Le Premier ministre De Croo réplique au PS et à Lalieux au sujet des pensions : « Le dossier n’ira au gouvernement que s’il y a un début de consensus »

La Vivaldi tel que nous la connaissons : tandis que le PS lance publiquement dans les médias ses exigences en matière de pensions, le MR donne tranquillement une conférence de presse sur ses désirs en matière de réformes fiscales. Les Verts, quant à eux, reviennent avec une nouvelle proposition de loi pour un taux d’épargne obligatoire, atteignant pas moins de 3%. Au milieu de toutes ces listes de souhaits, le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) doit essayer de maintenir un semblant d’unité au niveau fédéral. Hier, à la Chambre, il n’a pu s’empêcher de montrer un peu de sa frustration. Car après les vives critiques du camp socialistes, selon lesquelles « il refusait de mettre les pensions à l’ordre du jour au sein du gouvernement », le Premier ministre a riposté. « Il doit bien sûr y avoir un début de consensus avant que les dossiers puissent arriver à la table du gouvernement », a déclaré De Croo avec un brin de cynisme. Il a lui-même imposé trois conditions explicites à sa ministre des Pensions, Karine Lalieux (PS) : « Renforcer le lien entre le travail et les pensions », « réduire les coûts du vieillissement«  et « mieux harmoniser les différents régimes ». Et ce n’est que si ces conditions sont remplies que Lalieux pourra présenter ses projets. Elle-même a balayé toutes ces critiques devant les caméras de la VRT.

Dans les actualités : De Croo riposte à sa ministre des Pensions.

Les détails : “Si les trois conditions sont remplies, et s’il y a un début de consensus parmi tous les partis au gouvernement, alors le dossier des pensions peut aller au gouvernement”, a-t-on entendu dire. Lalieux estime, quant à elle, “qu’il vaut mieux ne pas traiter cela au conclave”.

  • “Il y a une règle générale pour le traitement des dossiers par le gouvernement : c’est qu’ils doivent être prêts à être traités”, a commencé le Premier ministre libéral avec un sourire en coin, lorsqu’il s’expliquait face à la Chambre sur le dossier des pensions.
  • Il y avait eu de l’agitation cette semaine entre le PS et le Premier ministre. La ministre PS des Pensions, Karine Lalieux, a lancé ses nouvelles propositions dans la presse. Parmi elles, une nouvelle promesse surprenante : un bonus unique pour ceux qui souhaitent travailler trois ans de plus, d’au moins 22.650 euros.
  • Le fait que Lalieux ait lancé ces plans dans les médias sans d’abord les discuter au gouvernement était une chose. Que le PS ait également fait savoir “que De Croo refuse depuis des mois de mettre notre dossier à l’ordre du jour et qu’il ne se comporte pas en joueur d’équipe”, en est une autre et ça a clairement irrité le Seize.
  • À la Chambre, le Premier ministre a fait la leçon au PS sur la manière dont doit être traité un dossier gouvernemental, “par la méthode classique”.
    • “Avant qu’un dossier soit traité en conseil des ministres, on en discute d’abord, par exemple au sein du groupe de travail inter-cabinets (IKW) pour clarifier un certain nombre de questions techniques.”
    • “Il arrive parfois qu’un ministre doive revoir certains points.”
    • “Si suffisamment d’éléments de consensus sont trouvés, le dossier monte au niveau des ministres.”
    • “S’il y a encore des problèmes, le ministre les traite, mais il doit bien sûr y avoir un début de consensus avant que les dossiers puissent arriver à la table du gouvernement.”
  • C’est douloureux pour les socialistes francophones, à qui on fait un reproche régulier au sein du gouvernement : Lalieux “ne fait pas son travail”. Mais le Premier ministre ne s’est pas arrêté là, il a formulé quelques conditions supplémentaires. Il a parlé de trois exigences, “avant qu’une proposition sur les pensions puisse aller au gouvernement” :
    • “Renforcer le lien entre le travail et pension.”
    • “Améliorer la capacité (donc réduire les coûts) en termes de vieillissement.”
    • “Veiller à ce que les différents régimes (fonctionnaire, salarié, indépendant) convergent”.

L’essentiel : ça chauffe vraiment sur le dossier des pensions.

