Après le PS, le MR met lui aussi la pression sur De Croo à l’approche du conclave budgétaire : pas de réforme fiscale sans un Jobs deal II

Et si les complications budgétaires du gouvernement flamand étaient un avant-goût de ce qui attend la Vivaldi ? Au niveau fédéral, à l’approche d’un exercice qui couvrira 2023 et 2024, gauche et droite avancent leurs pions. Après les socialistes, c’est au tour des libéraux francophones de sortir du bois. Le président du MR, Georges-Louis Bouchez, et son vice-premier ministre, David Clarinval, n’arriveront pas les mains vides. L’échéance du 2e mardi d’octobre – le 11 – approche. Le Premier ministre y fera son discours de rentrée devant le Parlement, suivi d’un vote de confiance.

Dans l’actu : le MR vient avec ses revendications et veut répondre au défi budgétaire par l’emploi.

Le détail : la loi de 1996 sur la norme salariale plane au-dessus des discussions.

  • Le gouvernement a rencontré ce mardi les partenaires sociaux. « La concertation sociale doit jouer son rôle », a rappelé le Premier ministre, en préambule de sa réunion avec le Groupe des dix. Ce groupe rassemble plusieurs acteurs, dont les syndicats et le patronat.
  • La rencontre visait à apaiser la colère de la rue qui s’est déjà exprimée à Bruxelles, la semaine dernière. La crise énergétique est partout. De plus en plus de témoignages de factures impayées et de petites entreprises qui mettent la clé sous le paillasson remontent aux oreilles des élus. Cette colère monte en puissance et le politique l’a bien compris, faute de le montrer par des mesures fortes.
  • Alexander De Croo écoute. Thierry Bodson, le patron de la FGTB, a appelé « à des mesures d’urgence » supplémentaires. Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC, pointe du doigt « le court-termisme » des mesures déjà décidées. Du côté de la FEB, on remet sur la table le débat sur le handicap salarial par rapport aux pays voisins. « Les coûts salariaux ont augmenté de 10% chez nous, c’est deux fois plus que chez nos voisins », estime Peter Timmermans. Une différence qui s’explique principalement par l’indexation automatique des salaires, là où cette augmentation doit être négociée en France, aux Pays-Bas et en Allemagne.
  • Les syndicats préfèrent pointer du doigt la loi de 1996 et sa modification en 2017 qui leur enlèvent, selon eux, toute marge de manœuvre dans les négociations salariales. C’est en tout cas vrai pour cette année : avec l’indexation automatique, tout le monde s’accorde à dire que cette marge sera de 0% cette année.
  • Dans ce combat, les socialistes se sont clairement placés du côté des syndicats. Mais force est de constater qu’une modification de la loi de 1996 ne figure pas au programme de l’accord de gouvernement. « On ne touchera pas à la Loi de 1996 », répètent Georges-Louis Bouchez et David Clarinval, pour qui l’indexation automatique des salaires est une protection suffisante pour le pouvoir d’achat.
  • C’est le chemin que semble aussi emprunter le Premier ministre. La méthode pour convaincre les syndicats serait de lier ce dossier à l’enveloppe « Bien-être » qui porte sur 982 millions d’euros. Elle serait entièrement redistribuée si les syndicats acceptent de lâcher du leste sur la loi de 1996. Ils ont un mois pour s’entendre avec le patronat, sans quoi le politique devra trancher.

L’essentiel : le MR répond au PS et met dans la balance un Jobs deal II.

