« Menacer de mort Poutine, ça marche ! »

Le discours de Vladimir Poutine appelant à une plus grande mobilisation militaire et menaçant de déployer des armes nucléaires n’a guère impressionné l’observateur du Kremlin Andrei Piontkovsky. Dans un article d’opinion publié dans le magazine britannique The Spectator, il suggère que l’Occident sait comment réagir face à l’ardeur de la Russie.

« Si l’intégrité territoriale de notre pays est menacée, pour défendre la Russie et notre peuple, nous utiliserons tous les moyens à notre disposition. Ce n’est pas du bluff. » Ce sont les mots prononcés par Vladimir Poutine lors de son discours adressé mercredi à la nation russe.

« L’intégrité territoriale de notre patrie, notre indépendance et notre liberté seront assurées, je le répète, par tous les moyens dont nous disposons (…) Ceux qui tentent de nous faire chanter avec des armes nucléaires doivent savoir que le vent peut tourner », a-t-il ajouté.

Piontkovsky, un universitaire et commentateur politique russe qui peut être compté dans le camp des critiques purs et durs du Kremlin, y discerne principalement la guerre psychologique d’un combattant de rue de Saint-Pétersbourg. Du poker, du bluff.

Chantage

« Poutine prépare cette guerre depuis un certain temps », commence-t-il à écrire. « En 2009, j’ai commencé à écrire sur la doctrine de Poutine et de Nikolaï Patrouchev [chef du Conseil de sécurité russe, ndlr]. Ces deux voyous pensaient avoir trouvé un moyen de vaincre l’Occident par le chantage – un chantage audacieux et cynique – en menaçant d’utiliser des armes nucléaires tactiques. Et ce alors qu’ils étaient inférieurs à l’Occident à tous points de vue : économiquement, en termes de civilité ou de guerre conventionnelle. »

« Le scénario qu’ils ont envisagé pour une guerre, non seulement avec l’Ukraine mais avec tout l’Occident, avec l’OTAN, a été discuté et analysé à plusieurs reprises à différents niveaux », poursuit-il. « Ils étaient convaincus que [en raison de la menace des armes nucléaires, ndlr] l’Occident prendrait peur, capitulerait et reculerait. »

BoJo

Piontkovsky chante les louanges de l’ancien premier ministre britannique Boris Johnson. Ce dernier, au début de la guerre en Ukraine, a agi de la manière la plus compréhensible pour Poutine, dit-il. « Lorsque Poutine a commencé à évoquer la possibilité d’attaques nucléaires contre l’Ukraine, Johnson a rappelé à la Russie que le Royaume-Uni est également une puissance nucléaire et qu’il ne laisserait pas Poutine utiliser des armes nucléaires en toute impunité. Il l’a fait sans attendre la réaction des États-Unis ou de l’OTAN dans son ensemble. » Et même : « Il a mené le monde libre dans son soutien à l’Ukraine. »

Le jargon de Saint-Pétersbourg

« Plus tard, le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin et le chef d’état-major de l’armée américaine Mark Milley ont averti Valeri Guerassimov (le chef d’état-major de l’armée russe, ndlr) que, premièrement, le calcul de Poutine et Patrouchev selon lequel l’Occident prendrait peur et capitulerait était faux. Si la Russie déploie des armes nucléaires, l’Occident réagira de la même manière, ont-ils déclaré », rappelle Piontkovsky.  » Une réponse qui serait dévastatrice pour la Russie et qui toucherait Poutine lui-même. En d’autres termes, pour le dire dans un langage que Poutine comprend, le jargon de Saint-Pétersbourg, si Poutine utilisait des armes nucléaires, il serait tué. »

« Et, vous savez, il comprend cette langue. Au cours des deux ou trois dernières semaines, de nombreuses annonces officielles ont été faites par les dirigeants russes, par Poutine et par le général d’armée Sergueï Choïgou. Dans sa lettre à la conférence des Nations unies sur le désarmement nucléaire, Poutine a souligné qu’ils partent du principe que la guerre nucléaire est impossible, que personne ne peut gagner. » De plus, « récemment, Shoigu a déclaré que ‘nos armes nucléaires existent uniquement pour dissuader d’éventuelles attaques par d’autres puissances nucléaires’. »

« En d’autres termes, menacer Poutine de mort fonctionne. Il n’est pas un martyr prêt à mourir pour sa grande conviction. Il croit ces menaces », conclut Piontkovsky.

(OD)

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