Comment une hausse des taux d’intérêt pourrait aggraver une crise mondiale des dettes

Les pays en voie de développement peinent déjà à rembourser leurs dettes, et une augmentation des taux d’intérêt pourrait les mettre dans davantage de difficultés, montre une étude d’une ONG britannique. Des craintes que le FMI et Xi Jinping partagent. Des appels à des allègements ou annulations de dettes se font entendre.

La Commission fédérale des marchés (Federal Open Market Committee) se réunit cette semaine pour élaborer une feuille de route pour restreindre ses politiques monétaires. La Réserve fédérale a déjà indiqué, de son côté, vouloir augmenter le taux d’intérêt cette année, reste à savoir quand aura lieu la première et combien d’augmentations auront lieu en tout. Le marché s’attend à trois ou quatre hausses. La banque centrale du Royaume-Uni a déjà augmenté ses taux, de 0,10 à 0,25%, alors que la BCE ne s’est pas encore clairement prononcé pour ou contre une augmentation. En économie, augmenter les taux d’intérêt est considéré comme un frein contre l’inflation.

Mais augmenter les taux d’intérêt a un désavantage : prêter de l’argent coûtera alors plus cher. Les taux sont actuellement historiquement bas suite à la pandémie : pour que les acteurs puissent quasi gratuitement remplir leurs réserves et que l’économie puisse être relancée. Une ONG britannique, the Jubilee Debt Campaign a alors analysé l’impact d’une augmentation des taux d’intérêt des principales banques centrales sur les économies émergentes.

Dans l’étude, l’organisation écrit qu’entre 2010 et 2021, les paiements de la dette des pays en voie de développement ont augmenté de 120%. Il sont aujourd’hui à leur plus haut depuis 2001. La part moyenne des recettes publiques utilisée pour payer des dettes envers d’autres pays a également augmenté, passant de 6,8% en 2010 à 14,3% en 2021. En 2020 notamment, les paiements se sont envolés.

L’étude, citée par CNBC, trouve alors que cette augmentation de paiements ralentit la relance économique post-covid. Une augmentation de taux d’intérêt de la Fed ou d’autres banques centrales majeures devrait encore aggraver le problème.

FMI et Xi Jinping : même son de cloche

Ces craintes ne sont pas que partagées par cette ONG. Du côté du FMI, la directrice générale Kristalina Georgieva a aussi indiqué qu’une hausse des taux d’intérêt pourrait être une « douche froide » pour les relances économiques, déjà faibles, de certains pays. Les pays devraient alors débourser plus pour suivre les paiement de leurs obligations en dollars, devenues plus chères.

« Si les grandes économies freinaient ou faisaient volte-face dans leurs politiques monétaires, il y aurait de graves retombées négatives », avait également prévenu le président chinois Xi Jinping à Davos. « Ils présenteraient des défis pour la stabilité économique et financière mondiale, et les pays en développement en supporteraient le poids. »

54 pays en crise de la dette

L’étude indique encore que 54 pays font actuellement face à une crise de la dette, ce qui veut dire que la charge de la dette est tellement importante que les gouvernements peinent à préserver les droits économiques et sociaux des citoyens. Elle ajoute que 14 pays sont sur le point de basculer dans une crise de la dette autant publique que privée. 22 pays sont sur le point de voir leur secteur privé glisser dans une crise de la dette, et 21 pays sont sur le point d’entrer dans une crise de la dette publique.

Le Joint Data Center, également cité par CNBC, analyse également les sources des dettes : de toutes les dettes détenues par des pays à faibles revenus ou à revenus moyens, 47% appartiennent à des prêteurs privés, 27% à des institutions multilatérales, 14% à d’autres gouvernements, et 12% à la Chine (qui offre même plus de prêts, via des constructions spéciales, que ce que les pays peuvent accumuler selon des conventions internationales).

Annuler les dettes?

Le président de la Banque Mondiale, David Malpass, partageait également des craintes sur un trop grand poids de la dette dans les pays en voie de développement, et appelait à un allègement de la dette.

Un cadre spécial du G20 avait été créé en 2020, pour aider des pays en risque d’insolvabilité. Dans les pays qui se sont manifestés, aucun n’a encore vu sa dette annulée. Le « African Forum and Network on Debt and Development (AFRODAD) » (Forum et réseau africain pour le développement et la dette) avertit aussi, depuis longtemps, que de nombreux pays sont au bord du gouffre financier. En novembre 2021, la Zambie a ainsi été le premier pays, depuis le début de la pandémie, à ne pas pouvoir payer ses obligations.

Cette organisation appelle alors à des « allègements inclusifs » de la dette, et des « annulations compréhensives ». La Jubilee Debt Campaign partage ces demandes, en ajoutant qu’avec leurs crises de dettes, ces pays n’ont plus les fonds pour faire face au réchauffement climatique, ni au coronavirus.

Or, alléger ou annuler des dettes n’est pas toujours si simple que cela peut paraître, et ne peut sembler une solution unique. De nombreux pays en voie de développement sont gangrénés par la corruption, et l’argent public et celui des dettes au nom du pays disparaît sur des comptes privés au lieu d’être injecté dans l’économie. Avec une révision de la dette, il faudrait alors aussi changer certains paradigmes économiques, répondraient des adversaires d’une annulation simple de la dette.

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