L’Europe est toujours aussi divisée sur la façon de dont il faut s’attaquer au pétrole russe pour poursuivre les sanctions contre le Kremlin suite à la guerre en Ukraine. Certains continuent de réclamer un embargo, d’autres ne veulent toujours pas en entendre. Pour débloquer la situation, de nouvelles idées arrivent sur la table.
Dans le camp des pays favorables à un embargo pétrolier contre la Russie, il y a la France. La semaine dernière, son ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a même assuré que ce n’était « plus qu’une affaire de semaines« . En face, on retrouve un autre poids (très) lourd de l’Union européenne: l’Allemagne. Beaucoup plus dépendante de l’or noir russe, elle ne semble toujours pas décidée à faire franchir le pas de l’embargo au bloc. Elle souhaite d’abord s’assurer qu’elle peut elle-même se passer du pétrole russe sans trop de conséquences négatives sur sa propre économie: pour Berlin, ce sera « pratiquement » le cas à la fin de l’année.
L’élection présidentielle étant terminée et Emmanuel Macron ayant été réélu, les discussions autour de cet éventuel embargo devraient s’accélérer. La question va être au centre des négociations autour du sixième train de mesures que va prendre l’UE à l’encontre du Kremlin, annonce le Financial Times. Et étant donné qu’il semble toujours difficile de convaincre tous les pays de dire non à l’or noir russe, d’autres pistes émergent pour tout de même faire mal à la Russie sur ce terrain.
Plafonnement du prix et droit de douane européen
D’une part, au cours des négociations entre États européens, il va être question d’un éventuel plafonnement du prix du pétrole russe. Continuer d’en acheter tout en ne dépassant pas un certain prix pourrait affecter les revenus du Kremlin, estiment les partisans de cette mesure, parmi lesquels on retrouve notamment l’Italie.
C’est d’ailleurs une idée qu’avait déjà proposée fin mars l’investisseur français Pierre Andurand. Pour lui, il faut fixer un prix suffisamment bas pour limiter les dépenses militaires russes et assez élevé pour inciter la Russie à vendre ses matières premières sur le marché européen. Sa proposition: un plafond de 50 dollars le baril.
D’autre part, certains envisagent d’introduire un droit de douane européen. Objectif: pousser la Russie à faire baisser ses prix pour rester compétitive. Dans le but, là aussi, de toucher les revenus du Kremlin. Deux méthodes différentes, un même objectif.
L’Allemagne toujours réticente
Ces deux solutions permettraient a priori d’atteindre les finances du gouvernement russe sans mettre en péril l’économie de certains pays européens qui dépendent beaucoup du pétrole russe. Un compromis intéressant, sur le papier. Mais rien ne dit que l’Allemagne – puisque c’est bien sûr surtout d’elle qu’on parle – y cédera.
Si l’UE prend des mesures pour faire baisser les revenus du Kremlin dans le cadre de ses échanges avec elle, certains craignent que cela n’ait pas du tout l’effet escompté. Un des risques avancés est que la Russie pourrait se détourner du marché européen et vendre son or noir à des prix plus élevés à d’autres pays. Pour garder un certain équilibre dans sa balance. Et c’est là que les États-Unis – qui, eux, ont déjà prononcé un embargo sur le pétrole russe – pourraient intervenir. En menaçant de sanctions tout acheteur envisageant d’acheter du pétrole russe à des prix plus élevés.
Problème: l’Allemagne – et elle n’est pas la seule – n’est pas favorable aux sanctions extraterritoriales américaines. Et elle ne serait donc pas encline à accepter l’enclenchement d’une telle mécanique au sujet du pétrole russe.
En outre, le gouvernement allemand serait défavorable au plafonnement du prix car « essayer de fixer un prix serait difficile, et constituerait également une violation du contrat », a confié un haut fonctionnaire allemand au Financial Times. D’après un autre responsable, le pétrole russe étant importé en Allemagne par des sociétés privées, « tout plafonnement des prix implique que quelqu’un devra payer la différence de prix – ce qui revient à une subvention… « . »L’idée d’un plafonnement des prix n’est pas prise au sérieux ici », a-t-il ajouté.
Vous l’aurez compris, même si des solutions alternatives à un embargo sont sur la table, les discussions s’annoncent toujours très difficiles. De son côté, Berlin semble toujours bien décidé à poursuivre la tactique qui est la sienne depuis le début de la guerre: chercher des alternatives au pétrole russe aux quatre coins du monde. Et n’ouvrir la porte à des sanctions européennes fortes qu’une fois sa propre dépendance nettement atténuée. Et on ne parle même pas de la question du gaz, encore plus épineuse.