Janet Yellen est à Bruxelles: elle va tout faire pour que l’UE revoit son projet de taxe numérique

Ces lundi et mardi, Janet Yellen se trouve à Bruxelles. Dans la foulée du G20 et de ses discussions positives sur une taxe mondiale sur les multinationales, la secrétaire américaine au Trésor va mettre la pression sur l’Union européenne afin que celle-ci reconsidère son projet de taxe numérique. Avec un objectif assumé en priorité: épargner les grandes entreprises américaines.

Pourquoi est-ce important ?

Ce week-end, à Venise, le G20 a approuvé l'accord sur la taxe mondiale sur les multinationales d'au moins 15% conclu début juillet au sein de l'OCDE. Pour les États-Unis, la mise en œuvre d'un tel impôt va de pair avec la reconsidération - si ce n'est l'abandon - du projet de taxe numérique de l'Union européenne, censée financer le plan de relance de l'UE.

Pour rappel, l’accord sur la taxation mondiale des multinationales vise à empêcher les grandes entreprises de se déplacer vers des juridictions à faible fiscalité et à établir un système plus équitable de répartition des droits d’imposition sur les multinationales, en fonction de l’endroit où elles opèrent et non de celui où elles ont leur siège. Un projet qui doit également impliquer la fin des taxes spécifiques sur les Big Tech tels que Facebook et Google déjà mises en place à l’échelle nationale par certains pays membres de l’Union européenne. Et la révision d’un tel projet à l’échelle du bloc.

La Commission européenne a retardé le lancement de ce projet jusqu’au 20 juillet, sous la pression de la Commission. Cette dernière souhaite le retirer ou évaluer sa compatibilité avec les efforts déployés au niveau mondial pour déterminer comment et où taxer les bénéfices des multinationales. Certains responsables européens seraient déjà prêts à reporter toute proposition de taxe numérique jusqu’à l’automne.

« Discriminatoires à l’égard des entreprises américaines »

D’après Bloomberg, Mme Yellen va profiter de sa présence à Bruxelles en ce début de semaine pour prier l’UE de reconsidérer son projet de taxe numérique. Elle ne l’a pas annoncé explicitement, mais elle a tout de même qualifié les taxes déjà instaurées par certains pays européens de « discriminatoire à l’encontre des entreprises américaines ».

« C’est vraiment à la Commission européenne et aux membres de l’Union européenne de décider comment procéder », a-t-elle déclaré.

Le secrétaire américaine au Trésor doit rencontrer collectivement les ministres des finances de l’Union européenne lundi. Elle aura également des réunions séparées avec la présidente de la Banque centrale européenne Christine Lagarde, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le chef du commerce de l’UE Valdis Dombrovskis, entre autres.

Du côté de l’UE, certains responsables ont déjà tenté d’apaiser les craintes des États-Unis. C’est notamment le cas du ministre français des Finances, Bruno Le Maire.

« Il n’y a rien de dirigé contre les Américains et je souhaite que nous puissions lever les inquiétudes américaines là-dessus », a-t-il déclaré, ajoutant qu’il existe des « solutions » pour y remédier.

Réticences

Tout le monde au sein de l’Union européenne n’est pas aussi confiant que le ministre français. Margrethe Vestage, responsable de la politique numérique de l’Union européenne et donc pleinement concernée par le dossier, n’a jusqu’ici pas fait preuve du même optimisme quant à la possibilité de réviser le projet de taxe numérique européenne.

« Les discussions que nous avons en Europe sur les ressources propres pour financer le plan de relance et de résilience à terme – cela nous concerne et nous aurons ces discussions en interne à la commission sur la façon d’y faire face », s’est-elle contentée de commenter. Janet Yellen doit aussi la rencontrer en ce début de semaine.

Outre la mise au frigo de la taxe numérique, la taxe mondiale sur les multinationales constitue elle aussi un sujet de tensions au sein de l’Union. Ainsi, trois de ses membres – l’Irlande, la Hongrie et l’Estonie – refusent pour l’instant d’y adhérer. Ce qui est un réel problème, dans la mesure où les questions fiscales au sein de l’UE nécessitent l’unanimité.

Mme Yellen va d’ailleurs également rencontrer le ministre irlandais Paschal Donohoe. Il a déclaré au début du mois que l’Irlande n’était pas encore prête à accepter un taux d’imposition minimum global d’au moins 15%, mais qu’il avait l’intention d’organiser une consultation publique dans son pays sur le projet d’accord. Le gouvernement s’est également engagé à « participer de manière constructive » aux discussions sur la fiscalité. Notons que M. Donohoe est aussi président de l’Eurogroupe des ministres des finances de la zone euro.

Le séjour à Bruxelles de la secrétaire au Trésor s’annonce chargé, très chargé.

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