Pourquoi les anciens champions de la lutte contre le coronavirus font-ils face à une nouvelle année de crise?

À travers l’Asie et l’Océanie, de nombreux pays ont montré en 2020 des capacités extraordinaires pour contenir le virus et éviter les décès. Mais aujourd’hui, alors que l’Europe et les États-Unis libèrent leur population, remplissent leurs stades de personnes vaccinées et font tomber les masques, les anciens champions font toujours face à un cycle d’incertitudes, de restrictions et d’isolement. Pourquoi ?

Dans le sud de la Chine, la propagation du variant Delta a entrainé le confinement soudain de Guangzhou, une grande capitale industrielle. Taïwan, le Vietnam, la Thaïlande et l’Australie ont également dû intensifier leurs mesures à la suite des récentes reprises de la pandémie. Tandis que le Japon fait face à une quatrième vague et craint les conséquences désastreuses des Jeux olympiques.

Sur le plan économique, la région a relativement bien résisté à la pandémie. Au début de 2020, la plupart des pays avaient bien résisté au virus. Et ils ont pu revivre très rapidement. Aujourd’hui, dans la plupart des endroits, les gens continuent leur vie, avec des masques, en tenant compte des distanciations sociales et restant proches de chez eux. Mais avec des centaines de millions de personnes toujours non vaccinées de la Chine à la Nouvelle-Zélande – et avec des dirigeants qui maintiennent les frontières internationales fermées dans un avenir prévisible – la tolérance à l’égard des mesures diminue. Peut-être au pire des moments puisque les nouveaux variants font craindre une nouvelle pandémie. Même en Asie et dans les autres pays du Pacifique, les gens commencent à en avoir marre.

Dans certains endroits, comme le Vietnam, Taïwan et la Thaïlande, les campagnes de vaccination ont commencé il y a peu de temps. D’autres, comme la Chine, le Japon, la Corée du Sud et l’Australie, ont connu une forte augmentation des vaccinations ces dernières semaines, mais ils sont encore loin de pouvoir proposer des vaccins à quiconque le souhaite.

Le résultat de décisions prises il y a des mois

En cette année 2021, la tendance dans le monde semble s’être renversée. Alors que les Européens et les Américains célèbrent ce qui ressemble à une nouvelle aube, les 6 prochains mois de cette année ressembleront beaucoup à la précédente pour bon nombre des 4,6 milliards d’habitants d’Asie. Certains devront continuer à subir des restrictions modérées tandis que d’autres souffriront d’un total isolement.

Ou ce pourrait être le début d’une révolution. Les entreprises du monde entier s’inquiètent de l’impact de la nouvelle épidémie dans le nord de la Chine sur les ports très fréquentés dans cette région industrielle. La vaccination chancelante dans toute l’Asie pourrait provoquer de nouveaux confinements dus aux variants plus contagieux. C’est toute l’économie qui en serait à nouveau impactée. Mais la politique et les dynamiques de pouvoir entre les nations pourraient également en être totalement bouleversées.

Tout cela est le résultat de décisions prises il y a des mois, avant que la pandémie ne soit à son paroxysme. Au printemps 2020, les États-Unis et l’Europe ont massivement investi dans les vaccins. Des approbations accélérées ont été autorisées et des milliards ont été dépensés pour sécuriser les premiers lots.

Mais en Australie, au Japon, à Taïwan, en Corée du Sud et dans de nombreux pays de la région, le nombre de cas et de décès était maintenu si bas. Ces pays avaient fermé toutes leurs frontières et ils bénéficiaient d’un large soutien de la population aux règles strictes et possédaient un tracing exemplaire. Avec une situation sanitaire sous contrôle et peu de moyens pour développer des vaccins au niveau national, ces pays ont fait le pari de ne pas croire en des solutions encore non éprouvées et de ne pas passer commande. La menace perçue était trop faible pour investir là-dedans.

