L’économie russe perd quatre années de croissance d’un seul coup

L’invasion de l’Ukraine a catapulté l’économie russe quatre ans en arrière en un trimestre, selon une analyse de Bloomberg. Une récession de grande ampleur se profile à l’horizon.

L’économie russe s’est contractée de quelque 4,7 % au cours du deuxième trimestre, selon les analystes. Bien que le pays ne soit pas encore en récession, puisqu’il était encore en croissance au cours des trois premiers mois de l’année, la contraction est significative : pas moins de quatre années de croissance se sont évaporées en trois mois, selon les rapports de Bloomberg.

« L’économie retrouve la taille qu’elle avait en 2018 au cours du deuxième trimestre », estime Alexandre Isakov, économiste spécialiste de l’économie russe. L’analyste prévoit une récession prolongée qui se poursuivra en 2023, principalement en raison de la réduction des exportations d’énergie et d’autres biens vers l’Europe.

Car c’est là la conséquence principale des sanctions économiques imposées au pays, même si celle-ci peut sembler paradoxale : la Russie ne manque pas de liquidités, bien au contraire, elle a triplé sa balance commerciale, principalement grâce aux bénéfices que lui apporte la hausse des prix du pétrole et du gaz, tant qu’elle se trouve des acheteurs. Mais aussi parce qu’elle importe beaucoup moins de biens manufacturés, de denrées et produits de luxe, ou encore de composants de haute technologie, donc de facto elle économise. Mais son économie en pâtit.

La banque centrale russe estime également que la contraction s’accentuera au cours des prochains trimestres. Il s’attend à ce que l’économie ne se redresse qu’au cours du second semestre de l’année prochaine. « Dans le meilleur des cas, l’économie atteindra son creux vers la mi-2023 », a déclaré Evgeny Suvorov, économiste en chef de la Russie à la CentroCredit Bank.

Une baisse, mais pas les 10 % prévus

Bien que l’économie russe ait subi un coup dur, les analystes s’attendaient initialement à ce que la situation soit pire. Certains experts s’attendaient même à ce qu’une baisse de 10 % soit possible. Grâce à une série de mesures de limitation des dégâts prises par la banque centrale russe, un tel scénario catastrophe a été évité pour l’instant et les analystes s’attendent à une contraction de seulement 3,5 % pour l’ensemble de l’année 2022.

La banque centrale y est parvenue en imposant des restrictions sur les capitaux et en augmentant fortement les taux d’intérêt. Maintenant que l’économie russe s’est quelque peu apaisée, elle commence à réduire ces mesures. Il y aurait notamment des signes indiquant que les ménages reprennent confiance dans l’économie, un feu vert pour que la banque centrale lâche les rênes. Pourtant, l’inflation culmine toujours à 15,10%, après un record à plus de 17% en avril dernier, ce qui ruine le pouvoir d’achat de la population : celle-ci aurait diminué sa consommation globale de 10% en mai dernier, ce qui accentue encore le risque de récession.

15 milliards de roubles par la planche à billets ?

Toutefois, la banque pense toujours que le produit intérieur brut (PIB) de la Russie diminuera d’environ 7 % ce trimestre. Pour les trois derniers mois de l’année, on prévoit une baisse encore plus importante.

Face à cette situation économique qui tangue, mais se maintient tant bien que mal – les Occidentaux imaginaient que leurs sanctions feraient plus rapidement effet – le gouvernement russe doit toutefois prendre des mesures de plus en plus drastiques. Le Conseil de la Fédération, la chambre haute du parlement russe où siègent deux sénateurs de chacune des 85 régions fédérales, imagine maintenant imprimer 15 milliards de roubles et les injecter dans l’économie du pays.

Le sénateur et expert budgétaire Eduard Rossel a proposé d’injecter 5 milliards par an pendant trois années afin de financer de grands chantiers d’infrastructures, en particulier de nouvelles voies de communication: « Si nous injectons cinq milliards de roubles dans l’économie, il sera possible de construire des routes et des bâtiments. Nous sommes maintenant isolés, et c’est le principal problème pour l’économie locale », a-t-il admis au Moscow Time.

Gare à la spirale inflationniste

Une injection de capitaux supplémentaire devrait permettre de maintenir l’économie à court terme, alors que les fonds publics affichent un déficit de 892 millions de roubles, soit environ 14 millions d’euros. Mais cette solution ne fait pas l’unanimité, et le ministre russe des Finances Anton Siluanov a marqué son désaccord. Il n’est donc pas certain que la Russie fera chauffer la rotative, mais la solution a en tout cas été mise sur la table. Or, faire fonctionner la planche à billets a en général pour principale conséquence de nourrir l’inflation, comme de nombreux pays en ont fait l’expérience au fil de l’histoire. Une situation que la Russie ne peut certainement pas se permettre, d’autant que les sanctions occidentales ne vont pas disparaître du jour au lendemain.

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