Le cigarettier Philip Morris, qui détient notamment la marque iconique Marlboro, a publié des encarts publicitaires pleine page dans plusieurs journaux britanniques pour annoncer que sa résolution pour la nouvelle année 2018 était… d’abandonner les cigarettes.
« Philip Morris est connu pour ses cigarettes. Chaque année, plusieurs fumeurs arrêtent de fumer. Maintenant, c’est notre tour. Notre ambition est de cesser de vendre des cigarettes au Royaume-Uni. Ce ne sera pas facile. Mais nous sommes déterminés pour faire de cette vision une réalité. Il y a 7,6 millions d’adultes qui fument au Royaume-Uni. La meilleure chose qu’ils puissent faire est d’arrêter de fumer. »
Philip Morris explique que son ambition désormais sera d’aider les gens à arrêter de fumer des cigarettes traditionnelles. « Aucun cigarettier n’a fait quelque chose de ce genre auparavant. Vous devez vous demander si nous le souhaitons vraiment ».
Philip Morris ad
Orienter les fumeurs vers des produits alternatifs
Que l’on se rassure, il ne s’agit guère d’une crise de philanthropie. Le but de cette campagne est d’inviter les fumeurs à remplacer les cigarettes traditionnelles par des alternatives plus modernes, comme les e-cigarettes et les produits basés sur le chauffage du tabac.
Le cigarettier affirme d’ailleurs que ces alternatives sont moins nocives. « Nous ne pourrons enregistrer un véritable bénéfice pour la santé publique que lorsqu’un grand nombre de ces fumeurs passeront cigarettes à de meilleurs produits », explique-t-il d’ailleurs dans son annonce.
L’inéluctable déclin du tabagisme
Philip Morris n’a guère le choix. Les autorités dénoncent de plus en plus la nocivité des cigarettes, et les coûts qu’elles induisent pour la société. De leur côté, les consommateurs sont de plus en plus soucieux de leur santé. Ces 2 facteurs pointent inéluctablement vers un déclin de la cigarette. Entre 1965 et 2014, le pourcentage de fumeurs américains est passé de 43 % à 18 % Pour les cigarettiers, s’adapter à ce nouveau contexte est une question de survie.
Des stratégies discutables
Depuis 1999, le niveau de nicotine contenue dans certaines cigarettes a beaucoup augmenté, ce qui les rend plus addictives. C’est ce qu’a montré une étude du département de santé publique du Massachusetts et de l’École de Médecine de l’université du Massachusetts en 2014.
Les chercheurs ont examiné les niveaux de nicotine contenue dans les cigarettes de 4 cigarettiers américains, dont Philip Morris. Ils ont observé que la quantité de nicotine avait augmenté de 15 % entre 1999 et 2011.
Ils ont spéculé que cette augmentation pouvait résulter d’une modification de la conception de certaines cigarettes (une cigarette légèrement plus longue, ou un filtre différent) pour augmenter l’ingestion de nicotine par le fumeur. L’objectif serait de commercialiser des produits encore plus addictifs, qui pourraient faciliter l’entrée des jeunes fumeurs dans la dépendance dès leurs toutes premières cigarettes.
De cette manière, les cigarettiers chercheraient à limiter l’érosion de la population de fumeurs, et donc, de leurs clients.
Les gouvernements commencent à se rebiffer
En 1999, le ministère américain de la Justice a engagé ses poursuites contre les marques de cigarettes Marlboro, Camel et Lucky Strike. Il espérait ainsi récupérer les milliards de dollars dépensés en soins de santé pour traiter les maladies induites par le tabagisme.
Mais en 2006, le tribunal avait jugé ces réclamations sans fondement. Cependant, les grands industriels du secteur ont été condamnés l’année dernière à financer une campagne d’information pour compenser des décennies de messages mensongers sur les effets du tabagisme.
La campagne, diffusée en « prime time » à la télévision américaine, devait faire passer 5 slogans. Le plus percutant était sans doute celui-ci :
« On recense chaque année un nombre plus important de décès dus au tabagisme que ceux qui ont été provoqués par les assassinats, le sida, les suicides, les drogues, les accidents de voiture et l’alcool cumulés. »
Ainsi, ils devaient reconnaître publiquement que fumer tue.
Des produits alternatifs
Au mois de septembre 2017, on a appris que Philip Morris avait investi massivement dans une nouvelle génération de cigarettes compatibles avec sa technologie IQOS. Il s’agit d’un système de chauffage électronique qui ne brûle pas le tabac.
Les cigarettes issues de cette technologie, les Heets, contiendraient 90 à 95 % de composants chimiques et de constituants nocifs en moins. Selon Lucas Rossi, directeur de la production au Cube de Neuchâtel, le centre de R&D du cigarettier, des analyses auraient montré qu’elles réduiraient les risques de maladies cardio-vasculaires et de maladies respiratoires et pulmonaires.