Après les Verts, les libéraux attaquent le PS à propos de Bpost : « Dermagne doit mener cet audit, sinon nous mettrons fin au contrat de distribution des journaux »

Bpost est en train de devenir un enjeu gouvernemental, même si le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) voulait à tout prix éviter cette issue. Mais son propre camp libéral s’agite. Le mécontentement concernant les relations étroites entre Audrey Hanard et le sommet du PS, avec qui la présidente du conseil d’administration s’est entretenue à plusieurs reprises, juste avant le renouvellement du contrat pour la distribution de journaux, irrite le MR et l’Open Vld. « Nous nous posons beaucoup de questions sur le rôle de la présidente du conseil d’administration : il y a encore des partis qui voient Bpost comme une machine à emplois sociaux », s’emporte Egbert Lachaert (Open Vld). Dans les couloirs, on souligne « que le PS a peur du PTB en ce qui concerne les emplois publics ». Parallèlement, Georges-Louis Bouchez (MR) soutient désormais la création d’une commission spéciale au sein de la Chambre pour examiner les contacts concernant le contrat incriminé. Lors du conclave budgétaire de 2022, l’Open Vld a mené une guerre nocturne contre le PS à propos de ce contrat, qui rapportait 175 millions par an à Bpost et aux éditeurs de journaux. Celui-ci s’est finalement transformé en un nouveau contrat de 125 millions d’euros. Mais avec une condition de l’Open VLD : un audit externe devait déterminer si le montant payé était trop élevé ou non. Cet audit a depuis été étendu à tous les contrats publics de Bpost, mais les libéraux insistent : « Pierre-Yves Dermagne (PS) doit enfin mettre en œuvre cet audit. S’il n’y a pas de clarté d’ici l’automne, il n’y aura plus de contrat pour la distribution de journaux ». Du côté du cabinet de Dermagne, on réagit calmement : « Rien d’exceptionnel dans ces rencontres avec Hanard, toutes les règles ont été respectées. »

Dans l’actualité : Egbert Lachaert (Open Vld) mène le forcing sur Bpost et pointe du doigt le rôle du PS.

Les détails : Après la sortie de Petra De Sutter (Groen) à l’égard des socialistes francophones, c’est au tour du MR et de l’Open Vld de tirer.

  • Les députés de l’Open Vld ont récemment reçu une instruction claire : « Veuillez réduire au minimum la communication autour de Bpost. » Pas d’apparitions télévisées ni de commentaires critiques de la part des milieux libéraux. Et cette instruction n’est pas venue de la rue Melsens, le siège de l’Open VLD, mais du 16 rue de la Loi.
  • Là-bas, le Premier ministre De Croo tente de faire tout ce qui est en son pouvoir pour que la bombe à fragmentation autour de Bpost n’entre pas dans son gouvernement. Car les éclats volent actuellement dans toutes les directions : entre autres, la ministre compétente des Entreprises publiques : Petra De Sutter (Groen), qui s’est retrouvée dans un imbroglio à propos de deux employés détachés dans son cabinet, mais payés par Bpost. Cette semaine, les nombreux contacts entre la direction du PS et la présidente du conseil d’administration, Audrey Hanard, ont également été mis en lumière. C’est d’ailleurs De Sutter en personne qui a attisé le feu hier à la Chambre, en s’en prenant à Paul Magnette (PS), qui a lui aussi rencontré Hanard.
  • Hier, lors de l’émission Terzake, De Sutter a répété l’accusation : « Je n’ai pas été informée, je n’étais pas là. Bpost est une entreprise cotée en bourse, les autres actionnaires doivent aussi être protégés. C’est pourquoi il existe des cloisons légales pour les autres actionnaires. Je ne sais pas avec quelles personnes la présidente se réunit. »
  • Ce faisant, De Sutter a indiqué que l’État envisageait d’intenter une action civile dans le cadre de la procédure pénale en cours concernant le contrat de distribution de journaux, conclu entre Bpost et les éditeurs de presse. Cela signifierait une nouvelle attaque contre l’ancienne direction de Bpost, qui ne cesse de faire fuiter les détails de l’affaire dans les journaux.
  • Tout cela est assez délicat pour la Vivaldi, mais aussi pour De Croo lui-même, qui, en tant qu’ancien ministre des Entreprises publiques, était très impliqué dans Bpost au sein du gouvernement de la suédoise. Cela n’a pas empêché Egbert Lachaert (Open Vld) ce matin, sur Radio 1, de passer à l’offensive sur le dossier.
  • Ce faisant, le leader de l’Open Vld a explicitement visé Hanard :
    • « Il y a quelque chose de très profondément erroné dans la culture de Bpost, et cela a dégénéré en toute une série de contacts qui ne sont pas dans l’intérêt de l’actionnaire principal, nous, l’Etat. »
    • « Nous nous posons beaucoup de questions sur le rôle de la présidente du conseil d’administration », a-t-il ajouté.
    • « Il y a encore des partis qui considèrent cette entreprise comme une machine à emplois sociaux. Et nous savons quelle est la signature de la présidente ».
    • « Présidente qui prend des contacts politiques juste avant que le prix du nouveau contrat avec la presse soit déterminé. »
    • « Je regarde cela en écarquillant les yeux, je n’ai jamais été invité au siège de Bpost. Il faut que ces contacts soient clairs. Quels accords y ont été conclus ? »
  • Mais Lachaert a aussi immédiatement élargi le débat : « L’avenir de Bpost est à discuter, le gouvernement doit réduire sa participation, et peut-être ne conserver qu’une participation minoritaire. »

