Un expert belge en fiscalité l’affirme: ‘Un scénario grec n’est pas loin’

La crise économique engendrée par l’épidémie de coronavirus a plongé les finances belges dans un gouffre presque sans fond. Business AM a consulté le professeur de la VUB et fiscaliste, Michel Maus, pour connaitre son avis sur la situation.

Plus d’un million de Belges sont au chômage temporaire. Le gouvernement a prolongé son ‘bazooka’ fiscal de 50 milliards d’euros. Des milliards d’euros sont jetés par les fenêtres pour préserver l’économie d’une récession liée à la crise du coronavirus. Dans le même temps, les rentrées de l’Etat sont aussi sèches que la pelouse de nos jardins. Les chiffres montrent que le SPF Finance a perçu 84% de TVA en moins par rapport à un mois d’avril habituel, soit une perte de 3,2 milliards d’euros. L’histoire se répète avec la retenue à la source et les paiements anticipés où 3,3 milliards d’euros en moins ont été collectés.

En tant que professeur de droit fiscal à la VUB, Michel Maus enseigne à ses étudiants comment un pays peut gérer sa trésorerie de manière responsable. Les gouvernements belges précédents l’ont consulté pour éviter les maux de tête budgétaires. Ses nombreux livres et conférences sont remplis de critiques fiscales acérées.

Business AM : La situation actuelle peut-elle durer plus longtemps? Le soutien économique d’aujourd’hui va-t-il créer les casse-têtes budgétaires de demain?

Michel Maus: ‘J’entends des économistes comme André Decoster (KU Leuven) dire que la pandémie est un problème temporaire. Si l’économie reprend juste après la crise, ils disent qu’aucune épargne ou impôt ne sera nécessaire. Les puits sans fond qui sont creusés aujourd’hui seront automatiquement remplis.’

‘J’en doute fortement. Premièrement, nous devrons probablement faire face à une deuxième vague en automne. Cela affecte la confiance des consommateurs. Si les gens se retiennent de consommer pendant une longue période, je ne vois pas comment l’économie peut se rétablir rapidement.’

‘Deuxièmement, l’argument selon lequel les consommateurs rattraperont leurs achats après le confinement est incorrect. Ce sera en effet le cas pour certains magasins, mais par exemple pour la restauration qui a dû s’arrêter pendant 3 mois, cela ne sera pas compensé.’

‘Et pour finir, même si l’économie post-confinement se porte comme un charme, cela ne signifie pas que le gouffre créé par le coronavirus dans notre budget sera comblé. Lors de la précédente législature, le gouvernement a pu fonctionner dans des conditions économiques favorables. Il a bénéficié d’un chômage et d’un taux d’intérêt historiquement bas et d’une économie en pleine essor. Pourtant, ce gouvernement s’est achevé sur un déficit de 12 milliards d’euros.’

‘Donc, nous compenserions le déficit du gouvernement précédent et absorberions des milliards d’euros d’aides actuellement versées sans épargner et taxer? Honnêtement, je n’y crois pas.’

Une dette publique exorbitante

Business AM : L’agence de notation Moody prévoit que notre dette publique, actuellement d’environ 500 milliards d’euros, augmentera d’au moins 50 milliards d’euros d’ici la fin de l’année. Quelles sont les conséquences à long terme d’un tel fardeau?

Michel Maus: ‘Les agences de notation auront moins confiance dans l’Etat belge, ce qui rendra plus cher l’argent que nous collectons sur les marchés internationaux. Ensuite, vous entrez dans un cercle vicieux dangereux. Sans vouloir dramatiser, un scénario grec n’est pas loin.’

‘Le tableau est sombre: surtout parce que je ne remarque pas un sentiment d’urgence chez nos politiciens. En réalité, nous devrons restructurer radicalement les dépenses publiques et lever de nouveaux impôts.’

‘Mais où pouvons-nous encore économiser? Il est clair qu’il ne faudra pas frapper à nouveau à la porte à Santé publique. Au contraire, des investissements supplémentaires sont nécessaires là-bas.’

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