Les États-Unis et les problèmes d’alcool: pourquoi les Américains boivent comme des trous?

Il y a quelque temps, les jeunes Américains étaient considérés comme la génération la plus sobre de tous les temps. Mais maintenant, ces jeunes se saoulent jusqu’à la mort. Depuis 1999, le nombre de décès liés à l’alcool aux États-Unis a doublé pour atteindre plus de 70.000 par an. L’alcool est désormais l’un des principaux facteurs de la baisse de l’espérance de vie aux États-Unis. D’autres pays ayant des problèmes de consommation d’alcool chez les jeunes ont pourtant tendance à voir ce phénomène diminuer. Alors pourquoi les Américains tendent-ils de plus en plus souvent la main vers les boissons alcoolisées ?

Un quart des Américains a déclaré lors d’un sondage en février dernier avoir augmenté leur consommation d’alcool en 2020 pour faire face au stress. Mais la pandémie de Covid-19 n’est pourtant pas l’explication. Depuis le début des années 2000, la consommation d’alcool n’a cessé d’augmenter aux États-Unis, alors que la tendance était à la baisse pendant les années 80 et 90. Avant la pandémie, certains aspects de ce changement semblaient assez amusants, tant que vous n’y pensiez pas trop.

Beaucoup de choses ont changé aux États-Unis sur le marché de l’alcool depuis le 20e siècle. Il y a 20 ans, aux États-Unis, vous pouviez acheter du vin au supermarché. Mais aujourd’hui, ces mêmes supermarchés ont des bars à vin ou à bière, vous invitant à faire vos courses en sirotant un verre. Certains ont même des caddies avec des porte-gobelets intégrés.

Le nombre de bars a diminué, comme en Europe, mais boire de l’alcool est maintenant accepté dans une multitude d’autres endroits désormais. Les salons de coiffure et les boutiques de vêtements servent du cava bon marché dans des gobelets en plastique. Les cinémas et les zoos vendent de l’alcool. Les Starbucks ont leurs propres boissons alcoolisées.

De 1999 à 2017, le nombre de décès liés à l’alcool aux États-Unis a doublé pour atteindre plus de 70.000 par an. Aujourd’hui, l’alcool est l’un des principaux facteurs dans la baisse de l’espérance de vie aux États-Unis. Et ces chiffres sont susceptibles de s’aggraver. La fréquence de consommation a grimpé en flèche pendant la pandémie, tout comme les ventes d’alcool.

Toutefois, les Américains boivent toujours moins que les Belges. Nous sommes actuellement à la 15e place mondiale. Les Belges de plus de 15 ans consomment en moyenne 12,1 litres d’alcool pur chaque année. Les Américains sont 45e. Ils boivent en moyenne 9,8 litres d’alcool par an. Cependant, un certain nombre de mises en garde doivent être faites.

  1. Un plus grand nombre de Belges boivent, alors qu’aux États-Unis, il y a énormément d’abstentionnistes. Cela signifie que les Américains qui consomment de l’alcool boivent beaucoup plus.
  2. L’alcool bu par les Belges provient à 45% de la consommation de bières, et principalement des lager. 38% proviennent du vin et 14% des spiritueux. Aux États-Unis, les spiritueux représentent 35% de la consommation d’alcool. Et bien qu’on puisse dire que l’alcool, cela reste toujours de l’alcool, quelle que soit la boisson d’origine, de nombreuses études ont montré que la dépendance problématique à l’alcool se manifeste beaucoup plus rapidement chez les buveurs de boissons fortement dosées.

Augmentation des décès par cirrhose chez les jeunes

Point d’attention : les Américains rattrapent le reste du monde dans la consommation d’alcool. Et c’est un problème. Il n’y a pas si longtemps, les millénials américains étaient considérés comme la génération la plus sobre au monde. Ils ne buvaient pas autant que les autres adolescents, ils étaient ‘curieusement sobres’. Ils semblaient si admirablement concentrés sur leur santé. Mais maintenant, ils boivent à en mourir. Et ils meurent de cirrhose en un temps record. Vous avez bien lu : le nombre de jeunes atteints de cirrhose et de cancer du foie augmente considérablement aux États-Unis. Depuis le début du siècle, le nombre annuel de décès par cirrhose a augmenté de 65 %. L’augmentation la plus impressionnante se trouve chez les jeunes de 25 à 34 ans et elle est liée à l’alcool. Depuis 2009, il y a eu une augmentation annuelle moyenne de 10,5% des décès liés à une cirrhose chez les personnes âgées de 25 à 34 ans.

