Jusqu’ici, le client qui achète – ou lease – une voiture paie un prix total dans lequel sont incluses les différentes options qui ont été cochées sur la liste lors de l’achat ou du passage de contrat. En général, une fois que la voiture est fabriquée, il n’est plus possible d’y ajouter des équipements, sauf dans de rares cas où les concessionnaires peuvent encore les monter en « after market ». Mais les possibilités sont en général limitées et il ne sera par exemple pas possible de monter un régulateur adaptatif après coup, cet équipement s’accompagnant d’un radar, mais aussi de détecteurs, de caméras et de boutons supplémentaires au volant, etc.
Sauf que ce modèle commercial est en train de vivre ses dernières années – voire ses derniers mois ? Car l’avenir, c’est la voiture logicielle comme le promeut Elon Musk depuis des années avec Tesla et comme l’a plus récemment annoncé Luca de Meo, le patron de Renault. L’idée ? Ne plus produire qu’une seule variante d’une voiture avec le même moteur et la même transmission et toutes les options possibles. Cette approche ne réduira pas le choix du client, mais celui-ci façonnera alors son véhicule uniquement via l’interface logicielle qui sera capable de limiter ou d’augmenter la puissance d’un moteur ou de débloquer l’une ou l’autre option.
Coûts réduits, rentabilité en hausse
L’avantage de la formule est évident : cela permettra aux industriels d’une part d’effectuer de grosses économies lors de l’assemblage, car produire des dizaines de variantes différentes d’un seul et même modèle est un vrai casse-tête qui coûte forcément beaucoup d’argent. Plus d’ailleurs que de monter toutes les options dans une voiture. D’autre part, le client sera aussi gagnant, car il pourra à tout moment ajouter ou retirer une option de son véhicule. Un bénéfice qui sera aussi évident lors de la revente de la voiture puisque le propriétaire suivant ne devra plus chercher un modèle équipé de certaines options. Lui aussi pourra les activer ou les désactiver. Chez Renault, on espère pouvoir aboutir à ce modèle commercial d’ici 5 ans, donc d’ici 2028 ou 2029.
Cette manière de faire n’est pas nouvelle : Tesla la pratique depuis de longues années. Toutes les voitures sont par exemple équipées de l’Autopilot qui est activable par tous les propriétaires moyennant paiement. Plus récemment, Tesla a étendu cette approche au Model 3 et aux sièges chauffants : désormais, tous les modèles sortent équipés de cette option, mais qui est activable à distance (over the air). La marque est capable de limiter la vitesse maxi du véhicule, mais aussi d’augmenter l’autonomie d’une batterie, comme ça a été le cas lors du passage du cyclone Irma en 2017.
Passer à la caisse
Si cette flexibilité semble particulièrement géniale, elle l’est surtout pour les finances de marques qui passeront à ce modèle commercial (et elles y passeront toutes). BMW l’a déjà prouvé en faisant payer il y a quelques années la connexion Apple Car Play sur une base annuelle et la marque a envisagé aussi de faire payer le volant chauffant (10 euros par mois) ou encore les sièges chauffants (18 euros par mois). Mais BMW a fait marche arrière en raison de critiques sur les réseaux sociaux. Les responsables du marketing ont tout simplement indiqué qu’il était trop tôt pour les clients.
Porsche, Audi et Mercedes font pourtant pareil. C’est le cas par exemple pour les roues arrière directrices de la Mercedes EQS qui sont disponibles moyennant un paiement mensuel. Tout ou presque est possible puisque toutes les fonctionnalités d’une voiture passent aujourd’hui par un logiciel et un écran central qui ne nécessite plus d’interrupteur.
L’avantage pour les constructeurs est évidemment d’ordre financier. Et il est énorme. Pas besoin d’être devin pour comprendre que si la marque facture des sièges chauffants au mois, elle engrangera des revenus pendant des années et une somme nettement supérieure à l’option facturée en usine (120 euros par an au lieu de 400 euros une seule fois). Avec cette nouvelle formule à la Netflix ou à la Spotify, le client possède plusieurs choix d’abonnement et, forcément, ceux de plus longue durée (annuel ou pour 3 ans par exemple) sont les plus avantageux.
Les clients vont payer ?
Mais les clients payeront-ils ces options devenues « as a service » ? Il est un peu tôt pour le dire, car ce n’est pas encore dans les mœurs. Mais à partir du moment où ce modèle s’imposera chez les constructeurs, les automobilistes n’auront plus vraiment le choix. Reste à savoir combien les clients seront prêts à mettre par mois. Car on parle de sommes plus élevées qu’un abonnement à Netflix ou Spotify. On imagine que les constructeurs proposeront des packs et, comme les opérateurs téléphone, des ristournes occasionnelles. Mais on dépassera très probablement la centaine d’euros par mois. Pourquoi pas si cela permet finalement d’étaler le paiement et d’avoir un véhicule de base pour pas cher – mais ça reste à démontrer.
Après, ces voitures logicielles feront probablement aussi les affaires des pirates informatiques qui, pour des sommes dérisoires, débloqueront les options. Exactement comme cela se produit actuellement avec les IPTV qui contournent les plates-formes de streaming en ligne. Quoi qu’il en soit, le principe des voitures aménageables est en marche et il s’imposera tôt ou tard.