Bientôt la fin du « made in China » dans le secteur de la mode ?

Si la Chine a pendant longtemps été une destination de choix pour la production textile, le pays a perdu de sa superbe depuis quelques années, et ce, pour plusieurs facteurs. Cela s’est confirmé au cours des dernières années, mais de là à imaginer le monde de la mode sans du « made in China », il y a un gouffre.

Depuis une décennie, de plus en plus de marques de vêtements diversifient leurs lieux de production dans le monde – principalement en Asie -, afin ne plus dépendre d’un seul et même pays. Un phénomène qui a pris de l’ampleur avec la pandémie de coronavirus. Le cloisonnement du pays et les confinements de la population ont eu un impact sur leur production, mais ce n’est pas le seul élément qui fait qu’aujourd’hui, la Chine n’est plus aussi attractive qu’avant pour le secteur du textile.

Le « made in China » était la norme

En 2005, 70 % de tous les textiles provenaient de l’Empire du Milieu. Une majorité des entreprises de fast-fashion telles que H&M et Inditex, la maison mère de Zara, y faisaient confectionner leurs vêtements bon marché, et ce, en raison de la grande attractivité du pays. Faire fabriquer ses vêtements en Chine offrait plusieurs avantages :

  • En tant que plus grand producteur de coton au monde, la Chine disposait des matières premières à portée de main pour la confection de vêtements.
  • L’Empire du Milieu proposait également une main-d’œuvre particulièrement bon marché et nombreuse, ce qui faisait que les industriels pouvaient compter sur un rythme de production élevé à bas prix.

Un dernier point qui n’est plus totalement vrai aujourd’hui. Plusieurs pays asiatiques offrent en effet une main-d’œuvre moins chère, ce qui les rend forcément plus intéressants auprès des marques de vêtements.

Une attention plus éthique

Depuis plusieurs années maintenant, une part croissante de consommateurs porte une attention particulière sur l’origine des vêtements qu’ils achètent. Outre l’impact environnemental, les conditions de travail appliquées dans les pays producteurs sont devenues une question récurrente, alors que de nombreux scandales ont éclaté.

Si le travail des enfants et les salaires indécents pratiqués dans les usines chinoises de textile sont connus depuis longtemps – et parfois effacés de la mémoire des consommateurs -, la révélation de l’implication d’Ouïghours, minorité musulmane persécutée en Chine, dans la production de vêtements a provoqué l’indignation de certains.

De nombreuses marques – et pas seulement de vêtements – ont dû réagir et assurer qu’elles n’étaient pas liées au travail forcé infligé à cette minorité.

Préoccupations pratico-pratiques

Outre l’aspect toujours plus éthiquement sensible de la Chine, la pandémie de coronavirus a montré combien les marques étaient vulnérables au bon fonctionnement du pays. À cela s’est ajouté la montée des tensions autour de Taïwan qui n’a fait que souligner combien il était dangereux de faire des affaires avec un pays sensible d’un point de vue géopolitique.

Dans un registre plus pragmatique, les magasins de vêtements se sont également rendu compte combien la Chine était loin. Étant donné qu’ils préfèrent désormais précommander de plus petites quantités de vêtements qui se vendent bien, quitte à faire plusieurs commandes, plutôt que d’augmenter leurs stocks, l’inconvénient de cet aspect leur a sauté aux yeux.

Avec des usines de production à l’autre bout du monde, les délais de livraison sont importants. « Les usines plus proches de chez nous sont donc plus attrayantes », surtout pour les produits sensibles à la tendance, a assuré Sebastiaan van de Loo, consultant au cabinet de conseil Gherzi, au Financieele Dagblad. En Europe, la Turquie sort d’ailleurs du lot. En revanche, pour les articles saisonniers, les délais de livraison plus importants ne sont pas un problème.

Mais on notera également que le fait que les salaires des travailleurs chinois aient augmenté a certainement contribué à pousser les acteurs du textile à se tourner vers la concurrence.

La fin des vêtements « made in China » est-elle possible ?

Si l’Empire du Milieu a perdu en attractivité, le pays conserve malgré tout de gros avantages. Le fait est qu’en plus d’être le plus gros producteur de coton au monde, la Chine est également un important producteur de polyester, matière première très intéressante pour la fabrication de textile.

Ainsi, il sera plus intéressant pour une entreprise de vêtements de faire assembler ses produits dans le même pays, plutôt que d’exporter les matières premières depuis la Chine pour les faire assembler ailleurs. « Il n’est pas possible que chaque vêtement quitte la Chine », a ainsi assuré Sebastiaan van de Loo.

Reste que la Chine perd de son éclat pour le secteur du textile, au bénéfice du pourtour méditerranéen. « La Tunisie, le Maroc, l’Égypte, mais aussi des pays européens comme l’Espagne et la Bulgarie sont populaires », a indiqué le consultant. « De plus, je vois que les marques américaines tournent de plus en plus leur attention vers le Mexique et le Honduras ». En Asie, ce sont le Bangladesh, le Vietnam et l’Inde qui profitent du désintérêt pour la Chine.

Mais cette tendance est fragile. Si les prix en dehors de l’Empire du Milieu augmentent trop, des entreprises du secteur du textile qui placent les coûts avant toute autre chose, notamment H&M et Zara, pourraient à nouveau se tourner massivement vers la Chine pour produire leurs vêtements à bas prix.

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