Alors que le prix du riz s’enflamme, la menace du protectionnisme fait craindre le pire

Avec le blé qui est moins disponible, et la hausse des prix de l’énergie, le riz devient aussi de plus en plus cher. Des envolées de prix du blé et de l’huile de palme ont contraint des pays asiatiques à interdire les exportations, pour limiter les prix à échelle nationale. Sera-ce le cas pour les exportations de riz également?

Dans un contexte de crise des denrées alimentaires, un nouveau mal de tête vient s’ajouter. A côté du blocage des céréales et des huiles végétales ukrainiennes, le boycott des produits russes, la pénurie et hausse de prix d’engrais, les mauvaises récoltes de céréales et les interdictions d’exportation indiennes, les mauvaises récoltes de blé aux Etats-Unis et l’interdiction d’export d’huile de palme en Indonésie, le prix du riz commence à s’enflammer.

Une conséquence logique : à mesure que les autres féculents deviennent moins disponibles et plus chers, la demande pour le riz devient plus forte, et son prix augmente. La hausse des prix de l’énergie touche également l’agriculture et le transport, et cela a un impact sur la hausse du prix du riz. Il est en augmentation depuis cinq mois consécutifs, et le mois dernier, il a atteint son plus haut point en un an, selon l’indice des prix de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Ainsi, même si la production n’est pas plus mauvaise que celle des autres années, il faut s’attendre à ce que les prix du riz continuent encore d’augmenter dans les mois à venir. Et avec eux, le risque de voir des interdictions d’exportation être décrétées par certains pays, pour protéger la population des envolées des prix, comme l’ont fait l’Inde et l’Indonésie ces dernières semaines.

Risque d’interdictions d’exportations…

« Il y a donc un risque que nous voyions plus de protectionnisme de la part de ces pays », explique Sonal Varma, économiste en chef de la banque Nomura, à CNBC. Elle précise aussi que dans l’immédiat, les stocks sont encore pleins, et qu’on s’attend à de bonnes récoltes.

Mais toujours est-il que dans le cadre de la disponibilité moins importante du blé, les achats de riz augmentent. Ces dernières semaines, les négociants achètent de plus en plus de riz indien – pays qui couvre, avec la Chine, plus de la moitié de l’offre mondiale.

« Pour l’instant, je serais beaucoup plus inquiet si l’Inde imposait une interdiction d’exporter du riz dans les semaines à venir, comme elle l’a fait après la hausse des prix du blé et du sucre », explique David Laborde, de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), à CNBC. Une autre solution possible, que Laborde trouve moins inquiétante, serait une hausse des prix des exportations.

… ou hausse des prix des exportations?

Une interdictionpure et simple des exportations de riz aurait un effet dévastateur. D’un côté, les prix partiraient (encore plus) à la hausse, et d’un autre côté, la sécurité alimentaire serait (encore plus) menacée, surtout dans les pays en voie de développement. Certains pays producteurs de riz se penchent alors plutôt sur des mesures différentes, comme une hausse des prix des exportations. La Thaïlande et le Vietnam (sixième et cinquième plus importants producteurs, après l’Indonésie et le Bangladesh et le duo de tête cité plus haut) réfléchissent déjà à décréter, ensemble, une telle mesure.

« Nous devrions vraiment faire la différence entre une hausse des prix qui compense l’augmentation des coûts et profitera aux agriculteurs (et les aidera à produire), et une interdiction d’exporter qui fait monter les prix sur les marchés mondiaux mais les fait baisser sur les marchés intérieurs », analyse Laborde.

Les pays devront alors trouver une balance entre plusieurs éléments. Augmenter les prix des exportations, avec des taxes par exemple, peut bénéficier au pays et aux fermiers, mais également être un danger pour les pays en voie de développement, à échelle mondiale. Il faudrait aussi voir l’impact d’une telle hausse sur les prix sur les marchés intérieurs, qui sont aussi sous tension. « Dans la région d’Asie-Pacifique du Sud-Est, des pays comme le Timor-Oriental, le Laos, le Cambodge et, bien sûr, des pays comme l’Indonésie, dont la population est très nombreuse et dont beaucoup souffrent d’insécurité alimentaire, seront gravement touchés si les prix continuent à augmenter et à se maintenir à ces niveaux très élevés », s’alarme Nafees Meah, de l’International Rice Research Institute, auprès du média économique américain. Dans tous les cas, l’approvisionnement mondial de nourriture n’est pas encore au bout de ses peines.

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