Les syndicats ne sont pas d’accord s’il s’agit d’une « journée d’action » ou d’une « grève nationale »

C’est toujours un peu une constante, la FGTB devant toujours être un peu plus dure que le syndicat chrétien CSC ou le libéral CGSLB. C’est ainsi qu’aujourd’hui, les premiers parlent d’une « grève nationale », en gonflant joyeusement le torse, tandis que les deux autres se contentent d’évoquer une « journée d’action ».

  • Quoi qu’il en soit, l’effet reste important : d’importantes perturbations dans les transports publics, très peu de vols à Zaventem, aucun à Charleroi et surtout, très dommageable économiquement, les ports d’Anvers et de Zeebruges sont à l’arrêt. Dans quatre entreprises manufacturières sur dix, il y aurait des actions.
  • En Belgique francophone, la grève est fortement suivie : il n’y a pratiquement pas de transports publics ni de service postal et même certains supermarchés sont fermés.

Les réactions dans la rue de la Loi : Les libéraux et la FEB veulent effectivement décharger le système, avec des négociations uniquement au niveau des entreprises.

  • Comme on pouvait s’y attendre, le PTB s’est montré très actif pour soutenir l’action. Le président Raoul Hedebouw exprime son soutien à la « classe ouvrière ». Il vise immédiatement le PS : le vice-premier ministre, Pierre-Yves Dermagne, est vivement encouragé à pas signer les arrêtés royaux de blocage des salaires.
  • « Pour une fois, nous demandons au ministre de l’Emploi de ne rien faire. Il peut sauver son honneur d’homme de gauche en ne signant pas un Arrêté royal qui interdirait les augmentations salariales supérieures à 0 % », demande Hedebouw, suite à l’échec des négociations salariales avec les syndicats.
  • Il s’agit donc, une fois de plus, de la demande des syndicats de réformer le système actuel de négociations salariales. Ici, la loi sur les normes salariales est la pierre d’achoppement : parce que, suite à l’indexation automatique, les salaires augmenteront beaucoup plus vite en Belgique que dans les pays voisins, ce qui fait que deux accords interprofessionnels successifs menacent de ne laisser aucune marge d’augmentation salariale jusqu’en 2025. Le PTB a fait pression sur le PS à ce sujet pendant des années, qui souhaite également la suppression du système.
  • Bien sûr, les libéraux ne l’entendent pas de cette oreille. La loi sur la norme salariale de 1996, corrigée en 2017 sous Charles Michel (MR), existe justement pour diminuer les effets de l’indexation automatique, qui est un système unique au monde (mis à part au Luxembourg qui a décidé d’appliquer un saut d’index cette année). Il s’agit en somme des deux faces d’une même pièce. Supprimer l’un, c’est supprimer l’autre, préviennent les libéraux.

Au nord du pays : ça gronde, le mouvement de grève est incompréhensible dans la situation économique actuelle.

  • Du côté de l’opposition et de la N-VA, Matthias Diependaele a bien sûr trouvé les coupables : « Faire grève dans une période économiquement très difficile est totalement irresponsable. Alors que nous devrions travailler ensemble, les syndicats jouent avec notre prospérité future et nuisent à la compétitivité de nos entreprises. »
  • Du côté de la majorité, le président des libéraux flamands de l’Open Vld, Egbert Lachaert, s’en est également pris aux grévistes ce matin sur Radio 1 : « Les syndicats se trompent d’ennemis aujourd’hui. Les prix de l’énergie ont explosé à cause de la guerre en Ukraine. Le gouvernement et nos entreprises se battent à égalité contre cela. Nous sommes tous dans la misère. Entrer en guerre les uns contre les autres ne nous apportera pas de solutions. Il y a quelqu’un au Kremlin qui rit quand il voit ça. »
  • Lachaert a plaidé pour des négociations salariales au niveau de l’entreprise, comme cela se fait chez nos voisins. C’est un vieux rêve des libéraux, qui critiquent « l’approche beaucoup trop collectiviste d’aujourd’hui ». « Mais les syndicats ne veulent pas de cela, car ils perdent alors leur pouvoir sur les négociations ».
  • Les libéraux donnent ainsi un coup de semonce à la discussion qui s’annonce au niveau du gouvernement fédéral : c’est là que les salaires devront de toute façon être négociés, après l’échec des négociations sociales au sein du Groupe des Dix. Lachaert rejette donc l’idée du PS de permettre des augmentations de salaire par secteur : il veut laisser la liberté, mais au niveau de l’entreprise.

Il n’est pas étonnant que la FEB plaide à nouveau en ce sens aujourd’hui. Pieter Timmermans, le patron de l’association patronale belge, est tout à fait disposé à abandonner la loi sur les normes salariales, à condition que l’indexation soit également supprimée. « Nous aurions alors enfin un processus de formation des salaires comme aux Pays-Bas, en France, en Allemagne, au Danemark, en Italie et en Espagne », écrit-il.

Le week-end dernier, Pierre Wunsch, le gouverneur de la Banque Nationale, a indiqué dans la presse que le débat sur la suppression de l’indexation automatique des salaires « allait de toute façon être inévitable ». « Pas tant que le PS est au pouvoir », lui a répondu Thomas Dermine (PS), secrétaire d’État à la Relance, sur LN24.

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