L’article 4 du 25e amendement : voici la manière la plus rapide de se débarrasser de Donald Trump

Après le chaos dans le Capitole mercredi soir, les appels à l’éviction de Donald Trump sont de plus en plus forts. Nombreux sont ceux qui craignent que le président ne provoque de nouvelles divisions dans le pays au cours de ses deux dernières semaines de mandat. Si les tentatives de Donald Trump pour rester à la Maison Blanche s’intensifient encore, il existe un moyen pour le dépouiller rapidement de ses pouvoirs: invoquer l’article 4 du 25e amendement à la Constitution américaine. Comment ça marche 

Plusieurs membres du Congrès ont appelé à la destitution de Trump afin de lui retirer ses pouvoirs d’ici le 20 janvier et – c’est particulièrement important – de le disqualifier pour toute autre fonction fédérale qu’il aimerait occuper à l’avenir. Mais les règles du Congrès sur la procédure d’une telle destitution peuvent fortement ralentir la prise de décision. L’article 4 du 25e amendement est probablement la solution la plus rapide, mais il faut qu’un nombre suffisant de membres du cabinet de Trump soit d’accord, et c’est loin d’être gagné.

En vertu de cet amendement, le vice-président et une majorité des secrétaires du cabinet présidentiel peuvent conclure que le président est ‘inapte à remplir les pouvoirs et les devoirs de sa fonction’. Ils doivent le signifier par écrit au Congrès. Une fois que cela est fait, le vice-président peut prendre immédiatement la place de président par intérim. Si le président conteste cette décision, c’est alors au Congrès de trancher la question. Les deux tiers des voix de la Chambre des représentants et du Sénat sont alors nécessaires pour destituer totalement le président.

Pas sans Pence

Depuis qu’il existe, l’article 4 n’a jamais été invoqué. Avant Trump, les discussions autour de ce type de destitution concernaient principalement les cas où le président souffrirait d’une maladie physique ou mentale. Pendant les décennies avant sa ratification dans la Constitution (1967), plusieurs présidents avaient en effet été confrontés à de graves problèmes de santé. Mais lors du mandat de Trump, l’article a été invoqué d’une tout autre manière. L’ancien sous-procureur général Rod Rosenstein avait, par exemple, exposé cette idée après que Trump a limogé le directeur du FBI James Comey en 2017.

Vicepresident Mike Pence
Vice-président américain, Mike Pence (Isopix)

L’article 4 permet donc à certains hauts fonctionnaires de juger que le président est ‘inapte à remplir les pouvoirs et les devoirs de sa fonction’. Et la première personne qu’il implique est le vice-président, Mike Pence. Il doit, dans tous les cas, accepter de prendre cette décision. Il doit ensuite être soutenu par une majorité des hauts fonctionnaires du gouvernement.

8 sur 15

Dans un rapport consultatif de 1985 venant du Bureau du conseiller juridique du ministère de la Justice, cette référence aux ‘hauts fonctionnaires’ est interprétée comme faisant référence aux secrétaires principaux du cabinet (et non aux autres fonctionnaires ne portant pas le titre de secrétaire). Le cabinet du Président en compte 15:

  • Secrétaire d’État : Mike Pompeo
  • Secrétaire au Trésor : Steve Mnuchin
  • Secrétaire à la Défense : Chris Miller (par intérim)
  • Procureur général : Jeffrey Rosen (par intérim)
  • Ministre de l’Intérieur : David Bernhardt
  • Ministre de l’Agriculture : Sonny Perdue
  • Secrétaire au Commerce : Wilbur Ross
  • Secrétaire du Travail : Eugene Scalia
  • Secrétaire de la Santé et des Services sociaux : Alex Azar
  • Secrétaire au Logement et au Développement Urbain : Ben Carson
  • Ministre des Transports : Elaine Chao
  • Ministre de l’Éducation : Betsy DeVos
  • Ministre de l’Énergie : Dan Brouilette
  • Secrétaire aux Anciens Combattants : Robert Wilkie
  • Secrétaire à la Sécurité Intérieure : Chad Wolf (par intérim)

Il faut donc que Mike Pence et une majorité de ce groupe (au moins 8 sur les 15) signent une ‘déclaration écrite’ affirmant que Trump n’est plus capable d’exercer ses pouvoirs. Dans les faits, ils n’ont pas besoin de signer physiquement le document, il faut simplement que leur nom y soit apposé de ‘manière fiable’, selon le Bureau du conseiller juridique. S’ils envoient le document à la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi et le président pro tempore du Sénat, Chuck Grassley, Trump sera démis de ses pouvoirs et Mike Pence prendra sa place.

Vicepresident Mike Pence en House Speaker Nancy Pelosi
le Vice-president américain, Mike Pence et la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi (Isopix)

Les droits et interdictions du président

En théorie, Trump conserverait toujours son titre de président, mais il n’aurait plus l’autorité légale de faire quoi que ce soit. Toutefois, il est tout à fait possible que Trump ignore cette interdiction et qu’il continue ses actions. Il s’agirait alors d’une administration tout à fait illégale et personne ne sait comment cela se terminerait.

Pence et au moins 8 secrétaires ont donc pleine autorité pour dépouiller Trump de ses pouvoirs pour le reste de son mandat, s’ils le souhaitent. Mais Trump aura le droit de demander à les récupérer. Il doit pour cela commencer par envoyer sa propre déclaration à Pelosi et Grassley, affirmant qu’il est toujours en ‘pleine capacité de ses moyens’. Ensuite, le vice-président et les secrétaires du cabinet devront réitérer leur déclaration. Le Congrès, au vu de ces deux lettres, devra décider quelle partie aura raison.

La décision devra être prise dans les 21 jours qui suivent la dernière déclaration reçue. À ce moment-là, si les deux tiers de la Chambre et du Sénat décident que Trump n’est en effet pas compétent, il perdra ses pouvoirs pour de bon. Dans le cas contraire, il les récupèrera.

Fait intéressant: ce délai de concertation de 21 jours signifie que, dans le cas de Trump, le Congrès n’aura rien à faire. En effet, d’ici moins de deux semaines, Joe Biden prendra ses fonctions à la Maison blanche et Donald Trump ne pourra plus prétendre au titre de président. Ainsi Pence et les membres du cabinet ont les moyens de désinvestir Trump pour la fin de son mandat, s’ils le souhaitent, sans jamais devoir le confronter devant les assemblées législatives américaines.

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