L’ère des données : vers la fin des cartes de fidélité ?

Tout le monde les a, personne ne les trouve. Les cartes de fidélité. Situation reconnaissable : vous êtes en sueur à la caisse de votre supermarché préféré. Vous venez de déposer toutes vos courses en temps record sur le tapis. La caissière vous demande poliment si vous économisez des points ou des timbres. « Oui », lui répondez-vous avec détermination, une goutte suintant doucement de votre front. Vous ne voudriez quand même pas passer à côté de ce wok gratuit ou d’une belle journée à Bellewaerde ? Mais c’est alors que la sueur prend vraiment le dessus : où est donc passée cette fichue carte de fidélité ?

Bière, pain, cuivre et timbres

Les cartes de fidélité sont aussi anciennes que le métier de maraicher. Dans l’Égypte antique, les marchands offraient à leurs plus fidèles acheteurs de la bière et du pain. À l’époque déjà, ils savaient que l’amour passe par l’estomac. Au XVIIIe siècle, les commerçants américains ont échangé les délicatesses égyptiennes contre des pièces de monnaie en cuivre. Les timbres tels que nous les connaissons aujourd’hui n’ont vu le jour qu’au XXe siècle. Sur une petite carte, les clients pouvaient consciencieusement accumuler des points et les échanger contre de belles récompenses.

Un tas de chaos

Puis vint l’Internet. Tout ce qui pouvait devenir digital l’est devenu. Même les cartes de fidélité ne pouvaient pas rater la fête virtuelle. Presque tous les grands magasins disposent désormais d’un programme de fidélité en ligne qui récompense les clients pour leur confiance. Résultat des choses : soit une pile désorganisée de cartes dans le sac à main ou le portefeuille, soit une application cachée au fin fond du smartphone. Il faut toutefois le reconnaître : certaines apps parviennent à organiser cette pagaille avec bravoure. Mais lorsque votre 4G vous laisse tomber pour la énième fois à la caisse, les sueurs froides remontent de plus belle.

Avantage mutuel

Tant les consommateurs que les commerçants ont pourtant tout à gagner d’une relation solide et mutuelle. Outre les remises évidentes, le client peut en effet bénéficier d’offres personnalisées et d’une expérience d’achat simplifiée. De son côté, le détaillant peut quant à lui mieux connaître son acheteur et adapter son offre en conséquence. Bon pour la logistique et les ventes. Aujourd’hui, il est impossible d’imaginer des stratégies de marketing et de vente sans programmes de fidélisation.

Tokenisation

Le système de cartes de fidélité doit cependant être repensé. À l’heure du numérique, il est presque impensable pour un consommateur de passer du temps précieux à la caisse à chercher sa carte (en vain). Aujourd’hui, nous assistons à l’émergence d’une technologie où la carte bancaire sert de carte de fidélité. Appelée « tokenisation », cette méthode consiste à convertir les informations de paiement en un numéro unique et sécurisé. Grâce à ce numéro, ou token, le magasin sait immédiatement qui est à l’origine de l’achat et peut par exemple mieux lutter contre la fraude en ligne. 

Rendons les choses un peu plus concrètes. Supposons que vous souhaitez sortir ce soir. Vous commandez votre place de cinéma en ligne et payez avec votre carte bancaire en scannant le code QR de Bancontact. Vous vous précipitez au ciné, vous vous enregistrez, vous ne pensez délibérément pas aux kilos de Noël, et vous achetez via Apple Pay un gros paquet de bonbons et un Coca Zéro. Grâce aux tokens, la chaîne de cinéma peut relier la transaction du matin et celle du soir à votre profil. Le commerçant peut ensuite vous activer avec des offres sur mesure, et vous offrir une expérience client unique.

Combler le fossé

Nous constatons que de nombreux acheteurs ignorent encore les programmes de fidélisation. Nos partenaires indiquent par exemple qu’environ la moitié des clients suivent un tel programme. Par contraste, en moyenne 80 % de la population belge préfère les méthodes de paiement alternatives à l’argent liquide, selon le rapport d’Adyen sur le commerce de détail. Les commerçants peuvent donc potentiellement combler un énorme fossé grâce à la tokenisation des cartes bancaires. Quoi qu’il en soit, il est important que les clients donnent toujours leur consentement explicite et s’inscrivent au programme de fidélité. Ceci peut d’ailleurs se faire directement via le terminal de paiement en coopération avec un partenaire.

Données en or

Les consommateurs sont des créatures d’habitudes. L’idée de remplacer un système aussi ancien que les Égyptiens est utopique et peu souhaitable. Au fil des ans, de nombreux commerçants ont mis en place d’excellents programmes de fidélisation, où le client est très bien suivi et récompensé pour sa loyauté. Le système doit tout simplement évoluer avec son temps. Aujourd’hui, les données de paiement valent de l’or. Les entreprises qui les utilisent et les combinent avec les programmes de fidélisation auront toujours une longueur d’avance. Quant aux gouttes de sueur à la caisse, elles ne nous manqueront certainement pas.


Julien Marlier est Country Manager Benelux chez Adyen

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