Après avoir réprimé pendant plusieurs années son secteur technologique, la Chine pourrait bien compter dessus pour atteindre ses objectifs élevés en matière de croissance économique.
L’actualité : le géant Alibaba va être scindé en 6 entités, dans le cadre d’une initiative « conçue pour libérer la valeur actionnariale et favoriser la compétitivité du marché ».
- Une réorganisation majeure qui est perçue comme le signe que Pékin pourrait chercher à lâcher du lest au niveau du secteur de la tech, après l’avoir étouffé pendant plusieurs années.
- Le fait que le fondateur de l’entreprise, Jack Ma, ait remis les pieds en Chine après son « exil » renforce cette version.
Zoom arrière : L’importance qu’ont acquise plusieurs grandes entreprises technologiques chinoises au fil des années n’a pas plu à Pékin qui a décidé, en 2020, d’agir pour réduire leur pouvoir.
- Cela s’est traduit par la mise en place de diverses lois visant à limiter leurs agissements en y appliquant un contrôle très poussé.
- Or, cet examen minutieux a nui aux développements des entreprises technologiques chinoises, de sorte que plus d’un billion de dollars de valeurs combinées ont été effacés.
- « Les vents contraires réglementaires que nous avons eus au cours des deux dernières années… passent maintenant d’un vent contraire à un vent arrière », a déclaré mercredi George Efstathopoulos, gestionnaire de portefeuille chez Fidelity International, à CNBC.
Le détail : dans le cadre de sa réorganisation, Alibaba a souligné que ses différentes entités pourraient lever des capitaux extérieurs et même devenir publiques. Des projets qui ne s’accordent pas avec la mainmise de Pékin.
- L’annonce d’Alibaba suggère que le gouvernement chinois a quelque chose à voir dans cette histoire et qu’il a tout bonnement donné son accord.
- « Les dirigeants ont la bénédiction de libérer de la valeur et, à mon avis, c’est une indication fantastique du fait que la réglementation n’est plus le problème qu’elle était », a déclaré M. Efstathopoulos.
La croissance économique du pays en jeu
D’autres éléments suggèrent que la Chine relâche quelque peu la pression sur le secteur de la tech, au sens large.
- En avril dernier, Pékin a en effet autorisé la sortie de nouveaux jeux vidéo sur son territoire, principalement des titres développés par des entreprises nationales.
- Ce mois-ci, une nouvelle autorisation a été donnée, mais pour un lot de jeux vidéo étrangers cette fois.
- Les rencontres des PDG d’Apple et de Qualcomm, Tim Cook et Cristiano Amon, avec des représentants du gouvernement chinois suggèrent également que Pékin cherche à renforcer ses liens avec des entreprises technologiques étrangères.
Des ambitions élevées : ses assouplissements – modérés – de son secteur technologique et le soin apporté à ses relations avec des entreprises étrangères pourraient s’inscrire dans les efforts mis en place par Pékin pour atteindre ses objectifs élevés en matière de croissance.
- L’économie de l’Empire du Milieu a énormément souffert ces deux dernières en raison des politiques strictes mises en place dans le pays pour lutter contre la pandémie de coronavirus.
- Désormais, suite à la suppression de ces politiques, la Chine vise une croissance économique élevée de 5%.
- Si elle veut y parvenir, elle va devoir lâcher du lest à plusieurs niveaux ou mettre les bouchées doubles, d’autant plus que l’activité de ses différents secteurs semble avoir du mal à reprendre et que les États-Unis représentent un concurrent de taille du point de vue des technologies.
- « La Chine est confrontée à la fois à une croissance économique faible et à une concurrence technologique croissante de la part des États-Unis. C’est une position assez difficile à occuper. Ils ont donc besoin que l’économie tourne à plein régime. Une réglementation stricte sur les grandes plateformes technologiques n’a tout simplement pas de sens à ce stade », a déclaré Linghao Bao, analyste technologique chez Trivium China, à CNBC par e-mail.
À noter : tout n’est pas joué pour autant.
- La scission d’Alibaba pourrait ne pas être un si bon signe que certains se l’imaginent.
- Elle pourrait en effet être le fruit d’une décision visant à « briser l’empire commercial d’Alibaba et à réduire son énorme influence qui pourrait potentiellement constituer une menace » pour le régime du Parti communiste chinois, a souligné Xin Sun, maitre de conférences en affaires chinoises et est-asiatiques au King’s College de Londres, auprès de CNBC.
- « Après la restructuration, la structure organisationnelle d’Alibaba deviendra plus décentralisée et le contrôle de ses actifs, données et ressources sera moins concentré. Le Parti pourrait alors imposer plus facilement un contrôle politique plus fort sur chacune des nouvelles entités », a ajouté Sun.
Ainsi, il se pourrait que la réorganisation d’Alibaba ne soit que la prémisse d’une nouvelle politique contraignante sur le secteur technologique chinois et non une tentative du gouvernement de booster son économie en offrant, si pas plus de liberté, plus de marge de manœuvre aux entreprises technologiques.
- Pékin pourrait en réalité avoir décidé de diviser les géants technologiques chinois pour réduire leur pouvoir.
- Une incertitude qui pourrait finalement peser sur les entrepreneurs et investisseurs, sapant leur confiance, selon Sun, ce qui pourrait, in fine, nuire à nouveau à son économie.