L’essentiel : sur le contrat avec la presse, la guerre n’est pas terminée.

  • Dans le même temps, le président de l’Open Vld a présenté une nouvelle ligne rouge sur le contrat de distribution de journaux. Ce faisant, il a particulièrement ciblé Pierre-Yves Dermagne (PS), le vice-premier ministre et ministre des Travaux publics, qui est en charge de ce contrat controversé.
    • « Nous étions le seul parti à vouloir réduire ce contrat entre les éditeurs de presse et Bpost lors de la préparation du budget l’année dernière, et nous avons un goût très amer dans la bouche maintenant que nous lisons toute cette affaire ».
    • Ce faisant, il a réitéré la condition obtenue par l’Open Vld, à savoir que le contrat devait être réévalué : « Nous avons demandé un audit externe pour voir si des paiements en trop ont été effectués ou seront payés à l’avenir. Dermagne doit le mettre en œuvre, maintenant. »
    • Il fait ainsi référence au retard pris dans la réalisation de cet audit : il était attendu depuis des mois, mais au PS, on a prévenu qu’il n’y avait pas de candidats dans les cabinets d’audit pour le mener à bien.
    • Lachaert durcit le ton : « À l’automne, nous aurons à nouveau cette discussion sur le contrat avec les journaux : si nous n’avons pas de clarté d’ici là, nous ne pourrons pas continuer. Nous mettrons alors fin à ce contrat. »
  • Quel que soit le sérieux de cet ultimatum, cela renforce la pression sur l’audit externe du gouvernement fédéral. D’autant que Bpost a elle-même révélé au moins trois autres contrats publics problématiques. Bref, l’audit sera étendu et, s’il le faut, un cabinet devra être trouvé à l’étranger.
  • De Sutter a également parlé de cet audit (que Groen prétend avoir initié) à la Chambre, hier, pour montrer qu’elle ne se contente pas de s’en remettre à Bpost pour enquêter sur le dossier.
  • Le MR s’intéresse soudainement à l’affaire, après des jours de silence. Le président Bouchez a tweeté hier : « Chaque jour apporte son lot de révélations sur Bpost. L’ensemble du dossier, et en particulier l’aspect relatif à la concession pour la distribution des journaux, pourrait certainement faire l’objet d’une commission spéciale. On parle de dizaines de millions d’euros. » Auparavant, l’Open Vld avait déjà demandé la création d’une telle commission spéciale, par l’intermédiaire de Marianne Verhaert (Open Vld).
  • En même temps, il est clair que le PS ne va pas se débarrasser de ce contrat avec les éditeurs de presse, à un an des élections. Il a déjà fait savoir à plusieurs reprises que des milliers d’emplois (environ 2.000) sont en jeu, selon les estimations, et qu’ils sont bien protégés sur le plan social. L’affrontement sera donc rude si l’Open Vld veut passer en force. Car les libéraux se rendent compte que le PS est complètement dans la surenchère avec le PTB, et que cela rend « particulièrement difficile de faire des accords avec Magnette ».

