Trump compte gracier Michael Flynn, mais ce n’est que le début: il envisagerait aussi de se gracier… lui-même

Plusieurs médias américains annoncent que Trump a l’intention de gracier son ancien conseiller à la Sécurité nationale, Michael Flynn. Le président américain pourrait en faire de même pour d’autres alliés embourbés dans des soucis judiciaires. Et il penserait même à appliquer cette grâce présidentielle à lui-même.

Initiée en janvier 2017, l’affaire Michael Flynn pourrait se terminer dans quelques semaines par une grâce présidentielle. C’est ce que rapportent les médias américains Axios et The New York Times, auxquels des sources ont rapporté l’intention du président Trump de sauver son ancien conseiller à la Sécurité Nationale.

Une saga à multiples rebondissements

En décembre 2016, pendant la période de transition entre la présidence d’Obama et celle de Trump, Michael Flynn avait eu des discussions confidentielles avec Sergueï Kisliak, l’ambassadeur de Russie à Washington. Soupçonnant des collusions entre l’équipe de campagne de Trump et la Russie, le procureur spécial Robert Mueller avait lancé une enquête en janvier 2017.

22 jours après avoir été nommé au poste de conseiller à la Sécurité nationale par Trump, Flynn avait dû démissionner, notamment car il avait menti au vice-président Mike Pence. En décembre 2017, Flynn avait fini par plaider coupable de parjure pour avoir menti au FBI lors de ses interrogatoires, admettant avoir dissimulé ses contacts avec la Russie. Il avait aussi accepté de collaborer à l’enquête sur les ingérences russes dans la campagne électorale américaine.

Cependant, Flynn a changé de stratégie en 2019. Menacé d’une peine de six mois de prison, il avait demandé l’annulation des poursuites à son encontre, s’estimant victime d’une manipulation. En janvier 2020, après trois ans d’enquête, l’équipe du procureur spécial Mueller avait indiqué ne pas avoir récolté assez de preuves d’une collusion entre Flynn et la Russie. Quatre mois plus tard, le ministre de la Justice annonçait retirer sa plainte contre l’ancien conseiller à la Sécurité Nationale, l’enquête n’ayant ‘pas de base légitime’.

Trump l’a toujours défendu

Dans cette affaire, Donald Trump a toujours soutenu son ancien allié, disant de lui qu’il était un ‘homme bien’ et dénonçant une ‘chasse aux sorcières’ politique, initiée par l’administration Obama.

En annonçant l’abandon des poursuites à l’encontre de Flynn, le ministère de la Justice avait donc offert une ‘victoire’ à Trump. Toutefois, un juge fédéral a, par la suite, demandé une révision judiciaire de l’affaire. L’histoire n’est pas terminée: l’ancien conseiller à la Sécurité Nationale n’est pas encore sorti d’affaire.

En accordant à Flynn sa grâce présidentielle, Trump retirerait cette affaire de la compétence des tribunaux, closant une saga longue de bientôt trois ans.

Qui pourrait-il gracier d’autres ?

En fin de mandat, les présidents américains ordonnent traditionnellement des grâces. En janvier 2017, Obama avait ainsi, entre autres, grâcié la lanceuse d’alerte Chelsea Manning. Au total, il avait gracié 273 personnes.

Trump compte bien profiter lui aussi de ses dernières cartouches. L’été dernier, déjà dans le cadre de l’enquête sur l’ingérence russe, le président américain avait commué la peine de 40 mois de prison de son ami Roger Stone. Et il ne compte pas s’arrêter là.

CNN indique que Trump est en train de s’informer de ses possibilités de gracier d’autres alliés avant de céder les rênes de la Maison Blanche à Joe Biden. Il envisage également de gracier des membres de sa famille, voire lui-même. En effet, s’il bénéficie actuellement de l’immunité présidentielle, Trump risque de voir de nombreux procès être lancés à son encontre dès la fin de son mandat. Fraudes, malversations et agressions sexuelles: de nombreux dossiers l’attendent.

Trump peut-il s’auto-gracier ?

Si une grâce présidentielle ne permet pas de se défaire de procès liés à un crime d’Etat, elle pourrait tout de même lui permettre de se défaire de certains dossiers, dont celui qui le lie à l’administration fiscale américaine. Ce litige, vieux de dix ans, a trait à la légitimité d’un remboursement d’impôts de 72,9 millions de dollars qu’il a demandé et reçu après avoir déclaré d’énormes pertes.

Même si cela peut paraître absurde, théoriquement, il n’est pas interdit à Trump de s’auto-gracier. Aucune loi ne stipule qu’un président n’y est pas autorisé. Personne n’a jamais pensé à en instaurer une… car aucun président n’a déjà envisagé d’entreprendre une telle action. La Constitution interdit la grâce présidentielle uniquement en cas de mise en accusation.

Le seul précédent en la matière remonte à un avis juridique émis en 1974 par le Bureau des conseillers juridiques du ministère de la Justice. Enoncé quelques jours avant la démission de Richard Nixon, ce mémo indiquait qu’un président ne pouvait pas s’auto-gracier – c’est finalement son successeur John Ford qui le graciera. Mais il s’agit donc d’un avis juridique, et non d’une loi.

Pour être certain qu’une auto-grâce ne le mène pas vers de longues procédures judiciaires visant à prouver son illégalité, Trump pourrait faire comme Nixon: céder la présidence à son vice-président, qui le gracierait aussitôt. Toutefois, cela mettrait Pence dans une situation inconfortable. Selon les analystes, un tel acte le condamnerait à ne jamais pouvoir prétendre à la Maison Blanche par la suite. Or, toujours selon les analystes, il aurait l’ambition d’un jour se présenter seul comme candidat à la présidence.

Précisons, enfin, que tenter de s’auto-gracier ou demander à Pence de le gracier signifierait en filigrane que Trump reconnaîtrait effectivement avoir été l’auteur de délits. Ce qu’il nie, jusqu’à présent. Sa décision devra donc être mûrement réfléchie.

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