L’industrie du ski est-elle condamnée à fondre comme neige au soleil?

Dans les Alpes, des centaines de stations de ski sont laissées à l’abandon, révèle une enquête du Guardian. Des scientifiques affirment pourtant avoir déniché une solution pour maintenir la neige au sol.

Ce n’est pas qu’une mauvaise nouvelle pour le secteur du ski. Ça l’est également pour toutes les communautés vulnérables au changement climatique dans le monde entier. Pour des raisons que les scientifiques ne saisissent pas, les Alpes se réchauffent plus vite que la moyenne mondiale. L’augmentation de 1,4°C de la température moyenne du globe depuis la fin du 19e siècle s’y traduit par une hausse de 2°C.

Un phénomène tel qu’en 2014, le ô combien traditionnel Critérium de la Première Neige à Val d’Isère avait dû être délocalisé en… Suède. Cette véritable hérésie pour les amateurs de sports d’hiver concentre les problèmes auxquels de nombreuses stations de ski doivent faire face. Ceux-ci n’iront malheureusement pas en s’améliorant, on le sait: en avril, un rapport de l’Union européenne des géosciences indiquait que 90% du volume glacier dans les Alpes pourrait avoir disparu d’ici la fin du siècle. Au-delà de l’extinction du ski, cela signifie aussi la perte d’une source essentielle d’eau potable et d’irrigation des cultures.

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Extinction du ski alpin

Les Alpes renferment aujourd’hui 35% des stations de ski du monde, à travers huit pays, et accueillent environ 120 millions de touristes chaque année. Autant dire que cette nouvelle a des airs d’apocalypse pour l’industrie locale. Dans les plus basses altitudes, les ravages du réchauffement climatique sur le secteur sont déjà visibles, aux frais des communautés qui en dépendent.

Mais les stations de ski n’ont pas rendu leur dernier souffle. En 2017 déjà, l’UE lançait le projet Prosnow, pour ‘conseiller les stations alpines sur la manière de maintenir la même durée de saison avec 30% de neige en moins’. Projet qui s’est soldé par un relatif échec… Près de 200 stations de ski sont désormais délaissées dans les Alpes, et des hôtels en faillite restent inoccupés.

En septembre dernier, le principal syndicat de l’industrie du ski français, Domaines Skiables de France, a organisé pour la première fois une réunion d’urgence. Avec une ambiance d’enterrement, selon Olivier Simonin, directeur du tourisme de la station de Val d’Isère. ‘C’est maintenant le principal sujet de conversation entre nous. Personne ne veut mourir.’

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Le paradoxe des canons à neige

Pour éviter une mort prématurée, l’industrie du ski n’hésite pas à injecter des millions dans la lutte pour sa survie. Et on le comprend: le secteur génère des milliards d’euros chaque année. Des stations comme Val d’Isère ont ainsi investi des dizaines de millions d’euros pour tenter de domestiquer la neige.

Solution la plus répendue: les canons à neige. Apparus pour la première fois en Europe au début des années 80, ils assurent aujourd’hui la survie de 95% des stations de ski italiennes, 70% des stations autrichiennes, 65% des françaises et la moitié des suisses.

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Mais cette technologie a un coût. Aujourd’hui, un euro sur 20 dépensé à Val d’Isère va à ‘l’usine à neige’. Et les canons pourraient avoir un effet contre-productif à moyen terme: consommant chacun comme une chaudière, ils deviennent autodestructeurs lorsqu’ils se comptent par dizaines de milliers à travers les Alpes. S’ils fournissent effectivement de la neige immédiate, ils aggravent surtout les problèmes climatiques qu’ils sont censés compenser. C’est ce qu’on appelle un effet boule de neige…

Du molleton de polyester

Les stations de ski moins riches que Val d’Isère mettent en place d’autres solutions… provisoires. L’une d’elles, ‘la culture de la neige’, consiste à recueillir ou à fabriquer de la neige en janvier et février, lorsque celle-ci coûte moins cher.

Une autre solution récemment mise au point consiste à utiliser du molleton de polyester pour couvrir la neige afin de la préserver par temps chaud. Cette couverture polaire bloque non seulement les effets de la fonte, mais peut aussi les inverser. ‘Des mesures ont montré qu’au cours de l’été, l’épaisseur de la glace dans certaines zones sous la couverture polaire a augmenté jusqu’à deux mètres’, selon les villageois de Pontresina. Ils pourront remercier Hans Oerlemans, le concepteur de cette méthode.

Réorienter les activités du ski

À long terme pourtant, les chances que la neige artificielle puisse sauver l’industrie du ski alpin semblent très minces, même avec tous les milliards d’euros générés. Les stations n’ont donc d’autres choix que de réfléchir à leur adaptation aux effets de la crise climatique, plutôt que de les éviter.

Dans de nombreuses stations, on pense déjà à se réorienter vers des activités non liées au ski telles que la randonnée, le VTT, l’observation de la nature, des visites touristiques. ‘On voit ce qui nous attend’, déclare Olivier Simonin au Guardian. ‘Il va falloir un changement complet.’ Le compte à rebours est lancé…

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