Comment les confinements ont nourri les théories du complot chez les climatosceptiques

Les opposants aux politiques climatiques se sont trouvé une nouvelle menace fantôme, le « Climate Lockdown ». Un confinement forcé afin de diminuer les émissions de CO2, et le premier pas vers un « totalitarisme vert ». C’est n’importe quoi, mais ce courant de pensée qui trouve les efforts écologiques trop couteux pourrait causer bien des dégâts.

Alors qu’à Glasgow se prépare la Cop26, la grande conférence internationale sur la lutte contre le changement climatique, les experts lancent l’alerte: les mouvements climatosceptiques sont toujours plus actifs, et ils utilisent allègrement la pandémie et les mesures prises pour l’enrayer dans leur argumentaire.

Depuis septembre 2020, les équipes du Institute for Strategic Dialogue (ISD), un organisme étudiant les discours extrémistes et la polarisation de la société, ont constaté l’émergence d’un nouvel argumentaire sur les réseaux sociaux qui tourne autour de l’idée de « Climate Lockdown« . Dans un récent rapport, l’institution signale une peur croissante parmi les populations que les gouvernements adoptent une approche totalitaire afin d’atteindre leurs objectifs climatiques.

« Il est important de reconnaître que la crainte d’une intervention excessive du gouvernement ou de l’autoritarisme n’est pas en soi extrémiste », rappelle Jennie King, responsable politique à l’ISD. « Ce qui est problématique, en revanche, c’est lorsque toutes les questions publiques sont amenées dans un cadre conspirationniste qui implique qu’il y ait des dynamiques de pouvoir invisibles en jeu. »

Car le « Climate Lockdown » s’est développé comme une véritable thèse proclamant que, si les gouvernements peuvent imposer des confinements prolongés à leurs administrés, et que ceux-ci ont pour conséquence indirecte une réduction importante des émissions de gaz à effet de serre, alors ces confinements seront bientôt imposés au nom de l’écologie. Une crainte de la « tyrannie verte » savamment propagée par les milieux climatosceptiques et l’extrême-droite de l’écosystème qui d’ailleurs se recoupent régulièrement. Avec, parfois un coup de pouce involontaire des médias, comme quand The Guardian a un peu rapidement titré « Un confinement global tous les deux ans » ce qui pouvait laisser sous-entendre que l’idée était vraiment à l’étude pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris.

Il en faut peu : à lui seul, cet article a été cité ou référencé dans 28% des tweets mentionnant les termes « Climate Lockdown » entre septembre 2020 et avril 2021. « Alors que les populations se remettent du traumatisme de la pandémie, il y a plus de peur et de griefs à exploiter, et un plus grand nombre d’électeurs qui pourraient se retourner contre l’action climatique », prévient le rapport.

Le ISD alerte sur la propagation du sentiment que le coût et les contraintes des efforts climatiques sont trop élevés pour les populations et l’économie. Une nouvelle tendance qualifiée de « naysayers » qui ne nie pas la réalité des changements climatiques, mais présente comme disproportionnés les efforts pour en atténuer les conséquences. Un point de vue qui s’insinue d’autant plus aisément en période de pénurie énergétique, alors que le retour au charbon tente certains pays pour assurer l’approvisionnement hivernal, et qui pourrait tuer dans l’œuf toute réelle ambition lors de la Cop26. Car parmi les chefs d’État, on compte de véritables climatosceptiques, comme le président brésilien Jaïr Bolsonaro, ou des partisans du charbon qui rejette les rapports alarmistes du GIEC, comme le Premier ministre australien Scott Morrison, qui d’ailleurs rechigne à se rendre à Glasgow.

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