  • Lors du 200e congrès du PS, Paul Magnette, devant un auditoire conquis, a réaffirmé ses couleurs. Pour lui, les véritables victimes de la crise sont les travailleurs. « Nous nous battons contre la pauvreté, et contre les inégalités. Il faut dénoncer les faux-semblants de la droite. Si les travailleurs ne jouissent pas assez des fruits de leur labeur, ce n’est pas à cause des chômeurs, des malades ou des pensionnés. C’est à cause des patrons qui ne les paient pas assez. »
  • On entend dire un peu partout, à gauche, que la réforme fiscale du ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (cd&v), est une bonne base de travail. Lors du Congrès, Jean-Pascal Labille a souligné que « la mère de toutes les batailles sera la fiscalité », « pas seulement sur le travail, mais aussi sur le patrimoine”. Thierry Bodson, aussi présent, l’a également souligné, tout en ayant un petit mot pour le président du MR : “Nous devons être plus offensifs à l’égard du MR de Georges-Louis Bouchez (…). Son anti-syndicalisme primaire est la véritable rampe de lancement de l’extrême droite”, a-t-il ajouté, sans que l’on comprenne trop ce qu’il veut dire.
  • Bref, le PS veut profiter de cette crise du pouvoir d’achat pour se définir résolument à gauche et montrer ses différences avec les libéraux, éternels ennemis. On peut compter sur les socialistes pour mettre un maximum de pression sur les épaules du Premier ministre, à l’approche du conclave budgétaire.
  • Du côté du MR, on n’est pas en reste. Georges-Louis Bouchez a largement partagé ses intentions sur La Première, ce mercredi matin, et dans les colonnes du Soir. Son vice-premier ministre a complété le message dans La Libre. Que retenir ?
    • Au cri d’alarme des travailleurs entendu par le PS, le MR répond à celui des entreprises. Avec une proposition concrète : défiscaliser l’indexation des salaires, de manière à ce que les entreprises ne paient plus les cotisations patronales sur cette augmentation de salaire.
    • À propos de réforme fiscale, le MR a déjà reçu beaucoup de critiques par le passé. Pour rappel, le but de la réforme est de baisser la charge sur le travail pour le faire porter davantage sur le patrimoine et dans les poches les plus larges. Le président libéral est accusé de freiner des quatre fers dès qu’on entre dans le vif du sujet.
    • Parce que s’il est d’accord avec la première partie de l’énoncé – baisser les charges sur le travail – la seconde partie lui pose un problème. Car cette réforme repose sur le fait de s’attaquer à des niches. Des niches qui ont souvent été créées en réponse à la charge sur le travail qui pèse parfois plus de 50% sur le salaire brut. Un particulier qui disposerait d’un petit appartement qu’il loue pour arrondir ses fins de mois doit-il être davantage taxé ? C’est l’argument de GLB : la réforme fiscale doit profiter à la classe moyenne et pas l’appauvrir. Toute la question politique étant de la définir correctement.
    • « La fiscalité ne peut pas être déconnectée de l’économie. Lorsqu’on supprime des niches, on touche des secteurs économiques », se justifie le président du MR sur La Première. « Si on veut baisser la fiscalité, cela doit être significatif et financé parce que nous avons plus d’activité économique. Pas de donner d’une poche de la classe moyenne et reprendre de l’autre. »
  • Dans Le Soir, il présente sa note de 30 mesures et prévient : dans tous les cas, pas question de réforme fiscale s’il n’y a pas de réforme de l’emploi. L’une doit aller avec l’autre pour tendre vers l’objectif du taux d’emploi de 80%, le seul moyen d’assainir efficacement les finances publiques. On parle effectivement de 40 milliards d’euros de recettes supplémentaires.
  • C’est pourquoi le président du MR veut un Jobs Deal II. Tout le monde a pu constater que le premier volet de la réforme de l’emploi, décidé il y a quelques mois, avait donné des mesures plutôt timides. En tout cas, pas de quoi lancer la grande révolution vers les 80%. Georges-Louis Bouchez présente ses mesures, dont quelques marottes :
    • Exclure un chômeur après deux ans de chômage et deux refus de formation ou d’emploi pour un métier en pénurie.
    • Le MR vise aussi les malades de longue durée, qui sont bien plus nombreux que les chômeurs et représentent le vrai défi du marché du travail. Le MR propose par exemple une prime de 3.600 euros pour un employeur qui remettrait l’un d’eux au travail.
    • Aux mutuelles et aux syndicats, le MR veut retirer la responsabilité des paiements des allocations sociales et redistribuer certaines de leurs prérogatives à l’administration.
  • Dans La Libre, David Clarinval précise l’objectif : « L’écart entre des familles ayant des revenus du travail modestes et des familles vivant avec des allocations, qui bénéficient du tarif social et parfois encore d’autres formes d’aides, est trop faible. On doit s’y attaquer sérieusement, par le biais de la fiscalité, mais aussi grâce à une approche plus stricte du marché de l’emploi. Il n’y a pas assez d’incitants à travailler et il y a trop de pièges à l’emploi. On veut que ce débat ait lieu dans le cadre des discussions budgétaires, car la meilleure manière d’équilibrer le budget, c’est que les gens retrouvent du travail. » C’est pourquoi le vice-premier ministre se rendra au Conseil des ministres restreint (Kern) avec sa liste de proposition sous le bras.
  • Déjà bonne chance pour convaincre le partenaire socialiste. Georges-Louis Bouchez anticipe dans Le Soir : « Si le Premier ministre accepte les lignes rouges de tout le monde, l’exercice tournera court, on se limitera à un round budgétaire classique. On fera quelque chose d’ambitieux politiquement seulement si chacun est prêt à se faire un peu mal. » Vous connaissez déjà probablement la suite des événements…

