Le Pen, prochaine présidente de la France? Ou Macron, à nouveau? Les Français l’imaginent différemment

Dimanche dernier était organisé le premier tour des élections régionales. Les deux tiers des électeurs ont préféré rester chez eux. Le pays sortant progressivement du confinement, la politique n’est pas une priorité pour bon nombre de Français. Cependant, l’élection de dimanche dernier a dévoilé une nouvelle tendance. Les élections présidentielles de 2022 ne seront peut-être pas un match Le Pen contre Macron. Et que quelqu’un d’autre pourrait devenir le prochain président français.

Les électeurs français étaient invités dimanche dernier à élire les représentants qui gouverneront les 18 régions françaises. Dans leur forme actuelle, les régions n’existent que depuis 5 ans, fruit des récents efforts pour ajouter un peu de décentralisation à une France traditionnellement unitaire et fonctionnant avec une construction administrative descendante.

Malgré leurs budgets considérables et leur responsabilité des affaires courantes – école, routes, transports publics et hôpitaux – les régions sont loin d’être aimées et comprises des Français. Beaucoup s’opposent d’ailleurs à cette réforme, car elle provoque, pour des raisons budgétaires, la fermeture de palais de justice, de bureaux des impôts, de petites cliniques, etc. au profit de plus grands établissements, laissant les petites villes à leur propre sort.

Échauffement pour le match Le Pen-Macron ?

Il n’est donc pas difficile de comprendre pourquoi les Français ne se sont pas pressés devant les urnes pour des élections dont les enjeux étaient de toute façon difficiles à déchiffrer pour eux. Les médias pensaient pourtant que ce premier tour serait un échauffement dans le second match présidentiel Le Pen-Macron. Mais comme cela a été fréquent en politique française ces derniers temps, les médias se sont trompés.

Les divergences de parti ont été gommées par des coalitions qui avaient pour but d’empêcher le Rassemblement national (RN) d’accéder au pouvoir. Par exemple, dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Paca), Renaud Muselier, l’actuel président régional, s’est allié avec le parti La République en marche de Macron. Mais il s’est ensuite fait éjecter par Christian Jacob, le président du parti républicain qui a rejeté tout soupçon de complicité entre ses partisans et Macron. Il craignait que cela ne fasse fuir les électeurs du RN qu’il tentait de séduire. De tels débats ont sans doute refroidi certains électeurs, qui préfèrent attendre que les enjeux se clarifient avant d’aller voter.

Les sondages avaient laissé entendre que le RN allait monter en puissance, notamment dans la région PACA grâce au leader transfuge républicain Thierry Mariani. La liste de Mariani semblait avoir une avance significative sur celle de Muselier. Au nord, dans les Hauts-de-France, le RN et son autre transfuge Sébastien Chenu étaient au coude à coude avec la liste conduite par le président régional actuel, et ex-républicain, Xavier Bertrand.

Résister à Macron sans tomber dans le jeu de Le Pen

Mais ce dimanche, les prédictions des sondages se sont révélées totalement erronées. Et les choses ne se sont pas passées comme Le Pen l’espérait. Dans les Hauts-de-France, Bertrand s’impose facilement. Mariani a remporté le premier tour à Paca, mais c’est une victoire serrée et l’issue du second tour reste incertaine.

Toutes régions confondues, Le Pen n’a pas réussi à améliorer sa position par rapport aux élections régionales de 2015. Son parti avait alors remporté 28% des voix. Cette année, elle s’en sort nettement moins bien, avec seulement environ 20%. Ainsi, l’idée que l’opposition à Macron, illustrée par les Gilets jaunes en 2018 et 2019, aurait poussé de nombreux électeurs dans les bras de Le Pen est totalement fausse. Toutefois, il faut garder en tête la possibilité qu’un nombre disproportionné d’abstentionnistes aux régionales soient des partisans du RN.

Une deuxième croyance a été réfutée par les élections de dimanche dernier: l’idée que l’étonnante victoire de Macron en 2017, qui ne s’était affirmé « ni de gauche, ni de droite » avait obligé les républicains de centre droit à choisir un camp, soit Macron, soit Le Pen. Ce dimanche, le parti républicain a démontré qu’il était capable de résister à Macron sans jouer dans le jeu de Le Pen.

Et maintenant, ils sont… six

Les résultats de dimanche dernier ont révélé au moins trois challengers potentiels de centre droit. Xavier Bertrand est en pole position. Sa très bonne performance dans une région où Le Pen avait obtenu 40 % des voix au premier tour en 2015 renforce sa candidature déjà annoncée. Malgré quelques apparitions personnelles de Macron et la participation de plusieurs de ses ministres, la liste La République en marche a terminé 4e avec moins de 10% des voix.

Une autre candidate de centre droit potentiellement forte est Valérie Pécresse, présidente d’Ile-de-France. Elle a pourtant dû faire face au bras droit de Le Pen, Jordan Bardella, lors de ces élections régionales. Enfin, il y a Laurent Wauquiez, ancien président républicain, qui a été contraint de démissionner après une très mauvaise performance aux dernières élections européennes. Il a remporté une victoire très honorable – avec 44% des voix – en Auvergne-Rhône-Alpes.

Outre ces trois leaders républicains, Edouard Philippe, ancien Premier ministre d’Emmanuel Macron, s’est également démarqué. Il est maire du Havre depuis l’été dernier. Sa cote de popularité est 50% plus importante que celle du président, qui a du mal à atteindre les 40%. On ne sait pas encore si Edouard Philippe sera dans la course à la présidence.

En conclusion, les élections de dimanche dernier montrent que la répétition d’une course entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron en 2022 n’est en aucun cas inévitable. Si une menace venant des Verts ou de la Gauche est hautement improbable, Emmanuel Macron pourrait bien être évincé par un membre du secteur politique qu’il a décidé d’occuper: le centre droit.

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