La présidente de Bpost, Audrey Hanard, n’arrive pas à convaincre à la Chambre : « Le brouillard ne s’est pas dissipé », la N-VA veut même qu’elle « parte temporairement »

« La confiance vient à pied et s’en va à cheval. Dans votre cas, elle est partie au galop ». En Commission, à la Chambre, la présidente de Bpost Audrey Hanard a essuyé une avalanche de questions sans vraiment convaincre, après une audition de quatre heures. La députée de l’Open Vld Marianne Verhaert s’est montrée féroce, mais le député socialiste flamand Joris Vandenbroucke ne s’est pas non plus retenu : « Vous lisez au moins les journaux que vous distribuez ? » Ainsi, un parfum de crise flotte toujours autour de l’entreprise publique, dont la direction est venue prêcher « la transparence et l’indépendance » mais ne l’a donnée qu’avec parcimonie, dans ses paroles et dans ses actes. Ce n’est qu’à la toute fin de la séance que Hanard a indiqué que les députés allaient pouvoir consulter l’audit interne de Bpost : elle aurait tout aussi bien pu l’annoncer dès le début de la séance, ce qui lui aurait évité l’irritation de la quasi-totalité des députés. Au contraire, les dirigeants de Bpost se sont montrés parfois un peu arrogants : « J’ai vu Paul Magnette trois fois dans ma vie », a répondu la présidente de Bpost pour écarter ses liens avec le PS. La direction n’a pas abordé les questions cruciales et embarrassantes, notamment l’utilisation de l’application Signal, au lieu de WhatsApp, parce que l’application cryptée efface les messages après un certain temps. Le député de la N-VA Michael Freilich a demandé que Hanard « se retire temporairement », ce qui n’a pas été suivi. Mais comme les partis majoritaires de la majorité sont restés mal à l’aise face aux questions, le dossier est loin d’être clos.

Dans l’actualité : Petra De Sutter (Groen) a réussi la semaine dernière à survivre de manière convaincante à une audition de la Commission parlementaire sur Bpost. Les hauts responsables de Bpost n’y sont pas parvenus.

Les détails : Audrey Hanard n’est manifestement pas une politicienne, mais une consultante. Sur Terzake, elle n’a pas pu formuler une réponse claire sur ce que cette fonction implique réellement.

  • « Ce Michaël Freilich ? A broken record« . Un disque rayé, c’est ainsi que le CEO de Bpost, Philippe Dartienne, a qualifié sans ambages les prestations du député de la N-VA, quand il est entré dans l’ascenseur, après quatre heures d’audition, avec le reste de la direction de Bpost, le CEO Belgique Jos Donvil et Sonja Rottiers, la présidente du comité d’audit.
  • Dartienne n’est qu’un CEO intérimaire et n’a manifestement pas l’étoffe pour diriger une telle entreprise : sinon, la présence d’un journaliste dans l’ascenseur l’aurait sans doute fait réfléchir à deux fois avant de cracher sa bile. Audrey Hanard l’a regardé d’un air agacé.
  • Entre-temps, il ne fait aucun doute que la jeune consultante dirige Bpost : elle s’est d’ailleurs littéralement autoproclamée « chef d’orchestre » de l’entreprise publique à la Chambre. Ce faisant, Hanard et son équipe ont intentionnellement choisi de plomber les députés pendant une heure au début de l’audition dans de longues présentations PowerPoint, avec une explication interminable au cours de laquelle Donvil a jugé nécessaire de répéter le nombre de bureaux de poste et de points postaux.
  • Que cela n’ait pas suscité une sympathie immédiate n’est pas une surprise : depuis des semaines, on lit dans la presse les détails du scandale Bpost, qui a coûté des millions d’euros aux contribuables. « Vous lisez au moins les journaux que vous distribuez ?« , a questionné cyniquement le député Joris Vandenbroucke (Vooruit) après l’heure d’ouverture.
  • Mais surtout : le fait que Hanard et consorts refusent systématiquement de communiquer l’audit interne qui a mis le feu aux poudres a perturbé les députés. Ces derniers voulaient jouer leur rôle de chien de garde. Tant la ministre de tutelle Petra De Sutter (Groen) que le vice-premier ministre PS Pierre-Yves Dermagne avaient reçu cet audit. « Peut-on enfin recevoir cet audit », a demandé Eva Platteau (Groen), ainsi que tous les autres partis de la majorité du côté flamand. Ce n’est qu’à la toute fin de l’audition, après une pression soutenue, que Hanard a fini par céder.
  • En effet, après une série de questions particulièrement critiques, la présidente est passée à l’attaque : la meilleure défense.
    • « Il y a tellement de rumeurs qui circulent », a-t-elle déploré en abordant le rôle de sa double casquette. « J’ai été nommée sur proposition du PS. Ce n’est un secret pour personne. Tout comme la moitié du CA de l’entreprise est nommée sur proposition d’un parti politique. Cependant, nous exerçons ensuite tous et toutes notre mandat de manière indépendante », s’est-elle défendue.
    • Ses rencontres avec les socialistes Pierre-Yves Dermagne et Paul Magnette ? « Ces contacts étaient normaux et même souhaitables. Tout a été transparent. Rien n’a été illégal et j’ai joué mon rôle. »
    • « J’ai parlé trois fois à Paul Magnette dans toute ma vie », a-t-elle ajouté. Mais elle n’a pas expliqué pourquoi elle n’avait vu aucun autre président de parti à l’époque.
    • Plus tard dans la soirée, lorsqu’elle a pris place dans les studios de Terzake, Hanard a montré la même attitude dans sa posture : « C’est aussi pour cela que j’ai hésité à prendre ce rôle : je n’ai pas l’habitude de traiter avec les médias », a-t-elle déclaré. Elle a toutefois ajouté « que d’autres présidents de partis ont également été contactés », mais « qu’ils n’ont pas répondu ».
    • « Peut-être devrions-nous le faire à l’avenir, afin d’éviter toute apparence partisane », a-t-elle admis, faisant preuve d’introspection quant à son propre rôle dans les studios de la VRT, ce qui n’était pas du tout le cas dans l’hémicycle une heure plus tôt.

