Depuis près d’un an, Israël nous sert peu ou prou de boussole en matière de coronavirus, et surtout de vaccination. L’Etat hébreu a été le premier à vacciner massivement sa population, et il a également fait partie des premiers pays à instaurer un système de passeport sanitaire. Depuis l’été, tous les Israéliens de plus de 16 ans ont aussi accès à la troisième dose du vaccin. Sont-ils sortis de l’auberge pour autant ?
Souvenez-vous. En décembre 2020, Israël commençait à vacciner sa population. Dans le monde occidental, beaucoup d’autres pays entamaient le tout début du processus de validation des vaccins lors de la même période. Là où l’État hébreu se démarquait réellement, c’était dans la rapidité de déploiement du vaccin. Fin mars, par exemple, plus de la moitié de la population avait déjà reçu deux doses. Un procédé ultra-efficace, nettement favorisé par le partenariat signé par le gouvernement avec Pfizer au prix fort, qui voyait Israël recevoir des vaccins en abondance en échange d’octroyer à l’entreprise pharmaceutique d’innombrables données médicales sur leurs résultats.
Dans un premier temps, et ce n’était pas particulièrement surprenant, le vaccin n’avait pas aidé les Israéliens à retrouver une vie « normale ». Il fallait le temps qu’il fasse effet et qu’une proportion conséquente de la population y ait accès. Fin décembre, un lockdown était annoncé: il allait durer plus de deux mois. Le déconfinement, début mars, était accompagné de l’introduction du passeport vert, permettant aux personnes vaccinées, testées négatives ou rétablies d’accéder à des lieux fort fréquentés.
Dans la foulée, les Israéliens avaient pu profiter d’un printemps sans Covid, ou presque. Les masques étaient tombés. Mais la joie n’avait été que de courte durée, puisqu’une nouvelle vague s’était abattue sur le pays durant l’été. Les autorités n’avaient pas tergiversé: en route pour la troisième dose. Déployées en juillet, elles ont été mises à la disposition de l’ensemble des adultes (et même des adolescents) le mois suivant.
Chiffres encourageants
Actuellement, sur une population de 9,2 millions d’habitants, 5,7 millions d’Israéliens ont reçu deux doses du vaccin contre le coronavirus et 4 millions en ont reçu trois. Cela s’explique (en partie) car il faut patienter au minimum cinq mois après avoir reçu sa deuxième dose pour bénéficier de la troisième. Néanmoins, le Times of Israel indique qu’environ 700.000 personnes éligibles n’ont pas encore franchi le pas.
La première analyse à apporter vis-à-vis de la troisième dose est positive. D’après les responsables israéliens de la santé, celle-ci a permis de se dépêtrer de la vague estivale, avec une chute des contaminations et des hospitalisations amorcée à la mi-septembre.
Aujourd’hui, Israël navigue aux alentours des 500 nouveaux cas par jour. Nous sommes à près de 25.000 en Belgique. Au niveau des hospitalisations, le pays est récemment descendu sous la barre des 200 personnes hospitalisées en même temps, dont environ la moitié sont placées dans des unités de soins intensifs. C’est très peu. C’est moins que le nombre d’admissions quotidiennes chez nous. Notons aussi que, proportionnellement, davantage de Belges (75% de la population totale) ont reçu deux doses, alors que les Israéliens n’en sont qu’à 62%.
Mais « la pandémie est toujours là »
Les chiffres sont donc très bas… mais il reste un problème. Ils ne baissent plus du tout. Au contraire, depuis quelques jours, le ministère israélien de la Santé lance quelques alertes. Il semblerait que les cas augmentent à nouveau, avec la barre des 600 redépassée mardi. Plus inquiétant encore, le taux de reproduction du virus – le nombre moyen de personnes infectées par chaque personne atteinte – est de nouveau supérieur à 1.
Cela ne se traduit pas (encore ?) au niveau des hospitalisations, mais les autorités ne veulent pas attendre que cela se produise.
