La Russie a annoncé mardi qu’elle était la première nation au monde à approuver un vaccin contre le Covid-19. Le président Vladimir Poutine a déclaré que le vaccin – surnommé Spoutnik V – était ‘efficace et sûr’ et que sa propre fille l’avait reçu sans effet secondaire. Il s’agirait de sa fille ainée Maria Vorontsova, endocrinologue, qui était personnellement impliquée dans la conception du vaccin. Selon le président russe, la vaccination de masse pourrait déjà commencer en octobre. Le reste du monde est un peu moins enthousiaste. De nombreuses questions restent sans réponse.
Le vaccin a été développé par l’Institut Gamaleya de Moscou, mais il n’a jamais subi les tests de phase 3. Ceux-ci sont pourtant cruciaux, car ils impliquent des milliers de personnes pour vérifier que le produit amène une véritable immunité et qu’il ne pose pas d’effets secondaires graves.
‘Spoutnik V’ n’a été testé que sur 76 personnes. Parmi eux, les scientifiques qui ont développé le vaccin. Ils semblent très satisfaits de leur travail. Le vaccin doit être administré en deux doses et garantirait une immunité pendant 2 ans.
Avant cette semaine, le vaccin le plus rapidement développé était celui contre les oreillons. 4 ans avaient été nécessaires pour qu’il soit opérationnel. ‘Spoutnik V’ est arrivé en moins de 5 mois.
La société pharmaceutique Moderna vient de commencer la troisième phase. 30.000 personnes se sont portées volontaires pour tester le vaccin. Si les résultats sont concluants, ce vaccin gagnera bien plus rapidement la confiance d’une grande partie de la population que le vaccin ‘Spoutnik V’. La question est de savoir ce qu’espère gagner Poutine en prenant ce raccourci phénoménal. Et qu’a-t-il à perdre ?
Quels sont les avantages ?
Un gros coup de communication: si le vaccin se révèle être effectivement sûr et efficace, Poutine aura réussi un énorme coup d’État. Depuis le début de la pandémie, le président russe n’a pas fait de promesse, alors que Donald Trump ne cesse de répéter qu’un vaccin sera bientôt prêt. Il n’y a certainement pas de hasard si le vaccin est appelé ‘Spoutnik’, du nom du premier satellite mis en orbite. La Russie avait alors vaincu les États-Unis dans la première étape de la course à l’espace.
Un énorme coup de pouce pour l’économie russe: grâce au vaccin, les Russes seront les premiers à se remettre à 100% au travail. En outre, si d’autres pays commencent à commander massivement ‘Spoutnik V’, la Russie aura également une influence sur la situation dans le reste du monde. Selon Moscou, 20 pays ont déjà montré leur intérêt pour le vaccin. On retrouve entre autres le Brésil, les Philippines, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Kazakhstan. Et à quand remonte la dernière fois que vous avez vu « Made in Russia » sur un produit?
Une importante rentrée financière: 1 milliard de doses ont déjà été commandées. L’argent généré par le vaccin se retrouvera automatiquement dans les mains de personnes influentes proches de Vladimir Poutine, ce qui élargira encore un peu plus son pouvoir.
Un énorme booste de la popularité: la crise du coronavirus a fortement entaché la popularité du président, notamment en raison de la manière maladroite dont il a géré l’épidémie. Cette dernière était fortement minimisée avant qu’elle ne fasse des milliers de morts. Avec un vaccin, la confiance devrait être restaurée.
Quels sont les risques ?
Un vaccin inefficace ou dangereux: Si le vaccin ne respecte pas ses promesses, les conséquences seront dramatiques. Les personnes qui l’auront reçu se penseront hors de danger alors qu’ils ne le seront pas. Le nombre de cas exploserait donc une nouvelle fois. D’autres pourraient faire face à de graves effets secondaires. L’économie qui aurait momentanément repris ralentirait à nouveau. Et cela vaut évidemment pour les autres pays, qui auront fait confiance à ‘Spoutnik V’.
Un retour à l’envoyeur: les 4 avantages susmentionnés se transformeraient en désavantages colossaux pour la Russie qui perdrait toute crédibilité. Le pays serait accablé par les poursuites. Et le statut de la Russie en occident serait réduit à néant.
Du pain béni pour les anti-vax: si le vaccin se montrait finalement défectueux et dangereux, cela donnerait un peu plus de grains à moudre au mouvement anti-vaccin qui se développe de plus en plus en occident. Début de semaine, une étude a montré que moins de la moitié (47%) des Américains enregistrés en tant que républicains serait d’accord de recevoir ‘un vaccin contre le Covid-19’, même s’il était gratuit. Cette statistique descend à 19% chez les démocrates. En d’autres termes, ce n’est pas le vaccin qui va être montré du doigt, c’est tout le système de vaccination. Si ‘Spoutnik V’ échoue, ce modèle fera un pas de géant en arrière. L’introduction de tout autre vaccin par la suite sera considérée avec une grande suspicion.
La fin des règles scientifiques: L’échec de ‘Spoutnik V’ aurait pour résultat de revoir tout le fonctionnement des études scientifiques sur les vaccins. Les règles sont basées sur la transparence et le respect strict des règles depuis plus de 100 ans. Ces changements profiteront aux populistes qui ne se soucient pas de la coopération internationale ou d’institution comme l’OMS.
Espérer
Bien que d’autres produits aient donné des résultats prometteurs, on s’attend généralement à ce qu’ils ne fournissent pas une immunité de longue durée. Mais ils auront pour but d’atténuer les symptômes du covid-19, avec ou sans effet secondaire.
Si le vaccin russe est un ‘succès’, cela va certainement inciter d’autres laboratoires à obtenir des résultats encore plus rapidement, avec toutes les conséquences que cela entraine.
De nombreux échecs sur les vaccins entraineraient une forte baisse de confiance de la population envers la science et prolongeraient la pandémie. Même avec un vaccin efficace, une certaine méfiance persistera.
Nous devons donc tous espérer que ‘Spoutnik V’ soit le vaccin miracle promis.