Malgré des appels aux discussions de part et d’autres, Moscou et Washington restent sur le pied de guerre

En début de semaine, l’annonce des Russes qu’une partie des troupes déployées dans l’ouest du pays allait être rapatriée vers ses casernes avait autant surpris que suscité l’espoir d’une désescalade. Cette nouvelle tombait alors que les tensions étaient à leur paroxysme entre la Russie et les pays de l’OTAN, sans parler de l’Ukraine. Mais depuis, la situation ne s’est pas améliorée pour autant : Washington et Moscou se livrent à une guerre des nerfs à coup de bluff et de communication.

Les fusils n’ont toujours pas été replacés sur leur râtelier : de nombreux rapports contredisent les affirmations russes de retrait partiel des troupes. « Nous n’avons pas vu de preuves que la Russie a retiré ses forces des frontières de l’Ukraine. Contrairement à ce qu’elle affirme, la Russie continue de renforcer ses capacités militaires » a affirmé au Guardian le lieutenant général britannique Sir Jim Hockenhull. « Cela inclut des véhicules blindés supplémentaires, des hélicoptères et un hôpital de campagne se dirigeant vers les frontières de l’Ukraine. La Russie dispose de la masse militaire nécessaire pour mener une invasion de l’Ukraine. » Du côté de l’administration américaine, on parle de 7.000 soldats russes supplémentaires déployés dans la région, pour un total qui atteindrait les 150.000 combattants.

Oncle Sam ne baisse pas sa garde

Les Américains appellent leurs alliés à rester en alerte aussi longtemps qu’il le faudra sur le crise ukrainienne, et pour cela, ils emploient une technique inédite pour remporter la capitale bataille de l’information : ils n’hésitent pas à rendre publiques des informations qui devraient en temps normal rester classifiées. La révélation, ce mercredi, de nouveaux mouvements de troupes russes revient à renvoyer un message clair au Kremlin : « On le sait, on n’est pas dupe, et maintenant tout le monde le sait et personne ne baisse sa garde. » de quoi priver Vladimir Poutine de l’élément de surprise, selon une analyse de CNN.

La vice-présidente américaine Kamala Harris rencontrera le président ukrainien Volodymyr Zelensky à la conférence sur la sécurité de Munich ce week-end. Ce forum, auquel participeront également d’éminents responsables européens et des législateurs américains, est en train de devenir un point de ralliement pour les États-Unis et leurs alliés, tout en maintenant les occidentaux groupés et mobilisés.

L’ours russe préfère les échecs

Car du côté de Moscou, on semble jouer sur le long terme, et espérer que l’alarmisme de Washington finisse par lasser ses alliés et avoir l’effet inverse face à une situation qui semble enlisée ou, à tout le moins, qui n’est pas sur le point de dégénérer. D’où sans doute cette politique du « petit geste » qui semble changer la donne sur l’échiquier, comme cette annonce de retrait qui semble de moins en moins crédible.

« Même s’il n’envahit pas le pays, le président russe a la capacité de faire monter la pression chaque fois qu’il estime que la Russie n’est pas respectée », estime Stephen Collinson, correspondant pour CNN à la Maison-Blanche. « Et des jours et des semaines de prolongation de l’épreuve de force pourraient discréditer les affirmations américaines selon lesquelles une invasion est imminente, affaiblir la détermination de l’Occident et redonner à la Russie son élément de surprise. Dans une épreuve de force de longue durée, la Russie aurait l’avantage parce qu’elle se soucie beaucoup plus du sort de l’Ukraine, un ancien État fédéré soviétique, que n’y songe l’Occident. »

« Nous ne savons pas ce qui va se passer »

Pour les analystes qui connaissent tant la Russie que les USA, il semble bien qu’on se dirige vers une seconde guerre froide, où deux blocs à égalité se font face, avec un risque toujours crédible d’escalade militaire et de réguliers coups de chaud géopolitique.

« J’ai le regret de dire que c’est la nouvelle normalité en Europe », a déclaré à Bruxelles Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN. « Nous ne savons pas ce qui va se passer en Ukraine. Mais la situation a déjà démontré que nous sommes confrontés à une crise de la sécurité européenne. Moscou a clairement fait savoir qu’elle était prête à contester les principes fondamentaux qui sous-tendent notre sécurité depuis des décennies et à le faire en utilisant la force. »

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