Tous les regards tournés vers la BCE: pourquoi elle sera plus prudente que la Fed

C’était attendu. La Réserve fédérale américaine a resserré sa politique monétaire et prévoit trois hausses des taux d’intérêt pour contrer l’inflation. L’exercice est périlleux: il faut éviter que cette politique mène à la récession. Cette décision de sa consoeur américaine met la pression sur la BCE, réunie ce jeudi. Mais le ton adopté par Lagarde devrait être bien différent.

Les marchés ont bien réagi aux décisions de la Fed. Il faut dire que la pression des économistes était intense. L’inflation américaine s’enflammait à 6,8% avec des spécificités propres comme ses tensions sur le marché de l’emploi. La Fed avait déjà été moins prudente que la BCE en reconnaissant que l’inflation n’était plus « transitoire ».

Du côté de l’Europe, ce n’est pas le cas. Force est de constater que Christine Lagarde n’a jamais reconnu ce caractère persistant de l’inflation. Lors de la précédente réunion, il y a quelques mois, la présidente de l’institution bancaire pensait toujours fermement que l’inflation se calmerait d’elle-même avec la résolution progressive de la crise de la chaine d’approvisionnement et la baisse de la demande énergétique (qui a poussé les prix vers le haut en pleine reprise).

Sauf que le taux d’inflation est passé de 3,2% en septembre à 4,9% en novembre, bien loin des 2% souhaités. En outre, il n’est pas du tout certain, au vu du contexte géopolitique actuel, que les prix de l’énergie se mettent à baisser dans les prochains mois. Un autre argument en faveur d’une politique monétaire plus stricte concerne les salaires qui suivent l’inflation. Cela se traduit par une hausse des coûts pour les entreprises qui pourraient les répercuter ensuite sur les consommateurs. Pour beaucoup, la BCE a été naïve sur l’inflation.

Le spectre de 2011

Mais l’Europe a ses propres faiblesses. Et l’erreur de 2011 ne doit sans doute pas être répétée. Quand Jean-Claude Trichet, président de la BCE de 2003 à 2011, avait rehaussé les taux directeurs par deux fois, ce qui avait mené, entre autres, à une crise dans la zone euro. Il est vrai qu’à l’époque, les signaux de la croissance étaient bien plus faibles qu’ils ne le sont aujourd’hui. Mais de nombreux États européens sont toujours aussi hyper-endettés. Grimper les taux d’intérêt, c’est alourdir leurs dettes, surtout dans l’Europe du Sud. La BCE marche sur des oeufs : limiter l’inflation sans créer de récession et une nouvelle crise, alors qu’un nouveau variant pointe son nez.

C’est pourquoi Lagarde et consorts devraient adopter un discours plus prudent que Jerome Powell. Aucune décision hâtive gravée dans le marbre ne doit être prise, il en va de la sécurité économique des États. Les perdants de cet attentisme seront les épargnants, qui verront leur pécule grignoté par l’inflation.

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