Et cela n’est certainement pas dû à une seule chose. La couverture médiatique est passée de l’exagération joyeuse des bienfaits (maintenant contestés) du vin pour la santé à des cris hystériques affirmant que le moindre centilitre d’alcool est dangereux. Cela peut vous donner le cancer et vous tuer avant l’heure. Mais même ceux qui écoutent ce message semblent réagir de manière erratique et contradictoire.

Une explication pour laquelle les Américains boivent plus d’alcool chaque année depuis le début du siècle est que l’industrie des boissons alcoolisées dépense des milliards pour y arriver. Dans les années 90, les fabricants de spiritueux ont mis fin à l’interdiction qu’ils s’étaient eux-mêmes imposée de la publicité télévisée. Ils ont également développé de nouveaux produits pour que les non-buveurs puissent s’initier facilement. Pensez aux boissons sucrées comme des limonades alcoolisées populaires. Pendant ce temps, les vignerons ont également répandu l’idée qu’une consommation modérée de vin pouvait être bonne pour la santé.

Il y a une anecdote qui illustre l’impact de la télévision sur les Américains : après qu’une émission d’actualité populaire, 60 minutes, ait diffusé un reportage sur un paradoxe français affirmant que le vin pourrait expliquer les faibles taux de maladies cardiaques en France, les ventes de rouge ont augmenté de 44%.

De plus en plus de femmes boivent

Mais cela n’explique pas pourquoi les Américains ont été si réceptifs à l’argumentaire de vente. Pour être honnête, il n’y a pas vraiment d’explication solide. Mais il y a un certain nombre d’observations. Pour commencer, les femmes américaines représentent une part disproportionnée dans la récente augmentation de la consommation d’alcool.

Alors que les hommes et les femmes consomment souvent de l’alcool pour faire face à des situations stressantes et à des sentiments négatifs, les recherches montrent que les femmes sont beaucoup plus susceptibles d’y avoir recours. Et elles semblent être beaucoup plus susceptibles d’être tristes ou anxieuses. Il y a environ deux fois plus de risques pour une femme de souffrir de dépression ou d’anxiété. Et leur sentiment général de bonheur a considérablement diminué au cours des dernières décennies.

Il est également frappant de constater que les femmes boivent bien plus souvent seules que les hommes. Et elles ne le font pas pour ‘se sentir bien’ – la principale raison de boire pour un homme – mais pour effacer ‘un mauvais sentiment’.

Le rôle de l’alcool dans les avances sexuelles non désirées

L’augmentation de la consommation d’alcool chez les femmes est particulièrement marquée. Mais les formes malsaines de consommation d’alcool semblent se développer dans de nombreux groupes. Même boire dans les bars est devenu moins social ces dernières années. S’engager dans des conversations avec des inconnus est devenu presque tabou, en particulier chez les jeunes clients. Ils semblent avoir bien pris conscience du rôle de l’alcool dans les avances sexuelles non désirées.

Alors, pourquoi ne pas simplement boire à la maison, se disent-ils. Ainsi, l’augmentation de la consommation de l’alcool se déroule principalement à la maison lors d’une journée comme les autres. Il s’agit du type de consommation d’alcool le plus susceptible de causer des problèmes de dépendance. La consommation d’alcool dans un cadre sociale a quant à elle diminué.

Alors que les ventes de bières ont chuté en 2020 et ont poursuivi leur longue baisse, les Américains buvaient plus que jamais, en particulier des alcools forts et (peut-être les boissons les plus solitaires de toutes) des cocktails prémélangés en portion individuelle. C’est le genre de boisson qui semble mieux s’adapter à un changement de type de consommation.

La tendance à boire seul à la maison n’est pas passée inaperçue auprès des spécialistes du marketing. En août dernier, le fabricant de bière Busch a lancé un nouveau produit : Dog Brew. Un bouillon d’os emballé comme de la bière pour votre animal de compagnie. Le slogan? ‘Tu ne boiras plus jamais seul.’ Le produit a été rapidement épuisé.

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