Il existe un moyen de faire très mal à la Russie sans se passer de son pétrole et de son gaz

Le fondateur d’Andurand Capital Management a livré un article d’opinion dans le très influent Financial Times. Pierre Andurand estime que pour réduire les recettes énergétiques de la Russie, il faut que les autorités occidentales jouent sur les prix plutôt que sur la limitation des échanges.

Pourquoi est-ce important ?

C'est l'arme ultime de l'Europe mais elle est à double tranchant. Chaque jour, la Russie bénéficie de 800 millions d'euros de l'Europe pour son gaz et son pétrole. Un trésor qui finance sa guerre et qui est un sérieux frein à toutes les autres sanctions.

Mais se passer du gaz et du pétrole russe aurait un coût insoupçonné sur les marchés. L’Europe veut s’affranchir des énergies fossiles de la Russie mais en est bien incapable à court terme.

Face à ce choix impossible, le célèbre investisseur français Pierre Andurand propose une autre voie. L’investisseur est réputé pour ses prévisions et ses paris gagnants en période d’instabilité sur l’énergie. Il avait notamment anticipé la crise de 2008 et la montée du baril de pétrole à 147 dollars.

50 dollars le baril, pas plus

  • « L’objectif idéal serait de faire baisser les revenus russes tout en minimisant l’impact sur les flux de pétrole », commence l’investisseur. Pour cela, l’Union européenne pourrait imposer des plafonds sur les prix du pétrole russe. Ces plafonds devraient être suffisamment bas pour limiter les dépenses militaires russes, mais suffisamment élevés pour inciter la Russie à vendre ses matières premières sur le marché européen. Il propose un plafond de 50 dollars le baril pour le pétrole russe. Ou l’ajout d’une taxe européenne élevée qui servirait le même objectif.
  • Une voie alternative – et sans doute un peu moins téméraire – serait de limiter l’achat du baril de pétrole à 50 dollars à destination des compagnies pétrolières russes, et de placer le reste sur des comptes bloqués qui seraient ouverts une fois l’Ukraine reconstruite. Une sorte d’incitant.

La Russie a déjà évoqué plusieurs fois la menace de couper les robinets de pétrole ou de gaz. Si elle ne l’a pas fait, c’est qu’elle a besoin des revenus liés à ces ressources, qui plus est avec les sanctions qui courent sur elle. Si la Russie venait à fermer les vannes du pétrole, Andurand estime que Moscou devrait trouver d’autres potentiels acheteurs pour l’équivalent de 2 à 2,5 millions de barils par jour. En outre, « la Russie perdrait tout pouvoir de fixation des prix en raison de l’absence de concurrence pour ses exportations. »

Alternatives

Dans l’autre sens, moins d’offre sur le marché signifie mécaniquement une hausse des prix du pétrole pour les Européens. Le spécialiste estime toutefois que trouver des alternatives ne serait pas impossible (pour ce qui est du pétrole). « La visibilité d’une telle perte d’approvisionnement encouragerait les autres producteurs disposant de capacités de réserve à les utiliser immédiatement et les producteurs américains à augmenter considérablement leur production », écrit Andurant.

« Quel que soit le scénario, il serait prudent que l’Europe mette son économie en mode guerre pour accélérer sa transition énergétique, stimuler son industrie de la défense, devenir plus autonome et travailler en étroite collaboration avec l’Amérique du Nord pour sa sécurité énergétique », a-t-il ajouté.

Roubles

La semaine dernière, la Russie a lancé sa propre sanction alternative à la fermeture complet du robinet: faire payer ses ressources fossiles en roubles aux Européens. « Une rupture de contrat », selon les chancelleries européennes. Le ministre allemand des Finances Christian Lindner l’a répété sur la CNBC: « Nous sommes totalement opposés à toute forme de chantage. Ces contrats sont basés sur l’euro et le dollar [américain] et nous suggérons donc aux entreprises du secteur privé de payer [la Russie] en euros ou en dollars ».

« Si Poutine n’est pas prêt à accepter cela, il est libre de réfléchir aux conséquences », a-t-il ajouté. Plusieurs pays dont l’Allemagne et l’Italie, fortement dépendantes des ressources russes, ont déjà indiqué qu’aucun paiement ne serait effectué en roubles. C’est un coup raté pour Poutine. L’Europe n’a pas cédé à la pression.

On le voit, un véritable bras de fer se joue. Chacun peut être perdant, mais il y a un certain espace où placer le curseur. Le tout est de savoir jusqu’où, jusqu’à combien: 50 dollars ?

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