Au tour des libéraux: Georges-Louis Bouchez (MR) arrive avec une proposition phare pour le pouvoir d’achat

Après les socialistes et les écologistes, c’est au tour du MR de venir avec sa solution miracle pour le pouvoir d’achat. Chaque formation se positionne en attendant le rapport des experts, commandé par le Premier ministre, et qui doit arriver pour la fin juin. Georges-Louis Bouchez ne veut pas toucher à l’indexation des salaires si on ne touche pas à un cheveu de la loi de 1996, et surtout à sa modification en 2017 par le gouvernement Michel. Mais il pense qu’une part de l’indexation qui revient à l’État devrait être redistribuée.

Dans l’actu: c’est un Georges-Louis Bouchez chauffé à bloc qui vient présenter sa mesure phare dans la presse.

Le détail: la gauche en prend une nouvelle fois pour son grade.

  • Georges-Louis Bouchez était comme un poisson dans l’eau ce matin sur les plateaux de LN24 et de La Première. Dans un exercice où il excelle: l’interview en direct. Outre quelques punchlines saillantes, le président du MR est venu expliquer comment sa formation envisage de renforcer le pouvoir d’achat.
  • Le président libéral sort sa calculette: l’inflation va mener à quatre indexations d’ici l’année prochaine pour un coût total estimé à 20 milliards d’euros pour les employeurs. « Mais dans les faits, le plus gros vainqueur, c’est l’État, car dans ces 20 milliards, il y a à peu près 12 milliards qui vont dans les poches de l’État », de par les cotisations sociales.
  • Ce que propose Georges-Louis Bouchez, c’est ce qu’il appelle « un index fiscalement renforcé et compétitif », qui exonèrerait les cotisations sociales pour l’une des quatre indexations. Celles payées par les employeurs (22 % du brut global) et celles provenant des salariés (13 % du brut après cotisations patronales). 
  • « Ce serait l’équivalent de 500 millions d’euros rendus aux travailleurs, après les deux enveloppes de 1 milliard décidées précédemment (TVA à 6%, tarif social, chèques-énergies) ». Soit 2,5 milliards d’euros en faveur des travailleurs.
  • Mais au bénéfice de qui ? Georges-Louis Bouchez ne serait pas contraire à concentrer cette aide sur la fameuse classe moyenne, « les pigeons » qui gagnent entre 2000 et 2.500 euros, les revenus médians qui sont oubliés par rapport aux plus petits salaires. « A partir de 41.000 euros par an, chaque euro gagné est taxé à 50%. »
  • Cet index compétitif permettrait aux entreprises d’épargner un milliard d’euros. Une nécessité pour la compétitivité de nos entreprises, soutient le libéral, car une telle indexation automatique n’existe pas chez nos voisins. La FEB a d’ailleurs récemment calculé que par rapport à 2020, le salaire moyen sera 16,4% plus élevé en 2023. Alors que les salaires dans les pays voisins n’augmenteront que de 10,9 % en moyenne sur la même période. 
  • Le libéral aimerait mettre cette mesure à 1,5 milliard en place pour le mois d’octobre, un one shot, qui soulagera le pouvoir d’achat et les entreprises, mais qui ne se répètera pas à cause « de quelque chose dont on parle très peu: le déficit public. Un déficit qui ne permet pas de faire n’importe quoi. » Un tacle appuyé en direction du PS et Ecolo, qui ont proposé un ensemble de mesures pour respectivement 6,5 et 3 milliards d’euros.
  • Reste à convaincre les partenaires de la coalition justement. Mais on sait que rien ne bougera avant l’arrivée du rapport commandé par le Premier ministre à un groupe d’experts.
  • On sait également qu’Alexander De Croo prépare un accord d’été qui vise à mettre en place un plan d’attaque pour le reste de la législature avec 7 chantiers. Donner un second souffle à la Vivaldi et voir sur quel dossier elle peut encore avancer.
  • En d’autres mots, un gigantesque puzzle qui devra s’imbriquer avec les demandes des uns et des autres. Plutôt que d’avancer dossier par dossier, on risque de tomber dans un énorme marchandage entre les formations politiques sur chaque dossier (retraites, travail, fiscalité, pouvoir d’achat…). Une méthode qui a déjà été reprochée au Premier ministre. D’ailleurs, son accord d’été fait déjà des sceptiques, avant même sa concrétisation.
  • Pour sa mesure, Georges-Louis Bouchez dit avoir le soutien de l’Open VLD, c’est déjà ça…

Taux d’emploi à 80% : l’objectif qui se heurte à une réalité chiffrée.

