Allemagne, Royaume-Uni, Russie, Chine, Iran: que pensent les alliés et les ennemis des USA de la prise de l’Afghanistan par les talibans ?

Ce dimanche, les talibans ont pris Kaboul et, par la même occasion, le pouvoir sur l’Afghanistan. Une prise de contrôle éclair permise grâce au retrait des troupes américaines, qui étaient présentes dans le pays depuis vingt ans. Partout dans le monde, les grandes puissances réagissent à cet événement d’importance majeure. Chacune à leur manière.

Moins de 24 heures après la prise de Kaboul par les talibans, les principales puissances du monde réagissent. Côté occidental, l’immense majorité d’entre elles procèdent vaille que vaille à l’évacuation de leurs ambassades et de leur personnel à Kaboul, en envoyant notamment des avions sur place. C’est d’ailleurs aussi le cas de la Belgique, qui vient de décider de dépêcher quatre avions militaires dans la capitale afghane.

En parallèle de ces interventions urgentes, les chefs d’État commencent à s’exprimer. Certains, comme Emmanuel Macron, préfèrent prendre le temps de la réflexion. Le président français ne s’exprimera pas avant ce lundi soir (20h), bien qu’il ait indiqué suivre les évolutions de la situation « heure par heure ».

Merkel responsabilise les USA, l’UE va se concerter

En revanche, la chancelière allemande Angela Merkel s’est, elle, déjà exprimée. Elle n’a pas hésité à pointer les États-Unis du doigt, qualifiant la situation en Afghanistan « d’amère ». S’exprimant au cours d’une réunion à huis clos devant les cadres de son parti, l’Union démocrate-chrétienne allemande (CDU), elle a indiqué que la décision du retrait des troupes occidentales avait été prise par les États-Unis, entre autres, « pour des raisons de politique intérieure », selon des propos rapportés à l’AFP par des participants.

Mme Merkel a ajouté que la responsabilité du retrait militaire occidental revenait aux États-Unis, ont précisé ces sources. « Nous avons toujours dit que nous resterions aussi si les Américains restaient », a-t-elle rappelé.

Le discours de la chancelière allemande n’a tout de même pas été totalement à charge des États-Unis. Elle a aussi exprimé une certaine compréhension vis-à-vis du choix posé par président Joe Biden, relevant que les États-Unis avaient payé un lourd tribut sur le plan humain durant leur vingt années passées en Afghanistan.

En Belgique, un conseil ministériel restreint (« kern« ) rassemblant les principaux ministres du gouvernement fédéral est prévu lundi soir.

Les ministres des Affaires étrangères des différentes États membres de l’Union européenne se réuniront ce mardi en visioconférence afin de décider d’une attitude commune.

Johnson exclut une intervention militaire, mais est critiqué au sein de sa majorité

De son côté, Boris Johnson s’était déjà exprimé dimanche, pendant que les talibans s’emparaient de Kaboul. « Ce que le Royaume-Uni va faire, c’est de travailler avec nos partenaires au Conseil de Sécurité de l’Onu pour faire passer le message que nous voulons que personne ne reconnaisse les talibans de manière unilatérale. Nous voulons une position commune (…) afin de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter que l’Afghanistan ne redevienne un terreau pour le terrorisme », a déclaré le Premier ministre britannique sur les télévisions de son pays.

Vendredi, M. Johnson avait exclu une intervention militaire, expliquant que Londres comptait « faire pression » par la voie diplomatique. Pourrait-il changer de stratégie ? Au sein même de la majorité, c’est en tout cas ce que certains lui demandent. Le président de la commission parlementaire à la Défense Tobias Ellwood l’a appelé à « réfléchir à deux fois »: « Nous pouvons renverser la situation mais cela demande du courage (…). Ce n’est pas parce que les Américains ne le font pas que nous devons rester liés à ce jugement, surtout quand ils ont tort ».

De son côté, le président de la Commission aux Affaires étrangères, Tom Tugendhat a critiqué le gouvernement, l’accusant d’être désormais face au « pire désastre de politique étrangère depuis Suez », en 1956.

Suspendu pour les vacances estivales, le Parlement britannique sera réuni ce mercredi en urgence, à la demande du Premier ministre.

La Russie et la Chine bien plus conciliantes

A l’inverse des grandes puissances occidentales, la Russie et la Chine n’ont pas encore procédé à l’évacuation de leur ambassade à Kaboul. Les deux pays, ennemis des États-Unis, seraient même prêts à reconnaître le nouveau gouvernement en Afghanistan.

Une rencontre est prévue ce mardi entre les talibans et l’ambassadeur russe en Afghanistan, Dmitri Jirnov. Moscou pourrait reconnaître le gouvernement taliban en fonction de « ses agissements », a fait savoir lundi l’émissaire du Kremlin pour l’Afghanistan, Zamir Kaboulov.

« Nous allons regarder attentivement à quel point leur approche de la gouvernance du pays sera responsable (…). Et les autorités russes vont en tirer les conclusions nécessaires », a expliqué M. Kaboulov.

La Russie avait déjà indiqué dimanche ne pas envisager une évacuation de son ambassade à Kaboul, en assurant avoir reçu des « garanties » de la part des talibans quant à la sécurité de sa mission diplomatique. « Aussi étonnant que ce soit, la situation est calme actuellement » à Kaboul, a assuré M. Kaboulov.

De son côté, la Chine a annoncé son intention de cultiver des « relations amicales » avec les Talibans. Pékin « respecte le droit du peuple afghan à décider de son propre destin et de son avenir », a affirmé devant la presse une porte-parole de la diplomatie chinoise, Hua Chunying. « Les talibans ont indiqué à plusieurs reprises leur espoir de développer de bonnes relations avec la Chine. »

La Chine et l’Afghanistan partagent une frontière commune de 76 km de long. A l’heure actuelle, Pékin n’a pas l’intention de procéder à l’évacuation de son ambassade, qui « continue de fonctionner normalement ».

L’Iran entrevoit une « opportunité de paix »

Autre grand ennemi des États-Unis, l’Iran ne s’est lui non plus pas du tout alarmé de la prise de pouvoir de l’Afghanistan voisin par les talibans. Le président iranien Ebrahim Raïssi a estimé que « la défaite » des États-Unis devait se transformer en une « opportunité de paix ».

M. Raïssi a précisé que Téhéran « tenait aux relations de bon voisinage avec l’Afghanistan ». « La République islamique d’Iran croit que l’autorité issue de la volonté du peuple opprimé d’Afghanistan est la source de la sécurité et de la stabilité », a-t-il ajouté dans un communiqué qui ne mentionne pas explicitement les talibans.

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