Pourquoi Hanard n’a pas convaincu la majorité : il n’y a pas eu de réponses concluantes aux nombreuses questions posées par les députés.

  • Tant la majorité que l’opposition s’interrogeaient sur le rôle du consultant McKinsey chez Bpost : sans procédure d’appel d’offres, ce bureau de consultance a facturé des millions pendant des années et a notamment mis en place un système visant à répercuter un maximum de coûts sur les marchés publics.
  • Le sommet de Bpost a tourné autour du pot au sujet de McKinsey, ce qui est ennuyeux, vu qu’un certain nombre de hauts responsables de l’entreprise postale, y compris Hanard, sont issus de cette écurie.
    • « Je suis maintenant partenaire chez Dalberg, nous sommes présents dans 30 pays. Je rencontre donc des gens. Et oui, j’ai travaillé chez McKinsey. Est-ce que je connais des gens là-bas ? Oui. Je fais aussi du yoga, et je connais des gens là-bas aussi. Mais cela affecte-t-il mon rôle ? Non. »
    • Dartienne a tenté une nouvelle fois d’expliquer que « la Commission européenne avait approuvé le système d’une ‘méthode d’évitement des coûts' ».
  • « La question n’est pas de savoir si ce modèle a été approuvé par la Commission européenne, mais si vous avez rendu ce service aussi cher que possible pour le gouvernement avec l’aide de consultants. Ce modèle de coût a-t-il coûté plus cher au contribuable ? », a répété Joris Vandenbroucke, sans obtenir de réponse.
  • Jef Van den Bergh (CD&V) n’a pas non plus obtenu de réponse à la question de savoir pourquoi la direction de Bpost avait accepté de tenir l’audition pendant les heures d’ouverture de la bourse : le cours de l’action a chuté de façon remarquable pendant l’explication de Hanard et consorts. Pourtant, la direction estime, elle aussi, que la cotation en bourse rendait les choses plus difficiles dans ce dossier. Le député n’a pu s’empêcher de commenter : « Ce n’est que grâce au fait que l’entreprise soit cotée en bourse que tout cela est remonté à la surface ».
  • Marianne Verhaert (Open Vld) s’est montrée la plus incisive : elle est parfois allée plus loin que l’opposition. « Le brouillard ne s’est pas dissipé après votre explication. Pourquoi êtes-vous passé de Whatsapp à Signal ? Les messages y sont automatiquement effacés », a questionné Verhaert. Plus tôt dans l’audience, Verhaert avait littéralement signalé que l’application de communication Signal était « particulièrement populaire auprès des trafiquants de drogue ».
  • « La raison pour laquelle vous avez vu Magnette trois fois et pas les autres n’est pas claire. Vous prétendez être une ambassadrice de Bpost, mais vous semblez surtout être une ambassadrice du PS », a poursuivi Verhaert.

La grande question : qu’en est-il de ce nouvel audit externe ?

