Le torchon brule entre la Suède et la Turquie : comment la question de l’OTAN vire à la crise géopolitique aigüe

En Turquie, les manifestations des milieux religieux répondent à celles de l’extrême-droite islamophobe suédoise. Les deux pays semblent irréconciliables, et ces tensions sont du pain bénit pour le président turc, qui a sa réélection en ligne de mire.

Pourquoi est-ce important ?

La demande d'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'OTAN constituait la plus grande défaite stratégique de Poutine sur l'année écoulée. Mais les dissensions entre Stockholm et Ankara ont viré en véritables tensions au sein de l'Alliance atlantique, qui risquent d'ailleurs de faire tache d'huile.

Dans l’actualité : les opinions publiques s’échauffent et les extrémistes gesticulent, à Stockholm comme à Ankara. Rasmus Paludan, un agitateur d’extrême-droite suédois, a brulé un Coran devant l’ambassade de Turquie. Ça n’a pas manqué : en Turquie, les manifestations d’hostilité à la Suède se multiplient, orchestrées par les mouvances islamistes proches du parti au pouvoir.

« La Suède ne doit pas s’attendre à un soutien de notre part pour l’OTAN. Si vous ne respectez pas les croyances religieuses de la République de Turquie ou des musulmans, vous ne recevrez aucun soutien de notre part. »

Recep Tayyip Erdoğan

Stockholm rétropédale et les esprits s’échauffent

  • Une crise qui s’aggrave, voire qui risque de faire tache d’huile : alors qu’Ankara a annulé la visite du ministre suédois de la Défense, des manifestations ont aussi en lieu dans d’autres pays musulmans, en Irak et dans de villes syriennes sous contrôle de l’armée turque.
  • D’autres pays ont également fait part de leur indignation ; une condamnation diplomatique unanime du monde musulman, du Maroc à l’Indonésie en passant par l’Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis.
  • Il faut dire que la manifestation d’extrême-droite avait été autorisée par le gouvernement suédois, malgré l’annonce de ce genre dé débordement, qui ont de facto eu lieu sous protection policière, note le quotidien français Libération. Depuis, Stockholm tente de rétropédaler, sans grand succès.

Le « sultan » pense à sa réélection

Le contexte : pour qu’un nouveau pays rejoindre l’OTAN, il faut l’assentiment de la totalité des membres de l’Alliance. Or la Turquie bloque de facto la candidature suédoise, arguant que le royaume scandinave héberge des « terroristes » recherchés par Ankara. En général des membres des minorités kurdes ayant des liens, réels ou supposés, avec le parti indépendantiste PKK.

  • Le royaume a cédé aux exigences turques, mais celles-ci se multiplient ces derniers mois, jusqu’à virer à la véritable ingérence : Ankara a réclamé à la Suède d’identifier les personnes qui avaient pris part à une manifestation au cours de laquelle des slogans anti-Erdogan auraient été prononcés.
  • Une ingérence qui passe de moins en moins, et pas que dans des milieux xénophobes ; quelques jours plus tôt, un mannequin à l’effigie du président turc avait été pendu par les pieds devant l’hôtel de ville de Stockholm par des militants proches des Kurdes de Syrie, activement combattus par Ankara.
  • Mais si ces actions sont portées par des milieux ouvertement racistes dans la société suédoise, c’est du pain bénit pour Erdogan, qui peut les instrumentaliser auprès des milieux religieux et conservateurs, son électorat traditionnel, tout en gagnant au passage des points dans l’opinion politique d’autres pays. D’une pierre deux coups, alors que les prochaines élections présidentielles se tiennent en mai prochain, et que la Turquie veut incarner un rôle croissant à l’international, que ça soit comme arbitre dans la guerre russo-ukrainienne ou comme puissance régionale en Asie centrale.
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