Frustrée par l’attitude des libéraux et du Premier ministre De Croo, Karine Lalieux présente sa nouvelle mouture de la réforme des pensions dans la presse

L’histoire se répète pour la Vivaldi : le dossier des pensions est complètement bloqué, avec quelques frustrations mutuelles entre le PS et le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld). « Il est hallucinant que ce dossier ne soit tout simplement pas à l’ordre du jour », déplore-t-on au Boulevard de l’Empereur, le siège du PS. « Où est le Premier ministre, qui doit réconcilier et conclure des accords ? Personne ne le sait. » Et donc, la ministre compétente, Karine Lalieux (PS), se tourne vers la presse avec ses plans : ceux qui veulent travailler plus longtemps, jusqu’à 67 ans, pourraient recevoir une prime unique de plus de 20.000 euros, pour les trois années supplémentaires prestées. Mais Lalieux réitère aussi ses anciennes demandes : elle veut absolument que le congé parental soit comptabilisé dans le nombre d’années de carrière. De l’autre côté, elle prête à discuter de l’ajustement de la péréquation des pensions des fonctionnaires (qui augmentent automatiquement avec lindexation). Mais elle veut aussi une réforme plus sociale : en taxant davantage les 4 % des pensions les plus élevées du deuxième pilier. « Elle n’a encore rien apporté à la table du gouvernement », dit-on sèchement chez les libéraux. La droite de la Vivaldi continue à souligner les dommages si aucune réforme n’est mise en œuvre. Au Parlement, le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (cd&v) a confirmé que l’UE pourrait infliger une « amende » de 300 millions d’euros, en ne versant pas l’argent du plan de relance, si aucune réforme n’est mise en œuvre.

Dans l’actualité : « Un bonus de pension de 22.650 euros », titre Le Soir avec enthousiasme.

Les détails : Le PS lance une offensive médiatique : Lalieux avec sa réforme des pensions réajustée, et Paul Magnette (PS) qui répète que « les libéraux sont vraiment le boulet du gouvernement ». Chez les socialistes francophones, ils en ont assez de la « prise en otage de l’agenda par le Premier ministre ».

  • Les socialistes européens ont reçu un coup dur lors des élections en Espagne fin mai, mais cela n’empêche pas la ministre fédérale des Pensions, Karine Lalieux (PS), de s’inspirer du gouvernement de Pedro Sanchez. Car celui-ci a profondément réformé les pensions dans son pays, et a mis en œuvre ce que Lalieux veut désormais aussi pour la Belgique : une prime unique substantielle pour ceux qui peuvent prendre leur retraite plus tôt (prépension), mais qui continuent à travailler jusqu’à l’âge légal de la retraite de 67 ans.
  • Concrètement, selon Lalieux, cela devrait rapporter 7.750 euros par an aux Belges qui souhaitent prolonger leur carrière de 45 ans, et qui seront versés en une seule fois à la fin. Et cela donne un montant considérable, exactement l’inverse de ce qui a été préconisé précédemment par les socialistes francophones : 22.650 euros.
  • Lalieux qualifie également le système espagnol de « plus social » : le système actuel du bonus de pension en Belgique profite aux personnes qui vivent plus longtemps, et ce sont « souvent les classes sociales favorisées », dit-elle. « Grâce au montant forfaitaire, tout le monde est sur un pied d’égalité ».
  • Elle parle d’une « petite révolution, car les gens sauront exactement ce qu’ils obtiendront s’ils décident de travailler plus longtemps ». Elle ajoute : « L’Espagne a démontré que c’est beaucoup plus un stimulant et que deux fois plus de personnes restent au travail ».
  • Une solution en or, selon le PS, qui compte beaucoup sur les effets de retour pour couvrir les coûts.
  • Mais les socialistes francophones continuent d’avancer les mêmes demandes qu’ils formulent depuis des mois sur la réforme des pensions : une intervention « favorable aux femmes », en comptant les jours de congé parental et ceux liés à l’accompagnement d’une personne malade, pour atteindre la pension minimale. « Cela ne coûte presque rien », dit Lalieux, qui « ne cédera pas sur ce point ». Elle parle d’un montant de « 3,1 millions sur 63 milliards ».
  • Il y a aussi sa proposition de prélever des taxes sur les 4 % les plus élevés dans le deuxième pilier des pensions, l’épargne-pension par le biais des entreprises. Une telle taxe, qui tomberait surtout du côté flamand, fait frissonner les libéraux.
  • Dans le même temps, la ministre fait des ouvertures : à propos de la « péréquation », l’ancien système pour les pensions de fonctionnaires, qui augmentent automatiquement avec chaque augmentation de salaire des fonctionnaires, elle est prête à en discuter. Elle voudrait aussi harmoniser les régimes, en fixant la carrière minimum à 30 ans pour bénéficier de la pension minimale, soit le même nombre d’années que pour un salarié ou un indépendant.

De quoi s’agit-il vraiment : Le PS est exaspéré par l’impasse dans ce dossier. Et il regarde vers le Premier ministre.

