« Nous ne sommes pas prêts pour la guerre d’aujourd’hui »

La semaine dernière, une intelligence artificielle a pris le contrôle d’un avion de combat F-16. À première vue, cela semble être une bonne nouvelle, mais la question est de savoir s’il est bien judicieux de céder le contrôle d’avions capables de tuer à une IA. Jasper Pillen, vice-président de l’Open Vld et membre de la commission parlementaire de la défense, juge que non.

Pourquoi est-ce important ?

Depuis 1992, l'US Air Force effectue des tests avec le X-62A Vista, un F-16 converti. Depuis 2021, l'avion vole dans le cadre du projet Skyborg, où il est contrôlé par une intelligence artificielle. Cependant, un pilote est toujours présent pour intervenir si les choses tournent mal. La semaine dernière, le fabricant Lockheed Martin a annoncé que l'avion avait déjà volé de manière autonome pendant 17 heures. Au cours de ce processus, il a également simulé des combats aériens et d'autres manœuvres d'attaque.

« Il n’y a rien de mal à ce vol de 17h par l’IA dans ce F-16 converti. C’est une tendance qui se manifeste également dans le contexte de la recherche scientifique. Bien sûr, tout cela s’inscrit dans la recherche du successeur du F-35, qui ne nous a même pas encore été livré. Mais les gens travaillaient déjà d’arrache-pied sur le successeur de cet avion et il faut le voir dans ce contexte ici », a fait valoir M. Pillen auprès de Business AM.

La Belgique montre la voie

« Il n’y a rien de mal à penser et à tester l’intelligence artificielle comme programme de contrôle pour les avions militaires ou civils. Cela ne devient problématique que lorsque l’on commence à y installer des systèmes d’armement, à y attacher des bombes ou des missiles, et qu’ensuite cet avion vole tout seul, quelque part dans le monde. Nous allons également le laisser décider lui-même, sur la base de cette même intelligence artificielle, de viser une certaine cible et de commencer à tirer dessus. Ce sont évidemment des choses que nous devrions éviter à l’avenir », précise le député dans sa déclaration.

Selon Pillen, la Belgique devrait donc exercer une pression internationale pour freiner ces technologies, et peut-être même les interdire par la loi. « La Belgique, en tant que petit pays, a vraiment un rôle de pionnier dans ce domaine. Nous l’avons fait avec les armes à sous-munitions, nous l’avons fait avec les mines antipersonnel, donc nous devrions continuer à prendre les devants ici à Genève, également, lors des négociations dans le giron des Nations unies. »

Toutefois, le libéral ne fait pas preuve de naïveté : d’autres pays, comme la Russie ou la Chine, utiliseraient sans trop de scrupules cette technologie pour équiper leur armée de l’air, et éventuellement peut-être les avions d’autres armées. « Nous devrons nous préparer. Faire la guerre n’est pas seulement complexe, c’est aussi passer constamment au crible ce qui se passera dans le futur. »

Pas prêts pour la guerre d’aujourd’hui

Cependant, la question reste de savoir si la Belgique est préparée à un tel « conflit de demain ». « Il y a eu 40 à 50 ans d’économies sur la Défense, par les gouvernements successifs. Cela doit cesser maintenant et nous devons de toute urgence revenir à l’achat de certaines capacités, comme les chars, les obusiers blindés, l’artillerie antiaérienne, par exemple… Beaucoup de choses dont la défense belge et beaucoup d’armées européennes ne disposent plus. »

« Ces choses, nous devons les remettre dans notre champ de vision, nous devons recommencer à investir dedans, car nous ne sommes pas prêts pour la guerre d’aujourd’hui pour le moment. Avant tout, commençons de toute urgence à investir dans la façon dont les guerres sont menées aujourd’hui, car c’est là que nous avons des lacunes flagrantes », a conclu M. Pillen.

(JM)

Plus