  • Avec son attaque, De Croo met en tout cas les choses au point : il n’a pas l’intention de céder beaucoup de terrain face au PS. Les pensions ne seront en tout cas pas abordées lors du conclave prévu du gouvernement fédéral la semaine prochaine.
  • Cela ne dérangeait d’ailleurs pas tellement Lalieux : dans une rare interview devant les caméras de Villa Politica, elle suggérait de “ne pas mélanger ces deux dossiers, de la réforme fiscale et des pensions”. Quand ce dossier sera-t-il discuté alors? “Avant les vacances d’été”, entend-on toujours au sein de Vivaldi.
  • Mais Lalieux, qui n’est toujours pas capable de donner une interview en néerlandais, a continué à suivre sans dévier d’aucune manière la ligne budgétaire très optimiste qu’elle et son parti suivent dans l’ensemble du dossier. Il ne semble y avoir aucun sentiment d’urgence, même si les coûts des pensions augmenteront de 63 milliards d’euros actuellement à 80 milliards en 2028.
    • “Le Bureau du Plan a confirmé que mon plan ‘espagnol’ pour un bonus de pension rapporte beaucoup plus en termes d’effet”, a-t-elle déclaré à propos de sa proposition de bonus de 22.650 euros.
    • “Ce n’est pas moi qui le dis, mais le Bureau du Plan : cela ne coûtera rien de plus à l’État, cela rapportera.”
    • “Mes plans sont abordables, s’il s’agit d’un choix positif que nous faisons.”
    • “Si nous continuons à augmenter le taux d’emploi, comme nous le faisons actuellement, et que davantage de cotisations sociales entrent dans les caisses publiques.”
    • “Non, nous n’allons pas encourir d’amende européenne et nous allons bien recevoir de l’argent de relance.”
    • “Une fois que notre réforme sera terminée, au sein du gouvernement, la Commission européenne verra que nous tenons nos promesses.”
  • Du côté des libéraux, il y avait beaucoup de scepticisme à ce sujet : “Il vaut mieux d’abord vérifier les calculs de l’impact avant de jeter à nouveau de l’argent par la fenêtre”, a-t-on entendu au sommet de l’Open Vld. Le MR a également qualifié la proposition de Lalieux de “problématique sur plusieurs points”, notamment parce qu’il n’y a pas de nombre clair d’années effectives. David Clarinval critiquait le fait que cette prime puisse profiter à tout le monde, même à un « chômeur qui se mettrait à travailler à 60 ou 62 ans ». « On trouve ça inacceptable, cela n’a pas de sens. Pour nous, le bonus doit récompenser ceux qui travaillent », a ajouté le vice-premier ministre libéral.

Entre-temps également : Georges-Louis Bouchez (MR) pose aussi ses exigences sur la table.

  • Alors que le PS reste fermement sur sa position concernant les pensions, rendant ainsi tout accord potentiel difficile pour le Premier ministre, le MR fait lui aussi son apparition sur la scène.
  • Le week-end prochain, dans sept jours, De Croo convoque ses partenaires à « conclave » sur la réforme fiscale : une réunion marathon pour aligner enfin la Vivaldi sur ce sujet. La grande question est de savoir si cela peut être accompli en un seul week-end.
  • Georges-Louis Bouchez, accompagné de son vice-premier ministre David Clarinval (MR), et du ministre Wallon de l’Économie, Willy Borsus, a estimé nécessaire de commencer les négociations dès maintenant. C’est assez inhabituel, car cela montrera immédiatement ce que le MR n’a pas pu obtenir, une fois que la fumée d’un tel conclave sera dissipée. Ce n’est donc pas vraiment utile pour parvenir à un consensus, mais Bouchez a toujours fonctionné à sa manière.
  • Qu’exigent-ils ?
    • Premièrement, ils estiment que la “réduction d’impôts” doit être plus élevée. Dans les plans de Vincent Van Peteghem (cd&v), sur les 6 milliards de shift fiscal, 1,2 milliard concerne des « effets de retour » : ce sont donc des revenus qui n’entraînent pas de nouvelles taxes ailleurs. Le MR en veut plus, “la réduction n’est pas suffisante”.
    • Le parti libéral ne veut pas entendre parler d’une augmentation générale de la TVA, de 6 à 9 %. “Nous risquons de pousser les Belges à faire leurs achats à l’étranger.”
    • Il faut absolument aussi une réforme du marché du travail, une vieille exigence.
    • Le MR parle fièrement d’une réforme fiscale à 10 milliards d’euros, mais « par phase » : seulement 2 à 3 milliards supplémentaires au cours de cette législature.
  • Ce dernier point est précisément ce à quoi tout le monde s’attend, à savoir qu’à la fin, il restera beaucoup moins des 6 milliards mis en jeu par Van Peteghem. Mais cela met immédiatement la liste de souhaits d’un parti à nu, avant les négociations.

