Le PS bruxellois se prépare sans grande discrétion à une réforme de l’État, “mais sans la N-VA”

Il se passe quelque chose à Bruxelles concernant la réforme de l’État. En coulisses, l’homme fort du PS, Ahmed Laaouej, mène des discussions (pas si) discrètes. Il rassemble régulièrement les dirigeants des sections bruxelloises des partis francophones, mais il discute aussi avec les partis flamands de la capitale. “Toutes les quelques semaines, il rencontre effectivement tout le monde”, nous confirme une source haut placée du côté flamand, à Bruxelles. Il est clair que le PS veut préparer le terrain pour permettre à Bruxelles de garder son statut de Région à part entière, en plus de réformer les communes qui la composent. “Et il ne doit y avoir aucun tabou : des listes bilingues, la fin de la parité au gouvernement, nous devons pouvoir tout discuter”, dit-on également du côté flamand. Très frappant cependant : Laaouej laisse fuiter dans la presse que la N-VA n’est pas autorisée à la table. Il ne parle pas aux figures locales du plus grand parti flamand. Une attitude plutôt étrange, car au PS, on veut vraiment sortir Bruxelles d’un « rôle de second rang » et donc préparer une véritable refonte des institutions. Cela semble inévitable de le faire dans un exercice plus large avec la N-VA. Le fait que Laaouej laisse fuiter cette histoire maintenant n’est pas un hasard : d’autres au sein du PS veulent parler aux nationalistes flamands.

Dans l’actualité : Qu’en est-il de Bruxelles ? Cette question reviendra inévitablement en 2024 dans les discussions sur la réforme de l’État.

Les détails : Les Bruxellois francophones veulent se préparer, car ils réalisent que, sinon, tout sera “réglé entre les big boys”. Lisez : entre les Flamands et les Wallons, mais pas avec les Bruxellois.

  • “Des réunions secrètes sur la réforme de l’État se poursuivent, également avec les Flamands, mais sans le N-VA”. Des réunions finalement pas si discrètes qui fuitent régulièrement dans La Libre. Il est devenu clair qu’Ahmed Laaouej, le chef de groupe PS à la Chambre, mais surtout, président du PS bruxellois, rencontre les autres figures de proue francophones dans la capitale.
  • Ce ne sont pas exactement les noms les plus retentissants de la politique nationale : Céline Fremault (Les Engagés), David Leisterh (MR), Rajae Maouane (Ecolo) et François De Smet (Défi). Ils se réunissent régulièrement avec Laaouej, pour discuter de la réforme de l’État.
  • Ce qui les unit : ce sont tous clairement des Bruxellois qui veulent réfléchir ensemble sur la façon dont leur région peut être mieux organisée. L’accent n’est donc certainement pas mis sur le “confédéralisme” ou d’autres grandes questions communautaires, mais sur eux-mêmes. “Car cette prise de conscience a vraiment pénétré tout le monde : la manière dont la capitale est organisée aujourd’hui, tant au niveau de la région que de la ville et des communes, cela ne peut plus durer. Ce n’est pas un hasard si le bourgmestre de Bruxelles, Philippe Close (PS), est également venu le dire cette semaine dans les studios de la VRT”, déclare un membre du gouvernement bruxellois.
  • De plus, une deuxième constatation solide : la Flandre et la Wallonie, en tant que Régions, se retrouvent de plus en plus souvent impliqués dans des dossiers qui excluent Bruxelles. Très récemment, dans les discussions atour de la loi de la restauration de la nature, mais beaucoup plus concrètement pour Bruxelles : lors de la répartition des fonds européens du plan de relance, ils ont été brutalement écartés. Et cela s’est fait sous l’impulsion d’Elio Di Rupo (PS) et pas de Jan Jambon (N-VA).
  • “Si nous voulons éviter que nos structures et systèmes soient redessinés dans notre dos, alors nous devrons nous mettre d’accord, ou du moins y avoir déjà réfléchi très sérieusement”, telle est la logique au sommet de la Région bruxelloise.
  • “Il est vrai que Laaouej rencontre tout le monde, toutes les quelques semaines. Les francophones en groupe, les Flamands en bilatérales. Il continuera de le faire, mais il n’y a pas encore de discussions concrètes avec les partis flamands sur ces réformes bruxelloises”, admet un autre membre du gouvernement bruxellois.

L’essentiel : Du côté flamand à Bruxelles, il n’y a pas vraiment d’unanimité.