« La pandémie est toujours là », a prévenu le professeur Salman Zarka, responsable national de la lutte contre le coronavirus. « Le million de personnes qui n’ont pas encore reçu leur rappel ne sont pas des antivax… peut-être croient-elles, à tort, que le danger est écarté. »
Mercredi, rapporte le Times of Israel des responsables du ministère de la Santé ont averti qu’il pourrait être nécessaire de mettre en place de nouvelles restrictions si les cas franchissent le seuil de plus de 1.000 nouvelles infections quotidiennes par jour ou si le taux de reproduction devenait supérieur à 1.2.
Les premières restrictions se traduiraient par une réduction de la taille des foules autorisées, y compris dans les lieux ayant recours au passeport vert. Car « ce sont les événements où l’on observe le plus d’infections », a expliqué Ilana Gans, l’une des responsables du ministère israélien de la Santé.
Vaccination des jeunes enfants et 4e dose
Les tensions se cristallisent surtout autour des enfants. Certains experts ont même qualifié la potentielle nouvelle vague qui est en train de se dessiner de « vague des enfants ». « Environ 50 % de nos infections quotidiennes se produisent dans ce groupe d’âge de moins de 11 ans », a déclaré vendredi dernier à CNN le Dr Ran Balicer, président du groupe consultatif national d’experts israélien sur le Covid-19.
Dès lors, les parents sont vivement invités à faire vacciner leurs progénitures de 5 ans et plus, lesquels peuvent justement se faire vacciner depuis le début de cette semaine. Pour l’instant, une grosse majorité d’entre eux semblent hésitants.
« Il n’y a aucune raison d’attendre pour la vaccination des enfants. Le virus n’attend pas. Il peut être dangereux pour les enfants », a averti le ministre de la Santé Nitzan Horowitz. Pour donner un peu plus d’envergure à ses propos, il a cité les symptômes aigus du virus et ses effets potentiels à long terme, notamment les problèmes de concentration, l’anxiété et les difficultés respiratoires.
En outre, M. Horowitz a déjà évoqué la possibilité de lancer une campagne pour une quatrième dose de vaccin. « Il n’est pas déraisonnable [de penser] que nous aurons besoin d’un quatrième vaccin », a-t-il déclaré lors d’une interview accordée à Channel 12, après que les données de son ministère aient indiqué que 9% des nouveaux cas diagnostiqués mardi avaient reçu la troisième dose de rappel.
Que faut-il en conclure ?
Face à toutes ces considérations, un constat semble s’imposer: la troisième dose a permis à Israël d’éviter un embrasement de sa crise sanitaire. Mais elle ne lui a pas permis de se débarrasser du virus. Tout compte fait, les problèmes sont les mêmes que chez nous.
D’une part, les personnes vaccinées participent activement (au même titre que les non-vaccinées) à la diffusion du virus parmi la population. Nachman Ash, directeur général du ministère israélien de la Santé publique, a notamment pointé du doigt les personnes ayant reçu deux doses. Le vaccin a perdu de son efficacité chez elles, mais elles continuent d’être, selon ses termes, « mois prudentes ». Alors qu’elles encourent tout de même un danger de plus en plus important.
D’autre part, ce sont les personnes non-vaccinées et celles qui n’ont reçu que deux doses (au début de l’année) qui, proportionnellement, paient le plus lourd tribut. Ainsi, dimanche, selon le ministère de la Santé, il y avait quatre fois plus de personnes de plus de 60 ans dans un état grave qui n’avaient reçu que deux doses de vaccin que de personnes considérées comme totalement vaccinées avec trois doses.
Conclusion, comme en Belgique, c’est toute une série de facteurs qui devrait permettre à Israël de ne pas passer un hiver cauchemardesque. A savoir, comme le résume le Dr Ran Balicer: « les masques intérieurs, le comportement [vigilant] de la population, les restrictions sur les événements intérieurs et le passeport vert [valable à partir de 3 doses] et une campagne de rappel efficace ». Un schéma récemment illustré chez nous sous la forme d’un fromage suisse, où chaque tranche de protection permet de réduire les risques pour l’ensemble de la population.