Est-ce rationnel à l’heure du numérique ? Plus de la moitié du montant nécessaire à la distribution des journaux et des magazines est subventionné.

  • Même à l’ère numérique où nous pouvons consommer massivement des informations via nos smartphones, la distribution de journaux et de magazines est subventionnée pour plus de la moitié en raison de « l’intérêt économique général ». Cela ressort des chiffres de Proximy, le surprenant challenger français de Bpost pour le nouveau contrat de distribution des journaux des cinq prochaines années.
  • Aujourd’hui, la concession pour la distribution de la presse est détenue par Bpost. Hier, nous vous annoncions en primeur que Proximy et le distributeur de presse bruxellois PPP se portaient également candidats pour le contrat 2024-2028.
  • Les chiffres en un coup d’œil :
    • Proximy, une filiale du groupe familial français Riccobono, estime la valeur de la distribution de la presse belge à partir de 2024 à 230 millions d’euros par an, rapportent Les Echos. Cela comprend 125 millions d’euros de subventions et 105 millions que les éditeurs paient annuellement. La distribution de la presse est donc subventionnée à hauteur de 54% par l’État belge, c’est-à-dire le contribuable.
    • Selon les Français, en termes de volume, cela représente 500.000 journaux par jour et 3 millions de magazines par semaine, nécessitant 3.300 distributeurs et 500 employés de soutien.
    • Proximy déclare être prêt à reprendre 3.300 employés si les Français décrochent le nouveau contrat. L’aide de l’État s’élève à 55 centimes d’euro par exemplaire de journal et 24 centimes d’euro par magazine, a calculé Proximy.
    • Les subventions belges sont six fois plus élevées qu’en France. Le groupe Riccobono, société mère, est le pilier financier de l’offre de Proximy et s’engage à investir plus de 15 millions d’euros dans le projet belge.

Au niveau de la Vivaldi : Toujours pas d’audit externe.

  • Le contexte plus large : Beaucoup de flou entoure le controversé contrat de journaux : le gouvernement a-t-il payé trop cher pendant des années ? Et est-ce encore le cas ? En février, lorsque la Vivaldi a décidé de relancer l’appel d’offres pour la concession, le vice-Premier ministre de l’Open Vld, Vincent Van Quickenborne, a exigé qu’un audit externe soit effectué sur le coût exact de ce contrat pour Bpost, société cotée en bourse avec comme actionnaire principal l’État belge. En d’autres termes, quelle est la marge bénéficiaire ?
  • Entre-temps à la Rue de la Loi : Cela n’a pas plu au ministre de l’Emploi, Pierre-Yves Dermagne (PS), qui est en charge du contrat des journaux. Son cabinet a également une ligne directe avec la présidente de Bpost, Audrey Hanard, dont le sang est rouge. Le vice-premier ministre socialiste devait faire réaliser cet audit, mais traîne des pieds : on entend dire qu’ils ne trouvent pas d’auditeur externe.
  • Zoom avant : Cet audit est cependant important : en avril, lorsque Bpost a été contraint de lancer un avertissement sur les bénéfices concernant toute une série de contrats publics, il est apparu qu’il y avait un sérieux problème avec leurs marges bénéficiaires généreuses sur chaque contrat, la Vivaldi a pu se défendre en disant “qu’elle était déjà en train d’enquêter”.
  • Et maintenant ? Il y a un nouveau problème : “Deux appels d’offres ont déjà été organisés”, selon le cabinet de Dermagne, mais aucun auditeur approprié n’a été trouvé. Cela ne rendra pas les partenaires de la coalition particulièrement heureux : l’Open Vld avait déjà menacé d’annuler définitivement le contrat des journaux s’il n’y avait pas d’audit externe. “Le gouvernement examine une nouvelle proposition de piste”, annonce-t-on chez Dermagne. Des milliers d’emplois sont en jeu.
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