Le mythe de la vaccination réussie aux États-Unis est aujourd’hui complètement dévoyé. Pourquoi les gens ne se font plus vacciner là-bas ?

Alors qu’elle était un modèle pour le monde entier, la campagne de vaccination des États-Unis, bien conçue sur le plan logistique et se déroulant sans heurts, est en train de tourner au cauchemar. Dans 12 États, moins de 15 vaccins ont été administrés pour 10.000 personnes au cours de la semaine écoulée. Si cela ne change pas, les États-Unis resteront très vulnérables à toute une série de risques: des épidémies estivales dans le Sud, des résurgences continues du coronavirus cet automne ou la possibilité de voir émerger de nouveaux variants dangereux. La question clé en Amérique aujourd’hui, c’est pourquoi donc les gens ne se font-ils plus vacciner ?

En raison de la forte baisse des taux de vaccination, l’objectif du président Biden – à savoir au moins 70 % des adultes soient vaccinés d’ici le 4 juillet – n’est pas réalisable. En moyenne, moins d’un million de vaccins sont actuellement produits chaque jour aux États-Unis, soit une baisse de plus de deux tiers par rapport au pic de 3,4 millions atteint en avril. Alors que tous les adultes et les enfants de plus de 12 ans sont maintenant éligibles et qu’il y a plus que suffisamment de vaccins disponibles.

Le ralentissement est national – chaque État enregistre une baisse d’au moins deux tiers par rapport à son pic – mais il est particulièrement ressenti dans le Sud et le Midwest. Douze États, dont l’Utah, l’Oklahoma, le Montana, les Dakotas et la Virginie occidentale, ont vu le nombre de vaccinations tomber en dessous de 15 injections quotidiennes pour 10.000 habitants. En Alabama, seules quatre personnes sur 10.000 habitants ont été vaccinées la semaine dernière.

Treize États, situés pour la plupart sur les côtes Est et Ouest, comptent déjà 70 % de résidents adultes vaccinés, et 15 autres États, plus le district de Columbia, comptent plus de 60 % et sont susceptibles d’atteindre l’objectif fixé par le président Biden. Les autres sont à la traîne. Le Tennessee et cinq autres États sont à 50 % ou moins et vaccinent à des taux si bas que le seuil de 70 % y est devenu une illusion.

La chute brutale a commencé à la mi-avril, coïncidant avec la suspension temporaire du vaccin de Johnson & Johnson par les autorités fédérales pendant qu’elles enquêtaient sur de rares réactions de coagulation du sang. Ce ralentissement s’est poursuivi, puisque seulement 2,4 millions d’adultes ont reçu leur première injection la semaine dernière. Il faudrait que ce chiffre soit de 4,2 millions pour atteindre l’objectif de Biden, qui est de faire en sorte que 70 % des adultes soient au moins partiellement vaccinés d’ici le jour de l’indépendance, le 4 juillet.

Les fruits à portée de main ont été cueillis

Les données montrent que les fruits à portée de main ont été cueillis : ceux qui voulaient se faire vacciner l’ont fait. Les sondages ont montré qu’environ un tiers des Américains n’ont pas l’intention de se faire vacciner dans l’immédiat, certains affirmant que leur scepticisme a augmenté et d’autres affirmant que la question n’est pas pertinente puisque la pandémie s’est calmée aux États-Unis. Toutefois, les experts affirment que le pays a besoin d’une immunité généralisée pour éviter que le nombre de cas ne refasse surface plus tard dans l’année.

Alors, pour convaincre les Américains de se faire vacciner quand même, les incitations les plus folles ont vu le jour. De la bière gratuite à une prime pour quiconque amène une personne à se faire vacciner. En Virginie occidentale, vous pouvez même gagner des armes à feu si vous vous faites vacciner. À Washington D.C., on donnait des joints à tous ceux qui se faisaient vacciner.

Les responsables de la santé publique affirment que l’obtention d’une immunité généralisée reste essentielle pour protéger les Américains qui n’ont toujours pas été vaccinés et qui continuent de contracter le virus à un rythme croissant, même si le nombre total de cas diminue. La réalisation de cet objectif est également considérée comme nécessaire pour prévenir une résurgence du virus cet hiver ou l’année prochaine.

Il est donc essentiel de comprendre pourquoi une grande partie des Américains ne sont pas ou ne seront pas vaccinés. Selon les experts, il y a plusieurs raisons à cela : le manque d’accès aux vaccins, le refus de voir le Covid-19 comme une menace, la crainte des effets secondaires des vaccins, le manque de confiance dans les vaccins ou dans les institutions qui les fabriquent, et la croyance en diverses théories du complot. Certaines de ces raisons se recoupent : par exemple, si une personne ne considère pas le Covid-19 comme une menace majeure, elle peut décider que le vaccin ne vaut pas les effets secondaires.

