De la décroissance aux nouvelles technologies: 4 scénarios pour atteindre la neutralité carbone

Une question fondamentale qui n’a pas qu’une seule réponse. Atteindre la neutralité carbone en 2050 est une combinaison de facteurs complexes qui passe selon les cas de figure par plus de sobriété, une meilleure consommation ou plus de technologies.

L’heure est aux projections en France. Après l’association NégaWatt et le gestionnaire national du Réseau de transport d’électricité (RTE), c’est au tour de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) de présenter ses scénarios vers la neutralité carbone.

L’étude qui a bénéficié d’une centaine d’experts pendant deux ans part d’un constat : si les tendances actuelles se poursuivent, la France n’arrivera pas à atteindre la neutralité carbone en 2050. L’Agence établit donc 4 scénarios pour modifier cette trajectoire qui nous mène droit dans le mur. Il faudrait un confinement par an (et encore) pour diminuer suffisamment nos émissions de gaz à effet de serre, qui sont toujours en hausse.

Ces scénarios vont du plus sobre au plus technophile et sont expliqués de long en large dans un rapport de 650 pages. Les chercheurs se sont heurtés à plusieurs obstacles. En effet, si les projections sur les besoins énergétiques sont déjà bien modélisées, ce n’est pas le cas des effets précis du changement climatique, de l’état des ressources ou encore de l’état de la biodiversité. Enfin, l’étude a été menée à l’échelle de la France. Difficile de ne pas mettre dans la balance l’état du monde extérieur. Mais les projections en deviennent alors trop complexes.

Ademe

Scénario 1 :Génération frugale

La frugalité est ici un choix mais aussi une contrainte, avec une préférence pour le local, le bio (70%) et la diminution par trois de la consommation de viande. Au niveau de la mobilité, chaque personne devrait diminuer de moitié ses trajets et privilégier le vélo ou la marche à pied pour la moitié de ces trajets.

C’est le règne de la low-tech, qui privilégie la réparation et la réutilisation. On mise sur le numérique collaboratif, tout en faisant attention à la consommation des data centers.

Au niveau du territoire, on privilégie les petites villes et les zones rurales aux grandes métropoles. 70% de l’acier, de l’aluminium, du verre, du plastique et du papier-carton est recyclé. La production est au plus proche des besoins, c’est la fin de l’hyper-consommation. Le commerce international se contracte.

Scénario 2 : Coopération territoriale

On vise ici l’évolution soutenable des modes de vie, avec une économie de partage, l’équité et la préservation de la nature inscrite dans le droit. La consommation de viande est divisée par 2 et la part du bio est de 50%.

On vise la rénovation et des habitats mieux adaptés aux réalités sociologiques avec une taille de logement qui colle mieux à celle de la famille. La mobilité est maitrisée avec -17% de km parcourus par personne. La moitié de ces trajets se ferait à pied ou à vélo.

On mise tout sur l’efficacité énergétique et le numérique au service du développement territorial. Là aussi, une attention particulière est mise sur la consommation des data centers. L’accent est placé sur la coopération entre les territoires de villes moyennes, la planification énergétique territoriale et des politiques foncières.

Ce scénario nécessite une réindustrialisation de secteurs-clés ainsi qu’un commerce international régulé. Même si la priorité est mise sur les marchés locaux. La production est mesurée en valeur plutôt qu’en volume. 80% de l’acier, de l’aluminium, du verre, du plastique et du papier-carton est recyclé.

Scénario 3: Les technologies vertes

Ici, on se dirige vers plus de nouvelles technologies que de sobriété. Une sorte de consumérisme vert où les services rendus par la nature sont optimisés. On vise une baisse de 30% de la consommation de viande et une part du bio à 30%.

Au niveau de l’habitat, on mise sur la déconstruction et la reconstruction à grande échelle pour maintenir l’emploi et favoriser l’efficatité énergétique. Au niveau de la mobilité, on privilégie davantage les transports en commun, avec seulement 30% des trajets à pied ou à vélo.

On cible les technologies peu émettrices de carbone. Tout est numérique avec une consommation des data centers 10 fois plus importante qu’aujourd’hui.

L’État joue un rôle central dans la planification, avec une fiscalité carbone et une métropolisation du territoire. C’est le règne de la croissance verte, de l’innovation technologique, de la captation de carbone, de la concurrence internationale et des échanges mondialisés.

Dans ce scénario, 60% de l’acier, de l’aluminium, du verre, du plastique et du papier-carton est recyclé.

Scénarios 4: Le pari réparateur

Ici, c’est la sauvegarde de notre mode de vie et de la consommation de masse. La nature est une ressource à exploiter. Notre confiance, on la place dans notre capacité à réparer les dégâts causés aux écosystèmes.

La consommation de viande est quasi-stable (baisse de 10%), complétée par des protéines de synthèse ou végétale. On vise la construction neuve alliant innovations technologiques et efficacité énergétique.

Notre mobilité augmente avec 28% de km parcourus en plus par personne. On cherche la vitesse, on mise sur l’électrique, les trajets à pied et en vélo ne représentent que 20%.

L’innovation est poussée à l’extrême: captage et stockage de carbone. Internet des objets et intelligence artificielle omniprésents. Les data centers consomment 15 fois plus d’énergie d’aujourd’hui. L’agriculture est intensive, l’étalement urbain omniprésent et la consommation énergétique est planifiée par un système centralisé. Dans ce scénario, 45% de l’acier, de l’aluminium, du verre, du plastique et du papier-carton est recyclé.

Conclusion

La clé, c’est bien sûr l’énergie. De sa consommation (ou de sa non-consommation) découle tout le reste. À la lecture de ces scénarios, notre salut vient sans doute d’une combinaison de plusieurs facteurs: d’une baisse de notre consommation, en misant sur la réutilisation, jusqu’au soutien de nouvelles technologies pour maitriser les émissions de carbone. « Atteindre la neutralité repose sur des paris forts, aussi bien sur le plan humain (changements de comportements) que technologique », souligne l’Ademe.

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