Xi Jinping : l’homme le plus puissant au monde a un plan dont rêveraient presque tous les politiciens occidentaux (partie 3)

Le parti communiste chinois a célébré son 100e anniversaire cet été et il est bien vivant, grâce à son dirigeant Xi Jinping. Cette analyse examine en trois parties les raisons de cette situation, l’équipe qui remplit cette mission et les ressources qu’elle utilise pour faire passer cette vision à une population de 1,4 milliard d’habitants. De nombreux hommes politiques occidentaux observent, avec un mélange d’admiration et de dégoût, comment Xi Jinping y parvient, comment il dispose de l’équipe nécessaire et comment il met en œuvre son plan.

L’idéologie comme motivation

De nombreux observateurs occidentaux sous-estiment les motivations du dirigeant chinois et le voient comme un tyran de plus. Alors que Vladimir Poutine est accro au pouvoir, Xi Jinping est idéologiquement motivé et croit vraiment aux valeurs fondamentales du Parti communiste telles qu’elles ont été définies par ses fondateurs en 1921, il y a exactement 100 ans. Il se considère comme la personnification de cette idéologie et essaie donc de toutes ses forces de faire en sorte que le Parti communiste deviendra encore plus fort au cours des 100 prochaines années. Il croit aux valeurs de courage, de justice et d’héroïsme, une sorte d’esprit révolutionnaire pour faire avancer la Chine et le peuple chinois.

C’est pourquoi il a défini une série d’objectifs qui pousseront la société chinoise dans une nouvelle direction spectaculaire, que de nombreux politiciens occidentaux envient.

1. Plus d’égalité

Il reste étonnant que ce pays dirigé par les communistes ait un coefficient de Gini plus élevé que tous les pays de l’OCDE. Ce qui indique que l’écart entre riches et pauvres en RPC est plus important. Ce coefficient évalue dans quelle mesure la richesse d’un pays est également répartie. Tout le monde connaît les réussites des entrepreneurs chinois qui lancent des sociétés amassant plusieurs milliards de dollars en très peu de temps. Xi veut mettre fin aux inégalités même si cela passe par faire chuter les cours des actions des entreprises de ces magnats.

Le monde de l’entreprise l’a déjà compris et fait don spontanément des méga bénéfices qu’il réalise. Pony Ma, PDG de Tencent, la plus grande entreprise de jeux et de fintech en Chine, a fait un don de 7,7 milliards de dollars aux programmes de « prospérité commune » ; Pinduoduo a ajouté 1,5 milliard de dollars supplémentaires. Et Alibaba déjà très endommagé – qui, en raison des déclarations de son patron Jack Ma, avait déjà dû encaisser une introduction en bourse ratée d’Ant Group – a dépassé tous les autres avec un don de 15,5 milliards de dollars.

Pony Ma et Jack Ma, les deux têtes d’affiche de la Big Tech chinoise, lors d’une conférence du Parti communiste chinois (Source : Isopix).

L’État chinois n’a même pas à prélever d’impôts supplémentaires. C’est comme si Apple faisait spontanément don de ses bénéfices pour donner aux Américains les plus pauvres une meilleure éducation plutôt que de se concentrer sur l’évasion fiscale, discipline dans laquelle Cook and co excellent.

Mais ce n’est pas tout. Les augmentations du prix des loyers sont limitées à un maximum de 5% par an et une législation plus stricte est également entrée en vigueur concernant les heures de travail excessives.

Si nous, en Occident, sommes habitués à 35 heures par semaine, les entreprises chinoises ne peuvent faire travailler leurs employés que 72 heures maximum depuis août 2021. L’administration fiscale fait également des heures supplémentaires. Et l’actrice la plus célèbre de Chine, Zheng Shuang, a récemment dû débourser 46 millions de dollars pour fraude fiscale.

L’actrice Zheng Shuang lors d’une cérémonie de remise de prix en 2019 (Source : Isopix).

2. Une meilleure éducation

Ce n’est pas facile d’être un adolescent chinois. Non seulement vous êtes généralement seul, car la plupart des parents chinois préfèrent un seul enfant – la récente suppression de la règle de l’enfant unique n’y change pas grand chose. Mais les parents imposent aussi un rythme d’étude infernal à leur fils ou à leur fille. C’est logique car les résultats à la fin des humanités déterminent en fait dans une large mesure l’avenir de l’étudiant. Les points obtenus au « gaokao » – l’examen final standardisé – déterminent si vous avez de bonnes chances d’intégrer le très rémunérateur appareil gouvernemental ou d’aller étudier dans l’une des meilleures universités.