Pour venir à bout d’une pandémie, il faut des stratégies à la fois défensives et offensives

Les contrôles aux frontières fonctionnent comme une stratégie de destruction de virus – une méthode préférée dans toute l’Asie – mais jusqu’à un certain point. Pour mettre fin à la pandémie, vous avez besoin de stratégies à la fois défensives et offensives, nous le savons maintenant. Et la stratégie offensive se retrouve dans les vaccins. Leur déploiement en Asie a été dicté par la logique humanitaire, la complaisance locale et la puissance brute sur la production et l’exportation de produits pharmaceutiques. En mars, par exemple, l’Italie a bloqué l’exportation de 250.000 doses du vaccin AstraZeneca, destinées à l’Australie pour contrôler son épidémie. D’autres expéditions ont été retardées en raison de problèmes de fabrication.

La réalité est que les pays qui fabriquent les vaccins ont tendance à les garder pour eux. Et à l’exception de la Chine, toute l’Asie du Sud-Est et l’Océanie dépendent de vaccins produits ailleurs. Même le Japon, la troisième puissance pharmaceutique au monde, n’a produit lui-même aucun vaccin.

En réponse à cette réalité et aux rares effets secondaires inquiétants de certains vaccins, de nombreux politiciens des pays de l’Asie du Sud-Est ont très tôt souligné qu’il n’y avait pas de raison de se précipiter. Résultat : aujourd’hui, il y a un énorme écart avec la vaccination en Occident.

L’expérience de Taïwan est typique

En Asie, environ 20% de la population a reçu au moins une dose de vaccin. Au Japon, ils ne sont que 14%. La Chine a dû lutter contre les hésitations du public autour des vaccins et le 2 juin, le pays a réalisé 22 millions d’injection, un record national. Au total, la Chine a déclaré avoir administré près de 900 millions de doses, dans un pays de 1,4 milliard d’habitants.

Le Japon a également intensifié ses efforts en assouplissant les règles qui indiquaient que seuls certains travailleurs médicaux pouvaient réaliser les injections. Les autorités japonaises ont ouvert d’importants centres de vaccination à Tokyo et à Osaka et ont étendu les programmes de vaccination aux lieux de travail et aux collèges. Le Premier ministre Yoshihide Suga a déclaré que tous les adultes auraient accès à un vaccin d’ici novembre.

À Taïwan, les efforts de vaccination ont récemment reçu un coup de pouce. Le gouvernement japonais a fait don d’environ 1,2 million de doses du vaccin AstraZeneca. Mais tout bien considéré, l’expérience de Taïwan est assez typique. À l’heure actuelle, le pays n’a pas encore reçu assez de doses pour vacciner 10% de sa population de 23,5 millions d’habitants. Une association bouddhiste a récemment proposé d’acheter des vaccins contre le Covid-19 pour accélérer les efforts de vaccination de l’île, mais on lui a dit que seuls les gouvernements peuvent faire de tels achats.

Et comme les vaccins sont à la traîne en Asie, l’ouverture à l’international le sera aussi. L’Australie a indiqué qu’elle garderait ses frontières fermées pour une autre année. Le Japon interdit actuellement à presque tous les non-résidents d’entrer dans le pays. Et l’examen minutieux des arrivées d’outre-mer en Chine a laissé les entreprises multinationales sans personnel clé.

Pronostic pour l’Asie : La maladie n’a pas été vaincue et ne le sera pas de sitôt

Dans un avenir à court terme, de nombreux pays d’Asie vont devoir continuer, dans des efforts frénétiques, à se débrouiller avec ce qu’ils ont. La réponse de la Chine à l’épidémie de Guangzhou – en testant des millions de personnes en quelques jours et en fermant des quartiers entiers – est un récapitulatif rapide de la façon dont le pays a géré les flambées précédentes. Peu de gens dans la région s’attendent à ce que cette approche ne change de sitôt. D’autant plus que le variant Delta, qui a dévasté l’Inde, commence maintenant à toucher le monde entier.

Dans le même temps, les détenteurs de vaccins subissent une pression accrue pour vacciner avant l’expiration des doses disponibles. Et ce n’est pas seulement en Chine continentale. L’Indonésie a menacé les habitants d’amendes d’environ 400 euros s’ils refusaient le vaccin. Le Vietnam a répondu à la récente flambée des infections en sollicitant des dons pour un fonds pour les vaccins. Et à Hong Kong, les responsables et les chefs d’entreprise ont créé une immense loterie pour apaiser les sérieuses hésitations.

Néanmoins, le pronostic pour une grande partie de l’Asie cette année est clair : la maladie n’a pas été vaincue et elle ne le sera pas de sitôt.

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