Pourquoi devrions-nous prendre les promesses climatiques spectaculaires de Biden avec des pincettes

Le président américain Joe Biden a annoncé que les États-Unis visaient une baisse de 50 à 52% des émissions de CO2 par rapport au niveau de 2005 d’ici 2030. Cela semble spectaculaire, mais il faut rester conscient de ce qu’il se passera vraiment. D’une part, l’Américain moyen, même si les États-Unis atteignent cet objectif agressif, émettra toujours deux fois plus qu’un Européen. D’autre part, la question est de savoir si Joe Biden réussira à faire passer les mesures nécessaires.

La comparaison des objectifs climatiques nationaux est une question délicate. Cela dépend en partie de l’année de référence. Les États-Unis ont par exemple décidé de compter la réduction des émissions en comparaison avec 2005, soit après le pic d’émissions des combustibles fossiles. Cela rend l’objectif un peu plus facile pour les États-Unis, car il omet la période où les émissions étaient à leur apogée. Les pays européens ont quant à eux décidé de se baser sur l’année 1990, soit lorsque les émissions ont tout juste commencé à baisser sur le continent grâce aux premières politiques économiques et à l’effondrement du bloc communiste très polluant.

Biden a dévoilé les objectifs climatiques américains lors d’un sommet pour le climat réunissant les grands dirigeants mondiaux. Il a assuré que les États-Unis étaient prêts à prendre le rôle de chef de file pour le changement climatique. Le Japon a également annoncé qu’il renforcerait ses objectifs climatiques, visant à réduire les émissions de 44% par rapport à 2005, d’ici 2030. Le Canada a aussi mis à jour ses objectifs climatiques et s’est engagé à diminuer ses émissions de 40 à 45% par rapport à 2005 pour 2030.

La seule statistique climatique qui compte

En fin de compte, il n’y a qu’une statistique qui compte vraiment : la rapidité avec laquelle le monde entier peut atteindre zéro émission et endiguer le réchauffement climatique. Pour éviter certaines des conséquences les plus tragiques du réchauffement climatique, comme l’effondrement des calottes glaciaires polaires ou la fin des bonnes récoltes dans le monde, les scientifiques ont déclaré que le monde devrait atteindre le niveau zéro émission de combustibles fossiles et la déforestation d’ici le milieu du siècle.

Les États-Unis et l’Europe avec leur programme climatique sont à mi-chemin sur les émissions pour 2030. Mais ils restent responsables d’un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre. De nombreux pays à faible revenu, y compris la Chine et l’Inde, s’attendent toujours à ce que leurs émissions continuent de grimper ou qu’elles se stabilisent dans les prochaines années.

La Chine et l’Inde

La Chine est le plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde. Le gouvernement a promis que d’ici 2030, le pays aura connu son pic d’émission. Ensuite seulement, la Chine visera à atteindre la neutralité carbone en 2060. Toutefois, plusieurs objectifs pour 2030 ont été créés pour aider les réductions de gaz à effet de serre : 25% de l’énergie doit être produite pas des sources renouvelables ou à faible émission, comme le nucléaire ; planter des forêts étendues et réduire l’utilisation des hydrofluorocarbures, un puissant gaz à effet de serre utilisé comme réfrigérant.

Si tous ces objectifs sont atteints, les émissions de la Chine pourraient se stabiliser à un niveau proche des émissions actuelles d’ici la fin de la décennie. Les chiffres exacts dépendront réellement de la croissance économique du pays.

Malgré quelques objectifs pour 2030, la Chine ne s’engagera pas dans des réductions spécifiques avant 2030. L’argument de la Chine est qu’elle s’est industrialisée plus tard que les États-Unis et l’Europe. Le pays a donc besoin encore de temps pour continuer sa croissance et s’éloigner des combustibles fossiles tels que le charbon. ‘En ce qui concerne la réponse au changement climatique, la Chine est à un stade différent des États-Unis, des pays occidentaux et d’autres pays développés’, a déclaré la semaine dernière Le Yucheng, vice-ministre chinois des Affaires étrangères.

L’Inde n’a, pour sa part, pas encore indiqué quand les émissions atteindront un pic. Toutefois, elle s’est fixé plusieurs objectifs, dont l’augmentation des sources d’émissions renouvelables et le ralentissement de la croissance de la consommation de combustibles fossiles. Les autorités soulignent que l’Inde est encore beaucoup plus pauvre que les États-Unis ou l’Europe et qu’il est injuste de les maintenir au même niveau.