  • Justement cette semaine, les ténors du parti de l’Open Vld à Bruxelles, Alexia Bertrand et Sven Gatz, sont venus avec un certain nombre de propositions institutionnelles pour la capitale, qu’ils ont également fait adopter lors du congrès du parti à Gand.
    • Ils veulent réduire le Parlement bruxellois à seulement 50 membres, contre 89 actuellement : 40 francophones et toujours 10 néerlandophones (ce qui fait proportionnellement toujours 20 % et donc beaucoup).
    • Ils veulent des listes électorales bilingues. Et ils souhaitent que l’anglais soit une langue officielle : ce dernier point est devenu un enjeu majeur du débat, qui a également été discuté hier au Parlement flamand.
    • Ils veulent simplifier l’enchevêtrement des structures communautaires : les commissions communautaires, les collèges et conseils de la Commission communautaire commune (COCOM), de la Commission communautaire flamande (VGC) et de la Commission communautaire française (COCOF) doivent être supprimés.
  • En substance, l’Open Vld suit ce que les francophones veulent aussi : réduire le rôle des communautés et donc renforcer la Région de Bruxelles. Il semble que Vooruit et Groen, qui font partie du gouvernement bruxellois avec les partis francophones PS, Ecolo et DéFI, y soient aussi favorables.
  • En même temps, il y a eu des critiques particulièrement vives de l’opposition flamande à Bruxelles sur ces propositions :
    • “Nous ne laisserons pas les francophones décider des écoles néerlandophones et des services. La suppression de la VGC jette par-dessus bord toutes les garanties d’une offre néerlandophone solide”, a déclaré Benjamin Dalle (cd&v), une figure de proue des démocrates-chrétiens flamands dans la capitale.
    • “L’Open Vld gouverne à Bruxelles depuis le tournant du siècle. Rien n’empêche le ministre Gatz d’organiser Bruxelles plus efficacement dès aujourd’hui, qu’attend-il?”, a rétorqué Cieltje Van Achter (N-VA). “Pour le moment, cela va à l’encontre des intérêts de tous les néerlandophones à Bruxelles. Les services en néerlandais ne sont garantis qu’en raison de la présence flamande à Bruxelles.”
    • Au sein de la majorité à Bruxelles, les réactions sont dédaigneuses, surtout envers Dalle. “Pourquoi réagit-il si violemment maintenant ? Cet homme veut exister dans le débat”, dit un membre du gouvernement. “Je ne suis pas sûr qu’il ait bien compris Gatz. La VGC sera intégrée au fonctionnement du Parlement bruxellois, dans cette proposition des libéraux.”
  • Mais quoi qu’il en soit : il y a de fortes chances que le cd&v et Dalle devront faire partie du puzzle, tout comme la N-VA. Du moins si l’on veut faire une réforme de l’État en bonne et due forme.

La vue d’ensemble : La question éternelle revient toujours à propos de Bruxelles : une région à part entière, ou pas ?

  • Historiquement, il n’y a jamais eu de véritable choix : Bruxelles est-elle une région à part, à côté de la Flandre et de la Wallonie (à trois) ou doit-elle simplement être gouvernée à partir des deux communautés (à deux) ? Du côté francophone, on a toujours été sur cette voie des ‘trois’ régions, tandis que du côté flamand, on a toujours été beaucoup plus proches de la solution ‘à deux’.
  • Dans la pratique, Bruxelles est un enchevêtrement institutionnel. Cela ennuie aussi les partis francophones. Car ils sont confrontés au fait qu’ils n’ont jamais fusionné leurs régions et leur communauté en un seul gouvernement, comme c’est le cas en Flandre. « Une réforme de l’État interne pour les francophones » est donc un cri de guerre de longue date de ce côté-ci de la frontière linguistique, où l’on aimerait enfin simplifier les choses et travailler avec moins de personnel politique.
  • Mais il y a plus. Le système actuel offre beaucoup de privilèges aux politiciens flamands à Bruxelles : ils ont la parité dans le gouvernement (autant de ministres donc), ils ont à peine besoin de votes de préférence pour obtenir un siège et ont beaucoup d’argent pour leur culture et surtout pour l’enseignement néerlandophone dans la capitale via la communauté flamande. Pour s’attaquer à cela, il faut que les Flamands soient également à la table des négociations.
  • Dans le même temps, cela dérange les francophones que Bruxelles ne soit jamais devenue une région à part entière. C’est précisément sur ce point que le PS insiste depuis longtemps : fin 2020, Paul Magnette (PS) a lancé son idée d’un fédéralisme à trois régions (ou quatre, si vous comptez la partie germanophone). C’est là qu’une ouverture remarquable se dessine avec la N-VA : car ils veulent eux aussi une réforme de l’État, mais pour réaliser leur « confédéralisme » : beaucoup plus de pouvoir pour les régions. Du côté francophone, on n’est donc plus « demandeur de rien » : limiter les privilèges pour les politiciens flamands dans la capitale est certainement un rêve pour les partis francophones.
  • C’est sur cette réflexion plus globale qu’il y a eu des discussions entre le PS et la N-VA en 2020, avant de finalement former un gouvernement Vivaldi. Il est apparu que la N-VA était également prête à réfléchir de manière « créative ». Il est donc frappant que Laaouej laisse fuiter « qu’il ne parle pas avec la N-VA ». Car si le PS est sérieux dans sa volonté de procéder à une plus grande redéfinition, les nationalistes flamands entrent inévitablement en jeu.
  • « Mais il y a des discussions internes au PS qui durent depuis un moment. Ce n’est pas un hasard si le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort (PS) a lui aussi entrouvert la porte à une gouvernance avec la N-VA. Laaouej y est farouchement opposé, en région ou au niveau fédéral. Mais s’il veut discuter sérieusement, ne devrait-il pas déjà connaître l’opinion et les pistes de réflexion de tous les acteurs autour de la table ? », se demande un initié bruxellois.

