Musk suit la stratégie de rachat de Buffett ; mais est-ce qu’elle va marcher pour mettre la main sur Twitter?

Plusieurs obstacles se présentent à Musk dans le rachat de Twitter: le crédit de sa personne, son offre pourrait ne pas être assez élevée et la stratégie de financement ainsi que le business plan ne semblent pas du tout clairs.

Warren Buffett suit une stratégie assez simple quand il achète une société. Il entre dans la pièce et pose une « valise avec les billets » sur la table. C’est sa seule et dernière offre, il ne bougera pas d’un iota. Et généralement sa stratégie marche ; récemment encore, elle lui a permis de s’approprier la compagnie d’assurances Alleghany pour 11,6 milliards de dollars.

Elon Musk a fait une offre de prix pour racheter Twitter, jeudi. Il suit la stratégie que fait Warren Buffett : proposer « sa meilleure et dernière offre » (à hauteur de plus de 42 milliards de dollars), qui est à prendre ou à laisser. Mais force est de constater que son offre pourrait bel et bien ne pas être acceptée : elle n’est pas la « meilleure », et ce pour différentes raisons.

La personne de Musk pose problème

Parmi les raisons, il y a le fait que son offre est perçue comme pas assez élevée par le marché, et trop évasive sur les détails financiers, rapporte Reuters. Mais avant toute chose, c’est la personne de l’homme le plus riche de la Terre qui pose problème.

« Warren a démontré à travers 40 acquisitions en 60 ans que lorsqu’il dit quelque chose, il le fait. Sa parole a une valeur énorme. Elon, je ne lui ferais pas confiance… il n’est pas fiable », explique Lawrence Cunningham, professeur en droit à la George Washington University à Reuters.

C’est que Musk n’en est pas à son coup d’essai d’offres de rachats. En 2018, il avait affirmé avoir réuni les fonds (72 milliards de dollars) pour racheter Tesla et l’enlever de la bourse. Mais il n’en a rien été, finalement. Sauf une sérieuse chute du cours de l’action de Tesla, et une amende de 20 millions de dollars chacun, pour lui et l’entreprise de véhicules électriques, de la part de la SEC, le gendarme boursier américain, pour manipulation des marchés. Depuis, Musk est en guéguerre constante avec la SEC, et son acquisition récente d’actions de Twitter est regardée très scrupuleusement par l’administration.

Offre trop basse?

Sur l’année 2021, l’action de Twitter valait en moyenne 60 dollars. Musk propose de racheter la société à 54,20 dollars l’action. C’est bien plus que le prix actuel de l’action certes, mais depuis le début de l’année les actions, surtout les valeurs technologiques, sont dans une mauvaise passe, après une année 2021 de tous les records. Certains analystes perçoivent donc son offre comme trop basse.

Sur la journée de jeudi, l’action a même perdu quelques plumes (-1,75%), après une première augmentation suivant l’annonce de l’offre de Musk. Les investisseurs semblent donc assez perplexes sur le fait que le deal puisse passer.

D’où est-ce que Musk sortirait cet argent?

Elon Musk a beau être l’homme le plus riche de la planète, il n’a pas tout cet argent en poche pour autant. Sa fortune est calculée en actions, et en tout, il aurait six milliards de dollars en liquidités sous la main. Il en manque au moins 36 pour racheter Twitter, mais Musk n’a pas encore précisé comment il compte récupérer cet argent.

Il devrait vendre 36 millions d’actions environ pour réunir la somme, ce qui chamboulerait le cours de l’action de Tesla. Il a également la possibilité de mettre ses actions en garantie contre un prêt : en général, 60 à 80% d’une telle offre sont couverts par des prêts, rapporte Reuters. Mais il lui resterait tout de même 10 milliards à payer, soit environ 10 millions d’actions à vendre. Il pourrait également se tourner vers des sociétés d’investissement pour la partie restante.

Ensuite, le business plan de Musk, pour Twitter ne semble pas encore très clair. Il semble vouloir enlever les publicités, mais elles sont le principal revenu du réseau social. Il critique ouvertement les dirigeants, mais ne propose pas de personnes qui reprendraient la main. De quoi refroidir les banques par rapport à des éventuels prêts.

Quelle alternative?

Des experts estiment que si Musk revient sur son offre, et la revoit à la hausse, elle pourrait plus facilement être acceptée par le conseil d’Administration (qui devra ensuite la proposer aux actionnaires, qui voteront). « Le conseil d’administration pourrait considérer qu’il y a lieu de rejeter la première offre et d’étudier les possibilités d’obtenir un prix plus élevé », ajoute Justin Post, analyste pour la Bank of America.

Une chose est sûre, que l’offre soit acceptée ou non, cette saga n’aura pas fini de faire parler d’elle.

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