Le retour des ‘Années folles’: réalité crédible ou totale lubie ?

La crise du coronavirus a cette particularité d’avoir frappé une économie qui faisait bonne figure. Certains économistes estiment que la reprise n’en sera que plus belle. La pandémie est selon eux une simple parenthèse, comme le fut la Première Guerre mondiale qui a débouché sur les Roaring Twenties.

Les Années folles débutent après la guerre 14-18 et la grippe espagnole, responsables respectivement de 10 et 50 millions de morts. Elles s’achèvent douloureusement par le krach boursier de 1929 aux États-Unis qui touchera l’Europe peu de temps après. Si ces années 20 sont surtout connues pour être une révolution culturelle et sociale, l’économie n’en demeure pas moins considérablement boostée: c’est l’essor de la radio, de l’automobile, du pétrole et de l’électricité.

L’ampleur de ces révolutions pourrait suffire à comprendre que cette appellation ‘Années folles’ est largement usurpée aujourd’hui. Voici toutefois quelques arguments qui plaident en leur faveur et défaveur.

Crédible

  • Les gens auront la bougeotte. C’est une certitude, si la pandémie et ses confinements auront des conséquences durables dans notre manière de nous organiser – pensons au télétravail -, elle aura également provoqué beaucoup de frustration. Les gens voudront bouger, fêter, voyager, dépenser.
  • L’épargne au plus haut. C’est l’un des paradoxes de cette crise. Globalement, nous nous sommes enrichis durant cette crise. En Belgique, l’épargne ‘forcée’ atteint les 23 milliards d’euros pour un total de 300 milliards qui ‘dorment’ sur des comptes sans rendement. En France, 200 milliards d’euros ont été épargnés en 2020.
  • Les perspectives de croissance. Boostées par l’Asie, les perspectives de croissance ont été revues à la hausse. En France, 28% des décideurs anticipent déjà une amélioration de la situation.
  • Les investisseurs n’ont jamais vraiment perdu confiance. S’il y a bien une constante dans cette pandémie, c’est la bonne tenue de la bourse qui bat record sur record. Et selon les prévisions, ce n’est pas près de s’arrêter.
  • L’ère de la numérisation. Internet est là depuis un certain temps, cela ne vous aura pas échappé. Mais en utilisait-on les pleines capacités? Les confinements et le télétravail nous auront fait considérablement progresser dans ce domaine. Services à distance, réunions en visio-conférence… Certains pensent que le télétravail nous fera gagner en productivité. Selon un sondage de Gapgemini réalisé à l’automne dernier, 70% des entreprises prévoient un gain de productivité dans les 2 à 3 prochaines années. L’utilisation des nouvelles plateformes, l’amélioration des algorithmes et de l’intelligence artificielle sont les raisons évoquées. Selon un autre sondage de la Banque mondiale, 34% des entreprises ont augmenté leur utilisation des plateformes numériques au printemps dernier.

Lubie

  • Creusement des inégalités. L’épargne cache une autre réalité: les plus riches ont pu épargner contrairement aux plus pauvres. Les inégalités se creusent, ce qui pourrait avoir un impact considérable sur la consommation.
  • Certains ne se relèveront pas. Parmi les secteurs en crise, certains entrepreneurs ne pourront pas attendre la reprise. En Belgique, un tiers des établissements de l’horeca pourraient fermer leurs portes. Et la situation n’est pas bien meilleure dans le sud du pays. Évènementiel, secteur touristique, culture… il est déjà trop tard pour certains. Seules les aides d’État ont permis pour le moment de sauver la face.
  • Économie de planche à billets. Depuis la crise financière de 2008, nos économies sont sous assistance respiratoire. Les banques centrales maintiennent les taux d’intérêt artificiellement bas. Ils sont même devenus négatifs. En 2015 en Suisse d’abord, puis en France et en Allemagne depuis 2019. Même les pays dits du ‘Club Med’ comme l’Italie et l’Espagne ont vu les rendements sur la dette devenir négatifs.
  • Une avalanche de dettes publiques. La Banque JP Morgan évalue à 20.000 milliards de dollars les plans de relance en 2020. Un cinquième de la production mondiale. En Belgique, la ministre du Budget a déjà indiqué que l’État devrait se serrer la ceinture pour les 10 prochaines années. La dette publique du pays se chiffre à plus de 500 milliards d’euros, soit 120% du PIB. ‘La dette publique, c’est comme un élastique, vous pouvez tirer dessus jusqu’au moment où ça craque’, estimait début mars Bertrand Candelon, professeur de Finances à l’UCLouvain, interrogé par RTL Info. Payer cette dette nécessite de la croissance. D’utile, cette croissance devient donc indispensable.
  • ‘La mère de toutes les bulles’. C’est la Bank Of America qui a sonné l’alarme fin février. Les records des grandes valeurs technologiques risquent de former ‘la mère de toutes les bulles’. Dans le sillage des actions des Big Tech, les fonds ont gonflé de 27,8 milliards de dollars en une semaine. Depuis mars dernier, la capitalisation boursière mondiale a augmenté de 50.000 milliards de dollars, soit 6,2 milliards de dollars par heure. Il s’agit d’un rythme presque 10 fois plus rapide que celui observé après la crise financière de 2008. Cette ruée sans précédent des investisseurs en quête de rendements, que ce soit vers les actions ou dernièrement le Bitcoin, est une conséquence directe des montagnes de cash injectées sur les marchés par les autorités monétaires. Certains annoncent une correction boursière inévitable.

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