‘Qu’il s’agisse de bitcoins ou autres, il convient de basculer totalement vers les énergies renouvelables’

Interrogée sur la relation conflictuelle entre cryptomonnaies et développement durable, la ministre du Climat a réaffirmé que la question environnementale de l’industrie du bitcoin était légitime et préoccupante. Sans toutefois évoquer de solutions politiques concrètes face à cette problématique.

C’est déjà la deuxième fois que Zakia Khattabi doit prendre position au sujet des cryptomonnaies cette année. ‘Je ne vois pas ce que cela pourrait apporter de plus à l’environnement’, avait mollement réagi la ministre Ecolo du Climat en commission le mois dernier.

Ici, le député fédéral Emmanuel Burton (MR) lui a adressé une question écrite relative à l’impact du bitcoin sur la consommation d’énergie. Le parlementaire s’y étonnait d’abord de voir le BTC rester la référence des ‘monnaies virtuelles’ malgré ‘son caractère spéculatif’. Mais il semble s’inquiéter des retombées des cryptos sur l’environnement et les émissions de gaz à effet de serre étant donné que la production ‘consomme énormément d’électricité’.

Pour mémoire, le réseau Bitcoin mobilise une gigantesque puissance de calcul informatique distribuée dans le monde afin d’assurer les échanges entre participants, maintenir l’historique transactionnel et garantir la sécurité des données. Ce travail baptisé minage est récompensé en bitcoin.

Diverses études ont présenté leurs estimations de la consommation électrique que cette création de cryptomonnaie implique. Le député MR cite pour sa part les chiffres de l’Université de Cambridge. Au classement mondial des pays en termes de consommation d’énergie, Bitcoin serait 35e avec 92,88 TWh, contre 82,05 TWh pour la Belgique à titre de comparaison (38e). Naturellement, le BTC n’est pas la seule cryptomonnaie. Il en existe des milliers d’autres dont certaines recourent au même processus de minage.

‘Certaines études évoquent le fait que le minage du bitcoin serait réalisé avec 73% d’énergie renouvelable, considérant que 65% du minage mondial serait réalisé dans le Sichuan en Chine où 90% de l’énergie utilisée est verte’, prend soin de nuancer le parlementaire, déplorant malgré tout un risque environnemental élevé et ‘souvent peu considéré par les investisseurs’.

Quel risque et quelle réaction politique?

Quatre simples questions ont dès lors été formulées à la ministre de l’Environnement pour connaître son approche en la matière: cryptomonnaies et développement durable seraient-ils conciliables ? La popularité croissante des cryptos a-t-elle un impact négatif sur la lutte contre le réchauffement climatique ? Quid de l’énergie utilisée en Belgique pour le mining ? Et, en compensation de l’impact écologique, faudrait-il par exemple taxer le minage de bitcoin ?

Autant de questions légitimes, a concédé la ministre écolo dans sa réponse écrite. Reprenant les mêmes explications sur l’ampleur énergivore de Bitcoin, Zakia Khattabi illustre ses propos par une étude de 2019 (Küfeoğlu & Özkuran) alertant que ‘si tous les mineurs s’y mettaient en même temps avec du matériel courant: le minage consommerait environ 11.000 TWh par an à comparer à une demande électrique mondiale d’environ 23.000 TWh par an’.

Fait cocasse, les auteurs de cette étude rappellent les précautions d’usage dans leurs conclusions : ‘la consommation énergétique du minage de bitcoin est un sujet très controversé. Il y a quantité d’estimations qui varient considérablement d’une étude à l’autre. Il est presque impossible de réaliser une estimation précise de la future consommation d’énergie de Bitcoin’.

La ministre du Développement durable a cependant indiqué que d’autres cryptomonnaies se basent sur des consensus différents beaucoup moins énergivores.

‘Soucieuse de son impact sur l’environnement, la deuxième plus grande cryptomonnaie appelée Ethereum, qui utilise pour le moment aussi le même consensus de minage (que Bitcoin) serait elle aussi en train à changer. D’autres plus petites monnaies de la blockchain – qui n’utilisent pas ce processus énergivore de minage – existent également : Tezos, Cardano, etc’, expose Zakia Khattabi.

Seule certitude pour la ministre fédérale, les cryptomonnaies constituent ‘une réelle question pour l’environnement à considérer, d’autant que le bitcoin ne fait pour le moment l’objet d’aucune régulation en règle générale en Europe’. Mais elle n’aborde aucune piste éventuelle, réglementaire ou financière, pour maîtriser ou compenser les retombées écologiques.

‘Aucune information crédible’

Si le niveau européen semble le plus pertinent pour ce genre d’encadrement, la Belgique devrait a minima étudier le sujet. Ne serait-ce que se forger un avis, sur l’idée notamment des crédits-carbone pour l’industrie crypto. Ces quotas incitent traditionnellement les entreprises à produire moins et pénalisent celles qui les dépassent. Pour des mineurs de bitcoins, contrôlant rigoureusement les coûts de production, cela pourrait les encourager à opter pour une énergie plus durable. Ou à tout le moins les pousser à racheter des crédits auprès d’autres sociétés moins polluantes.

Notons que le gouvernement belge n’aurait pas connaissance d’éventuelles activités de minage de bitcoin sur son territoire. ‘Ni moi ni mon administration n’avons d’éléments d’information crédibles relatifs à la Belgique’, reconnaît la ministre Khattabi. Le prix de l’électricité belge ne se montre certes pas aussi attractif que d’autres pays européens, et les sources renouvelables ne sont pas aussi abondantes qu’au-delà de nos frontières (on pense à l’hydroélectricité française).

Il n’empêche que des acteurs du mining osent s’installer sur le marché belge, tels que l’entreprise anversoise Kontena, qui offre notamment des services d’hébergement pour le minage de tiers, ou la société lettone Power Mining, qui avait installé des conteneurs remplis de mineurs dans un parc de production de 2 MW.

Coupant court aux discussions sur les enjeux techniques, Zakia Khattabi termine en prenant un peu de recul pour généraliser banalement.

‘À titre personnel, je voudrais encore ajouter que l’impact du bitcoin sur l’environnement n’est qu’un exemple parmi d’autres qui nous fait réfléchir à l’impact de la globalisation et de la croissance économique effrénée. Qu’il s’agisse de bitcoins ou d’autres activités économiques, il convient d’opérer un basculement total vers les énergies renouvelables dans un contexte de développement durable’, a ponctué la ministre du Climat, de l’Environnement, du Développement durable et du Green Deal.

Rappelant au passage l’existence de monnaies locales comme moyen d’échange ‘pour soutenir une économie effective dans des villes et communes’.

Pour aller plus loin:

Plus