Les parents chinois n’ont donc pas baissé les bras ces dernières années et ont investi des milliards dans des entreprises qui accompagnent leurs enfants à ces examens finaux. 92% de tous les parents font appel à l’enseignement privé pour leur enfant bien-aimé, investissant parfois tout leur salaire mensuel dans ces cours supplémentaires. En 2020, cette industrie a généré à elle seule 120 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Certains enseignants facturent jusqu’à 3000 yuans (394 euros) pour une heure de cours particuliers.

Xi Jinping a récemment décidé de mettre un terme à cette industrie, faisant chuter les cours des actions de ces géants de plus de 60%. Ils sont désormais obligés d’être beaucoup moins axés sur le profit et d’investir également dans des activités telles que l’art, la musique et le sport, plutôt que dans les objectifs étroits du « gaokao ».

3. Contrôle sur le secteur privé

Le pouvoir de Xi Jinping devrait plaire à Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la concurrence. Elle se bat depuis des années – parfois elle ressemble à Don Quichotte combattant des moulins à vent – contre des géants américains de la technologie tels que Google et Apple, pour limiter leur influence.

Le dirigeant chinois n’a pas à tenir compte du verdict des juges. Il a chargé son parti d’étendre considérablement sa présence dans chaque grande entreprise et d’intervenir si nécessaire.

Dans la Shanghai Tower, par exemple, symbole de la montée en puissance de la Chine et aussi plus haut building du cœur financier du pays – où des super-capitalistes comme JP Morgan ont leur siège – le parti communiste occupe pas moins de 4 étages. Xi Jinping a visité le bâtiment – où se trouve l’ascenseur le plus rapide du monde – en 2018 et a emprunté un autre ascenseur spécial qui ne peut être utilisé que par les responsables du parti.

Xi Jinping et n son entourage dans le gratte-ciel de la Shanghai Tower en 2018 (Source : Isopix)

4. Mens Sana In Corpore Sano

L’attaque permanente des sociétés de réseaux sociaux contre le cerveau des enfants – « l’opium spirituel », comme les appelle le radiodiffuseur d’État chinois – ainsi que le comportement de jeu débridé de nombreux jeunes, semblent aller de pair avec les problèmes mentaux toujours croissants de la jeunesse.

Alors qu’ici, en Occident, les parents doivent se battre pour limiter le comportement de leurs enfants, Xi n’a rien trouvé de mieux que de freiner toutes les sociétés de jeux. Celles-ci sont autorisées à mettre leurs jeux à disposition de chaque adolescent pour un maximum de trois heures par semaine. Pour contrôler cela, elles ont même été obligées d’utiliser la technologie de reconnaissance faciale.

Comme si cela ne suffisait pas, le vaste secteur des célébrités et du divertissement fait également face à une lourde règlementation. Ce sont des gens qui sont devenus millionnaires en sortant de nulle part. Les classements qui déterminent qui a le plus de likes ne devraient plus être publiés. La Chine met donc un terme au flux incessant de formats tels que nos The Voice ou Belgium’s Got Talent.

Il y a bien sûr un objectif politique derrière cela. Le parti ne peut accepter que des Chinois sans talent notable se fassent connaître et puissent influencer le discours social. Les fonctionnaires perdaient le contrôle sur cela, ce qui allait directement à l’encontre de tout ce que Xi représente.

5. La fin de la corruption

La lutte de Xi Jinping contre la corruption depuis son premier jour en tant que chef du Parti communiste a été largement documentée. Lorsqu’il a pris ses fonctions, il a purgé la quasi-totalité de la direction du parti. En novembre 2012, il a convoqué le « politburo », l’organe suprême du parti, et a déclaré dans un discours légendaire que la corruption menaçait le parti et le pays. Il a déclaré que « beaucoup de membres, également ici à la table, avaient perdu leurs convictions ». « Vos os ont perdu du calcium », a-t-il notamment lancé.

Depuis lors, le nombre de fonctionnaires reconnus coupables de corruption et d’inconduite a considérablement augmenté. Plus de 12.000 sont condamnés chaque année, doublant ainsi le nombre de son prédécesseur Hu Jintao. La culture du lobbyisme est également traitée durement.

La Chine dominera à nouveau le monde

Toutes ces mesures sont bien accueillies par le peuple chinois. Même si la Chine était aujourd’hui une démocratie, Xi Jinping serait facilement réélu. Et cela devrait nous donner matière à réflexion ici en Occident.

La Chine et son leader ont un plan et ils l’exécutent maintenant parfaitement. Dans vingt ans, nous regarderons en arrière et nous nous demanderons comment il est possible que la Chine soit devenue tellement plus puissante que l’Occident et qu’elle ait repris la place qui lui revient en tant que seule puissance mondiale. En effet, il s’est écoulé plus de 2.500 ans avant que les Lumières et la Révolution industrielle ne mettent temporairement l’Europe et les États-Unis aux commandes.


L’auteur Xavier Verellen est gérant de QelviQ, une entreprise de l’Internet des objets (www.qelviq.com)

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