  • Fait surprenant, hier, presque tous les députés de la majorité ont fait référence à « l’audit externe », ordonné par le gouvernement, pour apporter une nouvelle clarté sur le dossier. « Nous nous reverrons sans doute à ce moment-là », a déclaré le député Vandenbroucke.
  • Il est toutefois douteux que ce soit le cas : cet audit externe a été demandé en février, avant même que l’affaire ne s’aggrave avec plusieurs contrats publics suspects, pour enquêter spécifiquement sur la structure des coûts de la concession des journaux. L’Open Vld voulait notamment savoir si les marges n’étaient pas encore trop élevées pour Bpost, même après le rabot de 175 à 125 millions d’euros par an. Après une longue bataille interne au sein de la Vivaldi, au cours de laquelle le PS a freiné des quatre fers, le gouvernement a fini par céder.
  • Par la suite, cet audit a été étendu à « tous les marchés publics de Bpost », car des problèmes sont apparus au niveau des plaques minéralogiques, de la perception des amendes et de la comptabilité publique. Mais en ce sens, cet « audit externe » à venir (et que Pierre-Yves Dermagne (PS) n’a pas encore lancé) n’a tout simplement pas le mandat de réexaminer le travail d’enquête interne sur la « collusion avec les éditeurs de journaux » et les infractions internes au droit de la concurrence.
  • Il semble donc évident que seule l’enquête en cours de l’ABC, l’autorité belge de concurrence, et éventuellement du parquet à un stade ultérieur, sera en mesure de fournir une réponse décisive quant à la question de savoir si l’audit interne de Bpost a correctement jugé qui était responsable et a enfreint les règles, et qui ne l’était pas. À moins que le gouvernement ne laisse soudainement l’audit externe en question creuser beaucoup plus loin : l’enquête n’a toujours pas été confiée à un cabinet d’audit.

Zoom avant : Pourquoi la N-VA demande-t-elle maintenant à Hanard de se retirer temporairement ?

  • Immédiatement après la séance, RTL-TVi a demandé à Hanard si elle répondrait à la demande du député N-VA Michael Freilich de « se mettre temporairement à l’écart, dans l’intérêt de l’enquête ». « Je ne vois pas pourquoi », a répondu cette dernière aux micros des journalistes.
  • Ce qui est frappant : lors de l’audition, Sonja Rottiers, présidente du comité d’audit, s’est efforcée de laver Hanard de tout soupçon. « L’ensemble du conseil d’administration regrette que des personnes nous pointent du doigt », a-t-elle immédiatement fait savoir collectivement. Ce faisant, elle a réaffirmé que l’enquête interne de Bpost avait qualifié les actions de la présidente du conseil d’administration « d’adéquates ».
  • Rottiers a immédiatement confirmé que Hanard avait déjà été informée en mars par le CEO Jean Muls d’irrégularités dans la concession de journaux. Mais, devant « procéder avec une prudence particulière », il a fallu attendre le mois d’août pour qu’un audit interne soit lancé. « Certains ont même détruit des documents », a-t-on ajouté au sommet de la hiérarchie, avec le départ de l’ex-PDG Dirk Tirez.
  • Mais le député nationaliste Freilich s’est surtout attardé sur un contact que Hanard a eu en octobre 2021 avec le chef de cabinet de Dermagne, sur ce dossier des journaux. À ce moment-là, la procédure d’adjudication battait son plein et la loi sur la concurrence s’appliquait, a déclaré le député. L’article 32 de cette loi est très clair : il ne peut y avoir de contact, à moins de trouver un lieu où chaque participant à la procédure peut voir les questions et les réponses. Or ce lieu existait, le SPF Economie avait ouvert un « forum » numérique où les gens pouvaient poser des questions ». C’est précisément ce que la N-VA est allée dénoncer au procureur général hier, avec le battage médiatique nécessaire.
  • Lors de la réunion, Hanard a posé au chef de cabinet du vice-premier ministre PS une question sur « l’interprétation des paramètres du cahier des charges ». Rottiers s’est évertué à dire lors de l’audience « que cela n’est en rien contraire aux procédures » et que le premier contact avec le cabinet n’était « ni une irrégularité, ni une illégalité ».
  • Lors de l’émission de Terzake, Hanard s’est montré un peu plus claire : « La période durant laquelle cette question a été posée, c’était à un moment où, en tant que participant, vous êtes autorisé et même tenu de poser des questions, pour ensuite les traiter de la bonne manière ». À la question de savoir si la N-VA allait rentrer bredouille, la présidente du conseil d’administration a répondu un « oui » retentissant.
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