  • Pour régler le déficit public et l’endettement qui y est lié, la Vivaldi mise sur un taux d’emploi de 80%. C’est d’ailleurs écrit noir sur blanc dans l’accord de gouvernement. Une mesure qui, selon Bouchez, génèrerait 40 milliards d’euros. Mais cela demanderait de remettre à l’emploi 700.000 personnes dans notre pays. Or, le nombre de chômeurs est de 315.000 personnes.
  • Un différentiel qui pointe du doigt un mal belge: l’inactivité. Selon les chiffres de Statbel, sur un marché de l’emploi total de 6.704.000 personnes, il y a 1.667.000 personnes inactives. On ne parle pas ici des chômeurs, mais des personnes bénéficiant de l’assurance-maladie, de prépensionnés ou de bénéficiaires de revenus d’intégration sociale (CPAS).
  • Selon une récente étude de Randstad, la Belgique compte un taux d’inactifs de 6,4% contre 4,3% pour la moyenne européenne. L’écart s’est creusé ces dix dernières années, passant de 0,7% à 2,1%.
  • Pour réactiver ces inactifs, Bouchez mise sur la responsabilisation des mutualités et des médecins.
    • « Aujourd’hui, on est dans un système un peu spécial en Belgique: plus il y a de demandeurs d’emploi, plus les syndicats reçoivent de l’argent. Ce serait bien qu’on inverse ce système et qu’on donne des primes pour chaque remise à l’emploi. De l’autre côté, plus il y a de malades, plus les mutualités sont récompensées. Il faut responsabiliser. »
    • « Le problème, c’est que quand on vous déclare incapable ou invalide, on vous laisse sur le côté et on ne vient plus vous revoir jusqu’à votre pension (…). Il y a moins de 5 médecins-contrôleurs pour l’ensemble du pays », affirme Georges-Louis Bouchez. « Il faut aussi responsabiliser les médecins. Il faut comprendre pourquoi il y a un taux d’inactivité si important dans notre pays. »
  • Toujours sur LN24, le président du MR a une nouvelle fois développé sa vision des allocations de chômage, avec une exclusion si deux emplois sont refusés par le bénéficiaire, et donc un basculement vers les CPAS. Le libéral remet aussi sur la table la dégressivité des allocations de chômage après une allocation inconditionnelle de deux ans.
  • Deux propositions qui pourraient à leur tour être qualifiées de « catalogue des horreurs » par la gauche. Avec le PS dans la coalition, elles n’ont aucune chance d’aboutir.
  • Mais chaque formation sent que le moment est important. Si De Croo n’arrive pas à mettre en place une méthode de travail d’ici l’automne, la Vivaldi va encore connaitre des mois difficiles. Des rumeurs d’élections anticipées ont même circulé. En conséquence, chaque formation se positionne et débarque avec une série de mesures qui pourraient très bien figurer sur un tract électoral. Tout découle en fait d’un accord de coalition qui, en 2020, a été tracé dans les très grandes lignes. Mais on voit aujourd’hui, concrètement, que dans chaque dossier, tout doit encore être négocié.

A noter : un autre message désagréable sur les finances publiques, cette fois de l’Agence de la dette.

  • Semaine après semaine, des nuages plus sombres s’amoncèlent sur les finances de la S.A. Belgique. Car si l’inflation est en fait une très bonne nouvelle pour les plus gros débiteurs (la dette réelle s’évapore sensiblement avec la dépréciation monétaire), et donc en premier lieu pour le Trésor belge, la fête des taux d’intérêt bas ne durera pas.
  • Hier, l’Agence de la dette est venue à la Chambre et a fait quelques estimations sur la charge d’intérêts de cette gigantesque dette publique. Et elle n’est pas bon marché. La compilation des chiffres fait état d’une charge d’intérêts de 10,69 milliards d’euros par an d’ici 2027. Ces chiffres sont encore plus élevés que ceux de la Cour des comptes du mois dernier, qui tablait sur 9,11 milliards. Et de toute façon, il s’agit d’une augmentation considérable : aujourd’hui, la Belgique paie quelque 6,49 milliards d’euros d’intérêts sur sa dette publique.
  • Ainsi, la Cour des comptes et l’Agence de la dette prévoient ce que tout le monde sait depuis longtemps : l’ère des taux d’intérêt bas est révolue. Et cela coûtera à la Belgique des milliards d’euros supplémentaires, sur le budget. La discussion au sein de la BCE porte aujourd’hui sur une augmentation du taux d’intérêt de 0,5 % avant l’été, ou de 0,25 % maintenant et de 0,25 % en septembre. Mais ce n’est que le début.
  • Ce qui est plus ennuyeux, c’est que dans un tel climat de hausse des taux d’intérêt, les vieux problèmes de la zone euro vont inévitablement refaire surface. Les pays dont la dette publique est la plus élevée et dont les performances économiques sont les plus mauvaises (tous situés dans le sud de l’Europe) seront alors à nouveau sous pression, notamment en raison des différences de taux d’intérêt qu’ils devront payer par rapport à l’Allemagne.
  • Il sera important pour la Belgique de rester à l’écart de ce club peu enviable, mais avec le deuxième déficit budgétaire le plus élevé de toute l’UE, ce ne sera pas chose aisée. Le budget, dont l’audit est prévu d’ici deux semaines, constitue également un « chantier » supplémentaire pour l’accord d’été de M. De Croo.
  • Cela promet d’être assez délicat. Car, pendant ce temps, les partenaires de la coalition ne cessent d’émettre des propositions pour augmenter encore les dépenses. Ce matin, par exemple, le vice-premier ministre PS et ministre du Travail, Pierre-Yves Dermagne, est apparu à la une de Het Laatste Nieuws. Il veut remanier l’indemnité kilométrique des employés. Il veut le porter à 0,37 euro par kilomètre, une augmentation substantielle pour de nombreux secteurs. Mais il s’agit en fait du même montant que les fonctionnaires fédéraux reçoivent déjà lorsqu’ils doivent se déplacer en voiture pour leur travail.
  • Le secteur privé voit d’un mauvais oeil cette dépense supplémentaire, mais M. Dermagne a prévu une compensation : pour 0,10 centime, cette compensation sera exonérée du prélèvement à la source. Coût : environ 30 millions d’euros. À ajouter à la liste interminable des souhaits des partenaires de la coalition Vivaldi.