Une autre histoire 

Si on regarde les émissions de CO2 par habitant, le classement change. Et les champions ne sont nul autre que les États-Unis. Chaque Américain a émis 17,6 tonnes de gaz à effet de serre. Dans l’Union européenne, les émissions par personne redescendent à 7,4 tonnes par personne. Soit un peu moins que la Chine (10,1 tonnes), mais bien plus que l’Inde (2,5 tonnes).

Si chaque pays atteignait ses objectifs climatiques fixés, les Américains arriveraient en 2030 à un volume d’émissions semblable au niveau actuel de la Chine. Mais les émissions par habitant dans les deux pays seraient toujours le double de celles de l’Europe et près de quatre fois celles de l’Inde.

Pour cette raison, la promesse climatique de Biden n’est pas aussi spectaculaire qu’il n’y paraît. Un rapport récent voudrait des objectifs plus ambitieux : baisse de 70% des émissions d’ici 2030. De nouveaux financements doivent aussi être créés pour des projets d’énergie propre dans les pays en développement.

L’administration Biden a choisi de fixer un objectif à la fois difficile à atteindre et politiquement plausible. L’idée des autorités était de convaincre les autorités d’autres pays à proposer des objectifs climatiques plus ambitieux, mais aussi de développer de nouvelles technologies propres, telles que des véhicules électriques ou des carburants à l’hydrogène pour d’autres pays.

Que doivent faire les États-Unis ?

Il reste encore à voir si les États-Unis seront déjà capables d’atteindre les objectifs édictés par Biden. Ils ne sont en effet pas inscrits dans la loi, comme c’est le cas au Royaume-Uni et en Europe. Et ces nobles objectifs inscrits sur papier n’auront un réel impact que s’ils sont soutenus par des mesures concrètes.

Une étude récente a estimé que les émissions de gaz à effet de serre des États-Unis ont déjà diminué de 21,5% entre 2005 et 2020. Cela a été permis grâce à la fermeture de nombreuses centrales électriques au charbon pour les remplacer par du gaz, du solaire ou de l’éolien. Un tiers de cette baisse est directement lié à la pandémie. L’activité économique a en effet baissé et les trajets en voiture également. Cependant, on s’attend à ce que les émissions reprennent cette année à mesure que l’économie reprend vie.

Pour réduire les émissions d’au moins 50% d’ici 2030, des études ont montré que les États-Unis devraient mettre en œuvre de nouvelles politiques radicales et réduire les émissions à un rythme sans précédent chaque année. Plusieurs stratégies ont été prises en compte :

  • L’installation de panneaux solaires et d’éoliennes par les services publics.
  • Acheter plus de voitures électriques
  • Obliger les sociétés pétrolières et gazières à réduire leurs émissions de méthane

La Californie et New York pourraient également faire le ménage au sein de leur centrale électrique et de leurs notes.

Les difficultés

Biden a également proposé un certain nombre de nouvelles mesures climatiques. La plus grande d’entre elles coutera 3.000 et 4.000 milliards de dollars, pour payer les allègements fiscaux pour l’énergie propre et les véhicules électriques. En outre, l’Agence de protection de l’environnement étudie des réglementations plus strictes pour la pollution par les gaz d’échappement des voitures et des camions et pour les émissions de méthane.

Mais aucune de ces mesures n’a encore été promulguée. Et elles doivent toutes passer par un Congrès largement hostile. En outre, elles peuvent toujours être contestées devant les tribunaux, où les juges nommés par Trump ont acquis plus de pouvoir.

Enfin, il ne faut pas oublier que le mandat de Joe Biden se termine en 2024. Que se passerait-il s’il est remplacé par un président qui abat ses objectifs climatiques, tout comme le président Trump a démantelé les bonnes intentions du président Obama sur les émissions de gaz à effet de serre?

Dans l’Union européenne et en Grande-Bretagne, il existe un consensus politique plus large sur la politique climatique qui ne change pas trop radicalement lorsque différentes parties prennent le pouvoir. Mais dans des pays comme l’Australie, le Canada ou surtout les États-Unis, les partis politiques rivaux ont souvent des points de vue très différents sur la rapidité avec laquelle réduire les émissions – ou même s’ils souhaitent de réduire les émissions du tout.

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