« Je n’y arriverai pas »

Environ 4 % des Américains prévoient de se faire vacciner dès que possible, mais ne l’ont pas encore fait parce qu’ils disent qu’il leur est difficile de le faire. Il y a certainement suffisamment de vaccins disponibles aux États-Unis : une injection qui nécessitait autrefois un rendez-vous, parfois des semaines à l’avance, peut désormais être obtenue sans rendez-vous dans de nombreuses pharmacies et autres lieux. Une partie des 4% de personnes disent ne pas avoir de moyens de transport pour se rendre dans une pharmacie. Une autre excuse parmi ce groupe est qu’un emploi du temps familial ou professionnel chargé et rigide ne leur permet pas de s’absenter du travail pour recevoir l’injection et de prendre un jour ou deux de congé pour se remettre des effets secondaires possibles. Certaines personnes pensent également – à tort – que le vaccin n’est pas gratuit pour tout le monde ou ne savent peut-être pas qu’elles peuvent se faire vacciner.

Mais ce n’est pas le plus grand groupe, loin de là. Une majorité écrasante d’Américains qui ne sont pas encore vaccinés ont d’autres motivations. Énumérons-les brièvement.

  1. Covid-19 n’est pas considéré comme une menace
    Même après l’année écoulée, certains Américains ne considèrent toujours pas le coronavirus comme une menace sérieuse. Parce qu’ils sont jeunes et pensent que le virus n’est pas aussi mortel pour eux que pour les groupes plus âgés. Ou bien ce sont des républicains qui ont avalé les affirmations de l’ancien président Donald Trump selon lesquelles le coronavirus n’était pas une grosse affaire et que les démocrates, les experts et les journalistes ont exagéré son risque. Les sondages montrent que les deux groupes sont moins susceptibles d’être vaccinés. Certains pensent également qu’ils n’ont pas besoin du vaccin parce qu’ils ont déjà été infectés par le Covid-19 et qu’ils disposent d’une immunité naturelle qui les protège, bien que certaines études indiquent que les vaccins confèrent une immunité plus forte que l’infection. Ces derniers mois, un Américain sur cinq est resté dans le groupe qui ne voit pas de menace dans le coronavirus.
  2. Peur des effets secondaires des vaccins
    Un autre groupe ne se fait pas vacciner par crainte des effets secondaires qui peuvent en résulter. Il peut s’agir de quelque chose que le vaccin provoque réellement, comme un ou deux jours de douleurs musculaires, de fièvre et de fatigue ou, dans des cas extrêmement rares, de caillots sanguins. Mais elles peuvent aussi concerner des choses qui ne sont pas réelles ou prouvées, comme d’autres risques pour la santé à long terme ou des allégations non prouvées sur l’infertilité, par exemple. Mais il y a aussi des considérations plus pratiques, et pour les Européens, elles ne sont pas immédiatement accessibles. Certains Américains qui évoquent des craintes concernant les effets secondaires, par exemple, s’inquiètent du fait qu’un jour ou deux de fatigue et de fièvre les empêcheront de travailler, ce qui mettrait leur emploi en danger ou les priverait au moins du salaire nécessaire pour payer les factures.
  3. Manque de confiance dans les vaccins et/ou dans les institutions
    Outre les inquiétudes concernant les effets secondaires, de nombreux Américains hésitants n’ont tout simplement pas une grande confiance dans les vaccins. Certains pensent que les vaccins ont été développés trop rapidement. Mais la grande majorité de ce groupe est constituée d’antivax traditionnels, qui se méfient des vaccins en général.
    Pour d’autres, les inquiétudes ne portent pas sur Covid-19 et les vaccins, mais sur les institutions qui les entourent. Ils ne font pas confiance aux agences gouvernementales ou aux entreprises qui ont contribué à développer les vaccins. Ou ils n’ont pas confiance dans le système de santé en général. Surtout l’année dernière, les sondages ont révélé qu’une grande partie du public – mais surtout les électeurs de Trump – a perdu confiance dans les grandes agences gouvernementales comme les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC). Les personnes appartenant à cette catégorie sont moins susceptibles d’écouter les appels de l’agence et d’autres responsables gouvernementaux à se faire vacciner.
    Certains points de vue pourraient être plus ancrés. Par exemple, les Noirs américains font état d’une moindre confiance dans le système de santé – conséquence d’abus flagrants, tels que l’étude Tuskegee (qui a expérimenté sur des Noirs sans leur consentement), ainsi que de la discrimination quotidienne qu’ils subissent lorsqu’ils vont chez le médecin ou à l’hôpital. Cette méfiance peut ensuite s’étendre aux vaccins.
  4. Une variété de théories du complot
    Selon une enquête YouGov réalisée en mai, au moins la moitié des personnes qui disent qu’elles ne se feront pas vacciner croient à au moins une théorie du complot concernant les vaccins Covid-19 ou les vaccins en général. Par exemple, une personne sur deux qui refuse de se faire vacciner est convaincue que le vaccin est utilisé pour injecter une puce électronique afin de prendre le contrôle de la population. Un nombre similaire pense que les vaccins sont à l’origine de l’autisme, et un nombre encore plus important pense qu’ils entraînent l’infertilité et/ou altèrent notre ADN.

Toutes les raisons qu’ils invoquent pour ne pas se faire vacciner, du manque d’accès aux théories de la conspiration, ont un thème commun : une partie importante des Américains ne pensent pas que les vaccins valent les inconvénients potentiels. Mais la réalité est que si suffisamment de personnes pensent encore que les inconvénients sont trop importants, la menace du virus planera sur les États-Unis pendant des années.

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