Le dossier nucléaire: Engie passe à l’offensive.

  • Engie a adressé un courrier au Premier ministre. Le géant français de l’énergie propose à l’État de devenir cogestionnaire des deux réacteurs qui seront prolongés pour en partager les bénéfices et les pertes.
  • Il y a évidemment un loup: il est demandé à l’État belge de partager les coûts de la prolongation ainsi que la gestion des déchets nucléaires.
  • Engie estime que les risques financiers sont trop importants. Étant donné que les prix de l’électricité ne resteront peut-être pas aussi élevés qu’aujourd’hui.
  • Interrogé sur La Première, Georges-Louis Bouchez n’y voit qu’un positionnement dans les négociations: « Je suis sidéré de voir à quel point le moindre courrier d’Engie fait peur à tout le monde. Engie négocie, il faut que nous soyons de bons négociateurs. Engie ne peut pas nous faire croire que quand on produit de l’électricité à 35 euros du mégawatt-heure, et qu’on revend cette électricité sur le marché à 200 euros, qu’elle a besoin de nous pour prolonger le nucléaire ».
  • De son côté, Alexander De Croo, qui répondait à la VRT, qui a révélé le courrier, a dit qu’il ne commenterait pas « les négociations en cours », en rappelant que la politique énergétique de la Belgique ne se limitait pas à la prolongation de Doel 4 et Tihange 3 pour dix ans. Dans le même temps, le gouvernement intensifie ses investissements dans les énergies renouvelables et dans la recherche de nouveaux réacteurs nucléaires modulaires afin que notre pays puisse devenir beaucoup plus indépendant en termes d’énergie. »

Ailleurs: la Wallonie et ses coûteux fonctionnaires.

  • On l’a vu, les cabinets des ministres, telles des cours royales, sont l’une des maladies de la politique belge. Mais c’est sans compter les collaborateurs des anciens ministres. En Belgique, la règle veut qu’un ancien ministre ou secrétaire d’État puisse conserver deux collaborateurs, avec une prise en charge de leur salaire.
  • Là encore, un avantage lié à la fonction qui fait très ancien régime. On parle d’un coût de plusieurs millions d’euros par an pour la collectivité, a calculé La Libre. À Bruxelles et au fédéral, ce système sera toutefois limité à partir de 2024. Les anciens ministres, s’ils ne sont pas élus députés, ne pourront bénéficier plus que d’un seul collaborateur, pour deux ans.
  • Une évolution qui n’aura pas lieu en Wallonie. Du moins ce n’est pas au programme sous cette législature. En 2021, en réponse à une question parlementaire du PTB, voici comment le ministre-président, Elio Di Rupo (PS) justifiait cet avantage: « Un ministre sorti de charge doit répondre à une multitude de sollicitations ou interpellations. Même après son mandat ministériel, il demeure une figure politique de référence auprès de qui les citoyens s’adressent. Les budgets des collaborateurs ne sont pas des compléments de rémunération des ministres. Les budgets accordés servent à l’emploi, ils servent à rémunérer les collaborateurs et les collaborateurs engagés servent la population. »
  • Une forme de parachutage en somme, qui s’exprime merveilleusement bien dans un autre dossier: celui de la fusion des outils économiques wallons (la Sogepa, la Sowalfin et la SRIW).
  • Là encore, c’est La Libre qui a levé le lièvre. Lorsqu’il était dans l’opposition, Willy Borsus (MR) estimait qu’il fallait fusionner ces outils pour les rendre plus efficaces. Désormais en charge du dossier, en tant que ministre de l’Économie, le libéral se heurte à la réalité des pions placés par chaque parti.
  • En effet, chacun de ces outils dispose d’un directeur et de 3 sous-directeurs. Des fonctions qui sont payées 250.000 euros par an. Chacun d’entre eux a été placé au sein de l’administration par chaque parti, selon le respect de l’équilibre politique.
  • Le souci, c’est que dans ce nouvel outil, qui devrait être fusionné en 2023, tout le monde ne pourra pas trouver une place dans le conseil d’administration.
  • Les négociations vont déjà bon train: il était question de quatre directeurs pour ce nouvel outil qui emploiera 250 personnes, on serait déjà passé à six directeurs, rapporte La Libre.
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