  • Avec sa dernière proposition, Lalieux remet les pensions à l’ordre du jour. Car, à la frustration du PS, le Premier ministre De Croo ne soulève pas ce sujet. Paul Magnette (PS) et le sommet du PS ont de grandes frustrations, qu’ils formulent dans les couloirs.
    • « Nous attendons depuis l’été dernier pour commencer à parler des pensions, nous avons nos propositions prêtes, mais on n’en parle tout simplement pas ».
    • « C’est hallucinant que cela ne soit pas à l’ordre du jour ? Et cela sera-t-il à l’ordre du jour lors du conclave que nous allons tenir la semaine prochaine ? Personne ne le sait ».
    • « Le Premier ministre sort constamment de son rôle, s’en prend à ses partenaires de coalition, mais ne concilie pas, et ne cherche pas de solutions ».
    • « On nous reproche de bloquer, mais nous sommes assez longtemps au gouvernement pour savoir comment cela fonctionne : soit vous le voulez, et vous travaillez ensemble à une solution, soit vous lancez des reproches ».
    • « Nous pourrions faire quelques petits ajustements dès demain, et satisfaire la Commission européenne. Ces plans « minimaux » sont prêts. Ou alors, il y a vraiment une réforme structurelle, mais alors tout le monde doit obtenir quelque chose. Mais il faut alors en parler. Et cela n’arrive pas. »
  • La frustration ne se limite pas au dossier des pensions. Les critiques à l’égard du Premier ministre reviennent également pour la réforme fiscale, non seulement au PS, mais aussi d’autres partenaires se demandent pourquoi cela traîne autant. Du côté de l’Open Vld, on entend également dire que la réunion de la semaine prochaine portera uniquement sur la fiscalité. Et il est très probable qu’il faudra plus d’une réunion de ce type pour y parvenir.
  • D’ailleurs, ce matin sur LN24, Paul Magnette (PS) s’est également exprimé sur ses partenaires de coalition. « Les libéraux sont vraiment le boulet de ce gouvernement. Dans une prochaine coalition, nous voulons vraiment les éviter. » Il a aussi parlé de la réforme fiscale, où « tout le monde veut un cadastre du patrimoine pour cartographier les grandes fortunes, mais qui s’y oppose ? Les libéraux. »
  • L’atmosphère est à nouveau tendue entre Georges-Louis Bouchez (MR) et Paul Magnette. Bouchez a relancé de nouvelles demandes cette semaine, concernant la limitation du chômage dans le temps. Ce qui est impensable pour les socialistes. Ce n’est donc pas vraiment le bon climat que la Vivaldi recherche pour entreprendre les « grandes réformes » qu’il reste à conclure.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la réforme des pensions devra être réalisée pour éviter une facture gigantesque.

  • Tout le monde, rue de la Loi, se rend compte qu’il y a une énorme pression sur les finances publiques en raison du vieillissement de la population, et donc aussi du coût des pensions, pour les années à venir. Au début de cette législature, on en était déjà à 52 milliards d’euros par an pour les pensions au niveau fédéral, ce chiffre est passé à 63 milliards d’euros. Si aucune mesure n’est prise, cela augmentera à 80 milliards d’euros d’ici 2028, selon les derniers chiffres disponibles.
  • L’offre que Lalieux présente maintenant via Le Soir est en quelque sorte une réédition de ce que le PS a présenté à l’été dernier, avec des réajustements, mais pas de véritable réforme structurelle.
  • Néanmoins, la porte est ouverte au sein des partenaires de la Vivaldi : « Nous sommes très curieux de savoir à quoi ressemblent les plans qui s’inspirent de l’Espagne », déclare une source libérale haut placée. Mais « les précédents plans de Lalieux auraient coûté 0,3 % de plus du PIB, plutôt que de réaliser des économies », rappelle un autre membre de Vivaldi avec ironie. La ministre parle maintenant d’un coût de 0,05% supplémentaire, pour le bonus des pensions, un chiffre confirmé par le Bureau fédéral du plan, dit-elle.
  • La Vivaldi doit se dépatouiller entre la pression de l’Europe et la réalité brute du budget belge. Mais sans intervention fondamentale concernant le vieillissement, tout effort pour contenir le déficit budgétaire deviendra extrêmement difficile, alors que c’est une demande internationalement répétée. Même le PS sait compter et est donc prêt à en discuter.
  • Il y a aussi une menace beaucoup plus concrète : l’argent de relance de l’UE. Il est d’ailleurs significatif, d’un point de vue politique, que l’on joue maintenant avec le coût potentiel des amendes européennes, pour ces 4,5 milliards d’euros de relance, en cas d’absence de réforme des pensions.
  • Une explication un peu négligente de la Cour des comptes, il y a deux semaines à la Chambre, a été utilisée par le secrétaire d’État Thomas Dermine (PS) pour souligner qu’il ne pourrait s’agir que de « quelques dizaines de millions » tout au plus, si la Belgique ne met pas en œuvre la réforme des pensions promise.
  • Cependant, lors d’une question du député Wouter Beke (cd&v), le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (cd&v) a répliqué hier de manière cinglante, rapporte De Tijd. « À court terme, une sanction d’environ 30 millions d’euros est effectivement possible. Elle ne concerne que l’absence d’une proposition de réforme des pensions en 2021. Cependant, si nous n’avons pas mis en œuvre de réforme des pensions d’ici la date butoir de fin juin 2024, cette sanction pourrait atteindre plus de 300 millions d’euros. »
  • À la Chambre, Beke a résumé la situation de manière concise : « Les pensions atteindront 80 milliards d’euros en 2028. Les coûts de soins de santé augmenteront encore de 9 milliards. Et les charges d’intérêts sur la dette de plus de 7 milliards. Au cours des cinq prochaines années, il faudra économiser 32 milliards d’euros pour maintenir le déficit à 3 %. Nous n’avons pas le choix, nous devons réformer ».
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