L’équipage est arrivé à court de ses 96h d’oxygène : le Titan, un submersible à grandes profondeurs, était-il un cercueil sous-marin ?

Le décompte mortel est terminé. Malgré tous les efforts des secouristes de différents pays, les passagers du submersible Titan ont vraisemblablement succombé, après quatre jours d’une terrible agonie. Un drame dont il faudra tirer des leçons, en particulier quand il s’agit de monter un business avec une coquille de noix.

Pourquoi est-ce important ?

La perte de contact lundi dernier avec le submersible Titan de OceanGate, parti explorer l'épave du Titanic, laisse présager le pire. Les cinq personnes à bord disposent encore, au mieux, de quelques heures d'oxygène. Des opérations de sauvetage sont encore en cours, mais l'engin n'a toujours pas été localisé.

L’engin : à voir les plans et les photographies de ce submersible, dont Reuters a pu étudier les caractéristiques, on se demande bien comment un tel engin a pu être considéré comme un moyen fiable de plonger à 4.000 m de profondeur.

« Les perspectives sont sombres, c’est le seul mot pour le dire, au fur et à mesure que cet événement tragique se déroule et que l’on s’approche des dernières étapes de la transformation d’une mission de sauvetage en une mission de récupération. Cela ne veut pas dire que les navires et les forces actuellement déployés ne continueront pas à chercher. Ils ne s’arrêteront pas avant plusieurs jours, j’imagine, mais la réalité est que si l’on se base uniquement sur l’oxygène, ils sont à court d’oxygène. Le dioxyde de carbone est également un élément essentiel, tout comme le froid. Ce serait un miracle s’il y avait des survivants. »

Ryan Ramsey, ancien capitaine de sous-marin de la Royal Navy, cité par The Guardian

A 5 dans une boite de conserve pilotée par une manette

  • « Titan est un submersible habité de classe Cyclops, conçu pour emmener cinq personnes à des profondeurs de 4.000 mètres, pour l’étude et l’inspection de sites, la recherche et la collecte de données, la production de films et de contenus médiatiques, et la navigation en haute mer » claironnait OceanGate, la compagnie qui a conçu et construit cet engin.
  • Titan pèse 9.525 kg et peut se déplacer à une vitesse de 3 nœuds (5,5 km/h) en utilisant des propulseurs électriques. Ses parois ont une épaisseur de 13 cm et le vaisseau est coiffé à chaque extrémité de dômes en titane.
  • Mais ce qui laisse pantois, ce sont les quelques images de l’équipement électronique qui doit servir à diriger ce gros baril de métal. Quelques ordinateurs qui semblent tourner sur des logiciels datés, et une simple manette et des écrans tactiles pour diriger l’engin. Celle-ci parait d’ailleurs bien être un modèle Logitech à moins de 50 euros.
  • Le sous-marin ne peut communiquer vers l’extérieur qu’avec une connexion assurée par Starlink – une nouveauté d’ailleurs pour cette mission. Le contact a été coupé une heure et 45 minutes après la plongée. On ne sait même pas si ce système par satellite a déjà été testé auparavant sous l’eau. Et le submersible n’est relié à la surface par aucun câble.
  • Le pire étant que OceanGate ne cache que peu vouloir avant tout que son Titan soit rentable : « La plate-forme de lancement et de récupération est modulaire et facilement transportable à l’aide d’un camion et d’une remorque » présente-t-elle innocemment dans sa fiche technique. « Il n’est pas nécessaire de disposer d’un grand navire équipé d’une grue. Cela nous permet de travailler dans des zones reculées en utilisant des navires commerciaux plus petits, disponibles localement, à un coût beaucoup plus faible. »

Le submersible assurait assez d’oxygène en bonbonnes pour 5 personnes durant 96 heures. Mais c’est sans compter la panique, dans cette boite confinée où il est visiblement impossible de se tenir debout, d’autant que les passagers n’avaient vraisemblablement pas d’expérience de la plongée en abysse. Quant au pilote, il est tout seul, sans personne pour le seconder en cas de malaise. Malgré tous les efforts, il est à peu près certain que l’épave du Titanic a accueilli cinq cadavres de plus. Ce qui laisse songeur devant l’énormité de ce qui était présenté comme un modèle économique, sans grand souci des risques.

Matériel au rabais pour clients milliardaires

  • OceanGate, qui propose des plongées de ce genre depuis 2021, les présentait comme à la fois scientifiques et touristiques, alors que l’épave du Titanic se désagrège lentement et pourrait disparaître dans les années à venir. Coût du billet : 250.000 dollars.
  • Un coût hallucinant quand on le compare avec le très visble souci d’économie que la firme pratique à tous les étages. Détail macabre : David Pogue, un journaliste de CBS News qui a voyagé à bord de Titan l’année dernière, a rapporté qu’il avait dû signer une décharge de responsabilité décrivant le vaisseau comme « expérimental » et reconnaissant un risque de blessure ou de mort.
  • Que le tourisme de l’extrême ne soit pas sans risque, soit. Qu’il soit proposé en dépit du moins bon sens, c’est autre chose. Cette terrible histoire pourrait bien servir d’avertissement à ceux qui veulent faire de l’espace un terrain de jeu pour milliardaires. Mais nul doute que l’on tentera l’impossible pour récupérer Jeff Bezos. Pendant ce temps, les migrants noyés s’accumulent sur les plages de Méditerranée.

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