Bien remarqué : Le PS a rapidement préparé sa défense.

  • Chez les socialistes francophones, on n’est pas né de la dernière pluie. Au parti, on reste très ‘zen’, on ne veut pas réagir ouvertement, tant aux sorties de De Sutter qu’à celles de Lachaert. Mais en coulisses, on entend dire qu’il y a une explication justifiée pour chaque contact, et qu’ils ne sont jamais allés au-delà des règles : « Nous ne sommes pas du tout inquiets. »
  • Au bureau de Dermagne, les réponses sont plus formelles : « Il n’y a rien d’exceptionnel dans les réunions qui ont eu lieu, toutes les règles ont été respectées », a déclaré le porte-parole. Il s’agit notamment d’une liste des contacts pris au sein du cabinet :
    • En octobre 2021, il y a une question de Hanard au chef de cabinet de Dermagne « sur l’interprétation des paramètres du cahier des charges de la nouvelle concession pour les journaux et magazines. » : Le chef de cabinet demande à Bpost « de prendre contact avec le SPF Economie ». Un échange a ensuite eu lieu entre Bpost et le SPF Economie.
    • En juin 2022, il y a une réunion physique entre Hanard, le chef de cabinet et Dermagne, à laquelle l’ex-directeur général de Bpost, Dirk Tirez, a d’ailleurs assisté. Cette réunion porte sur la « forte augmentation de l’inflation » : Bpost veut un montant plus élevé pour le contrat de distribution des journaux, Dermagne s’en occupe et obtient un mandat pour en parler. « Lors de cette réunion, Dermagne a présenté une proposition comme solution possible. Bpost n’a pas accepté cette proposition. »
    • En septembre 2022, il y a une réunion entre Paul Magnette, Dermagne, leurs chefs de cabinet, entre Hanard et Tirez, dans la salle de conférence de Bpost. « Une réunion a lieu à la demande de Bpost, qui veut expliquer la stratégie à long terme aux différents acteurs politiques pour connaître leurs sensibilités. Dans ce contexte, la direction de Bpost a des rendez-vous avec plusieurs vice-premiers ministres des différentes familles politiques. » Ce dernier point est vrai : le cd&v et les deux partis verts ont également eu un tel rendez-vous, mais c’est Tirez et non Hanard qui est venu.
    • Et toujours à propos de cette dernière réunion : « Le message du PS lors de la consultation est qu’il lui est difficile de supprimer des emplois. La concession des journaux et magazines n’est pas à l’ordre du jour et n’est pas discutée. »
  • Le seul contact qui soulève des questions jusqu’à présent est une réunion que Hanard aurait eue en mars 2022, avec Magnette et Elio Di Rupo (PS). « C’était juste avant que Bpost ne fasse une offre finale pour le contrat avec les journaux. Il s’agit donc d’un timing très embarrassant, qui doit être réglé », a déclaré le camp libéral.
  • Hanard devra s’expliquer mardi prochain, lorsqu’elle se présentera devant le Parlement. Mais quid de Dirk Tirez ? Pour plusieurs groupes du Parlement, ce serait une bonne idée de le faire venir aussi, et éventuellement d’autres anciens dirigeants, pour des auditions.
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