Jeudi, nous vous informions que le chef d’État-Major des armées des États-Unis ne rejetait pas l’idée de collaborer avec les talibans, en vue de combattre un ennemi commun: l’État islamique. Pour Josep Borrell, le diplomate en chef de l’Union européenne, il est également possible de reconnaître le gouvernement taliban en Afghanistan. Et il avance d’autres raisons.
Officiellement, les missions d’évacuation des Occidentaux et des Afghans ont pris fin le 31 août dernier, avec le départ des derniers soldats américains. Ni les États-Unis ni l’Union européenne ne comptent toutefois abandonner totalement les personnes restées là-bas.
Josep Borrell a d’ailleurs indiqué qu’il fallait encore aider la population afghane, et en particulier les personnes les plus vulnérables et celles ayant travaillé pour l’UE. Pour ce faire, il faudra « s’engager avec les talibans ».
« Nous allons voir comment nous pouvons le faire de manière coordonnée, en posant des conditions et, en fonction du respect de ces conditions et du type de gouvernement que les talibans formeront et de leur comportement, nous nous engagerons successivement avec eux », a déclaré M. Borrell.
Les talibans vont bientôt présenter leur gouvernement
S’ils ont pris Kaboul le 15 août dernier, les talibans ne contrôlent pas encore tout l’Afghanistan. Ils ont encore combattu ce jeudi pour s’emparer du Panjshir. Dans cette province, des milices locales et des restes des forces armées gouvernementales restent fidèles au chef local Ahmad Massoud. Et ils leur donnent (un peu) plus de fil à retordre.
Quoi qu’il en soit, les talibans sont occupés à former un gouvernement. D’après leur porte-parole, Zabihullah Mujahid, une annonce est imminente.
La légitimité de ce gouvernement aux yeux des donateurs et des investisseurs internationaux sera cruciale pour l’économie du pays, grandement dépendante de l’aide étrangère. Avant le retour des talibans au pouvoir cet été, la sécheresse causait déjà beaucoup de tort aux locaux. Si le pays s’isole et que son économie s’effondre, le pire est à craindre.
Reconnaissance factuelle: oui. Reconnaissance politique: peut-être.
A propos de cette reconnaissance, Josep Borrell y voit deux formes bien distinctes.
Il y a d’abord, selon ses dires, la reconnaissance factuelle. Celle-là ne souffrira d’aucune contestation: ce sont les talibans qui vont gouverner l’Afghanistan. « Si vous êtes au pouvoir et, certainement, ils sont au pouvoir, nous devons reconnaître la réalité. Comme nous reconnaissons la réalité lorsque nous discutons avec eux de la manière d’amener les gens à l’aéroport [de Kaboul] », a-t-il déclaré.
Il y a, ensuite, la reconnaissance politique. Et là, le diplomate de l’UE n’est pas encore prêt à se prononcer. « Je vous reconnais politiquement si je vous apprécie et si vous vous comportez conformément à mes valeurs, à mes souhaits et à mes intérêts – et c’est ce qu’est une reconnaissance basée sur des conditions, et cela nécessite du temps et de voir comment les choses se passent », a-t-il expliqué.
L’Allemagne et la France en stand-by également
Les deux plus grandes puissances de l’Union, l’Allemagne et la France, se sont chacune exprimées sur le sujet ce jeudi. Avec un discours assez semblable.
Le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a indiqué que Berlin était prêt à reprendre une présence diplomatique à Kaboul si les talibans remplissent des conditions telles que le respect des droits fondamentaux de l’homme et de la femme ainsi que l’empêchement du pays de devenir un terreau pour le terrorisme international.
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré que Paris jugerait les talibans sur des conditions similaires. « Mais pour l’instant, nous n’avons aucun signe qu’ils prennent cette direction », a-t-il signalé au Figaro.
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