Londres veut former ses garde-côtes à repousser en France les migrants interceptés dans la Manche

Le torchon brûle au dessus du Channel : Les Britanniques accusent les Français de ne pas faire leur part dans l’interception des migrants et menacent de les renvoyer de l’autre côté de la mer. Une mesure illégale, dénonce Paris. Et aussi immorale que dangereuse, alarment les associations de défense des droits humains.

Pourquoi est-ce important ?

Alors qu'en Grande-Bretagne, on redoute une nouvelle crise migratoire massive, le torchon brûle de part et d'autre de la Manche. Londres exige de Paris des mesures concrètes pour empêcher les migrants de tenter la traversée, et menace de reprendre l'argent promis en échange d'un meilleur contrôle des côtes françaises. Les Britanniques semblent maintenant décidés à refouler eux-mêmes les embarcations, au mépris du droit de la mer.

En début de semaine, la secrétaire d’État aux Affaires intérieures de Grande-Bretagne Priti Patel menaçait la France de reprendre les 54 millions de livres (62,77 millions d’euros) promis pour contribuer au contrôle des côtes de la Manche. Elle estime que les Français ne font pas leur partie du travail, alors que les départs d’embarcations légères chargées de candidats à la migration se multiplient ces derniers mois. Si fin septembre, les forces tricolores n’ont pas intercepté au moins trois embarcations sur quatre, alors le deal ne tiendra plus et la Grande-Bretagne reprendra son argent.

Mésentente sans cordialité

Priti Pratel a rencontré son homologue français Gérald Darmanin cette semaine afin de relancer les négociations sur ce sujet. Mais les eaux du Channel ne se sont pas réchauffées pour autant, au contraire : Alors que les Français estiment faire largement leur part, le gouvernement du royaume a dévoilé un plan visant à former le British Border Force à repousser vers les côtes françaises les embarcations de migrants interceptées dans les eaux anglaises.

Une mesure qui s’est attiré les foudres de l’ensemble des organisations de secours international, dont un communiqué officiel de la Croix-Rouge britannique : « La traversée de la Manche en bateau n’est jamais qu’un dernier recours désespéré, et un recours extrêmement dangereux. Lorsque la vie d’une personne est en danger, elle a besoin d’aide, de compassion et d’humanité, et non de voir son calvaire se prolonger. »

Au mépris du droit de la mer

Outre l’aspect humain, il faut aussi rappeler que refouler des migrants vers les frontières ou les eaux d’un autre pays est tout bonnement illégal au regard du droit international et du droit de la mer. Un assez gros détail quand même, que souligne Daniel Sohege, directeur du groupe de défense des droits humains Stand for All: « En tant qu’État-nation, vous ne pouvez pas vous rendre dans les eaux territoriales d’un autre pays et déposer des gens sur la plage sans son accord. »

Côté français, ces menaces britanniques qui succèdent à l’ultimatum financier n’ont pas manqué de faire réagir le gouvernement français, qui dénonce « un chantage financier » double d’un « mépris pour les règles du droit international ».

Si le rejet des embarcations de migrants sur les côtes françaises serait illégal, cette mesure serait surtout particulièrement dangereuse, augmentant le risque de naufrage en forçant à rebrousser chemin des embarcations qui ne sont de base pas forcément taillées pour la navigation maritime. Alors que la hausse du nombre de tentatives de traversées entraine déjà de facto une hausse du risque de noyade : un migrant érythréen est mort le mois dernier après que son canot ait chaviré.

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