sur les réels effets d’une procédure d’impeachment amènent certains démocrates à penser qu’il ne faut pas y songer. Pour eux, cela empièterait sur la procédure de prise de fonction de Biden. Le président élu pourrait dès lors perdre un temps précieux pour mener à bien ses premiers projets, dont fait partie la lutte contre la pandémie du Covid-19.

Donnons au président élu 100 jours au début de son mandat pour lui permettre de s’attaquer aux problèmes les plus urgents, a suggéré l’élu démocrate de la Chambre James Clyburn. On pourrait peut-être introduire les articles (de mise en accusation) un peu après.

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