Du côté du gouvernement flamand : tous les yeux sont tournés vers le cd&v.

  • Le calme avant la tempête. Jan Jambon (N-VA) a encore 24 heures pour trouver un accord sur son budget, afin de faire une déclaration en septembre. Ce faisant, tout le monde se tourne vers cd&v.
  • Le gouvernement doit normalement se réunir aujourd’hui. Mais aucune réunion n’est encore programmée. Il y en aura si Jambon estime qu’un compromis peut être trouvé. Sinon, la fin du gouvernement sera imminente.
  • Il n’est plus vraiment question de fond, mais plutôt de politique. Des solutions pour trouver de l’argent peuvent toujours être trouvées, mais il s’agit ici plutôt de perception : tout le monde aura remarqué l’attitude inflexible du président du cd&v qui a fixé ses lignes rouges, ce qui a suscité plus que l’agacement de ses partenaires, la N-VA et l’Open Vld.
  • « Traiter avec des gens comme ça, ça ne se fait pas. C’est vraiment humilier quelqu’un. Opposant politique ou pas », peut-on entendre au sommet de l’Open Vld.
  • Même son de cloche du côté de la N-VA : « Ils prennent toute la Flandre en otage pour des raisons de politique, et ce, en période de crise. C’est vraiment inacceptable », y entend-on.
  • La conclusion est claire : la N-VA et l’Open Vld ne sont peut-être pas allées voir la presse pour le crier sur tous les toits, mais en interne, le cd&v ne doit rien attendre de plus que ce qui était sur la table lundi comme ultime compromis.
  • « La question reste simple : Mahdi veut-il ou non faire partie de ce gouvernement ? Il est temps de montrer la couleur », défie-t-on du côté des libéraux et des nationalistes.
  • De plus en plus d’éléments indiquent que dès la fin de la semaine dernière, le président de cd&v se promenait déjà avec un plan. Lors d’une réunion avec son chef de cabinet, le scénario d’une sortie du gouvernement flamand aurait été discuté, puis transmis aux cabinets flamands du cd&v.
  • Et les chefs de parti des deux autres partenaires de la coalition se posent donc une question essentielle : négociaient-ils de bonne foi ou s’agissait-il d’un jeu politique ? C’est précisément la raison pour laquelle les membres de la N-VA campent sur leur position : « Nous n’allons vraiment pas bouger. Donc soit ils acceptent ce budget, soit c’est terminé. »
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