À noter : Hier, un conseil ministériel restreint (kern) sur le taux des comptes d’épargne, après quoi la banque d’État Belfius a soudainement bougé.

  • Cela reste un débat pour lequel une quantité étonnante d’énergie est dépensée au sein de la Vivaldi : qui sera le champion des petits épargnants, qui obtiennent quelques miettes de taux d’intérêts sur leurs comptes d’épargne ? Presque chaque parti de la Vivaldi a déjà essayé de revendiquer ce titre.
  • Les socialistes et les écologistes au gouvernement ont alors accéléré le mouvement. Ils ont insisté, avec le vice-premier ministre Frank Vandenbroucke (Vooruit), pour régler cela légalement, en imposant aux banques un taux d’intérêt plus élevé.
  • Le secteur bancaire s’est opposé à cela : la Febelfin a fait un lobbying intense pour contrer l’initiative, et la Banque Nationale a émis un avis négatif sur cette intervention.
  • Mais le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) a compris la sensibilité politique et n’a pas abandonné le dossier. “Le marché doit fonctionner. Une banque doit offrir un meilleur taux pour attirer plus d’argent, et les autres banques sont censées suivre cet exemple. En ce moment, je ne vois pas cela se produire,” a déclaré le Premier ministre dans une interview sur La Première. “Soit le marché fonctionne, soit nous ferons fonctionner le marché.”
  • Hier, il y a eu une nouvelle réunion au sein du kern à ce sujet. Il a été décidé que Vincent Van Peteghem (cd&v), le ministre des Finances, en collaboration avec Pierre-Yves Dermagne (PS), allait faire appel à l’Autorité belge de concurrence. Ce chien de garde peut enquêter sur la possibilité d’accords de fixation illégale des prix entre les grandes banques.
  • Selon une lettre que Van Peteghem a envoyée à Dermagne, une telle enquête devrait permettre de répondre à l’interrogation suivante : “Existe-t-il des facteurs qui pourraient amener l’épargnant belge à ne pas déplacer son argent facilement”.
  • Coïncidence ou non, hier également, la grande banque Belfius, qui appartient entièrement au gouvernement belge, a enfin bougé. Au sein de la Vivaldi, on poussait depuis longtemps la banque à faire un geste. Cependant, Belfius ne veut officiellement pas le reconnaître.
  • Il reste que Belfius est la première grande entité à entrer en guerre. Leur compte Fidelity, le livret d’épargne le plus lucratif de la banque d’État, rapportera 1,25 % à partir du 1er juillet. Le taux d’intérêt sur le livret d’épargne ordinaire sera de 0,9 %, contre 0,5 % aujourd’hui. Cela maintient la rémunération en dessous du seuil symbolique de 1 %. Le concurrent BNP Paribas Fortis avait déjà indiqué que le taux d’épargne ne pourrait augmenter jusqu’à 1 % qu’à la fin de 2024.
  • Pas assez pour Ecolo, qui veut automatiser la hausse des taux d’épargne par voie législative. Gilles Vanden Burre revient à la charge : « Les Verts demandent un geste de la part des banques afin que les épargnants qui ont un montant juqu’à 10.000 euros sur leur compte épargne ne soient pas laissés pour compte. Notre proposition de loi vise donc à introduire un taux d’intérêt « protégé » et plus élevé qu’aujourd’hui. Concrètement, cela signifie aujourd’hui 3% pour ces 10.000 premiers euros. » Une manière de donner un coup de pouce aux épargnants et de ne pas trop exposer les banques, avec ce plafond. Ce taux de base « protégé » doit correspondre à la valeur moyenne du taux OLO (c’est-à-dire des obligations d’État) à 10 ans de l’État belge au cours du trimestre précédent, précise Ecolo, par communiqué.
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