Mohamed El-Erian: « On ne peut plus éviter la stagflation, il faut désormais éviter la récession »

Dans une interview accordée ce dimanche à CBS dans son émission phare « Face The Nation », le conseiller économique en chef d’Allianz fait le tour des préoccupations économiques actuelles et bien sûr de l’inflation. La situation en Ukraine change la donne et complique la tâche des banques centrales. L’économiste craint une récession si la Fed appuie trop fort.

« La Fed n’a pas de décision facile. L’inflation est élevée et va augmenter à cause de ce qui se passe en Ukraine (…). Mais nous en sommes là parce que la Fed est très en retard et n’a plus de bonnes options politiques disponibles », entame El-Erian.

Goldman Sachs a récemment augmenté ses prévisions: il y aurait désormais 20% de chance que les États-Unis connaissent une récession. « On parle actuellement de 7 hausses des taux d’intérêt. Mais l’économie ne peut pas les supporter. Si nous avons 7 hausses, nous entrerons en récession. C’est le prix à payer de notre retard », déplore l’économiste.

Cette semaine, la Fed doit se prononcer sur la première hausse attendue (0,25%) des taux d’intérêt pour tenter de contrôler l’inflation, qui s’est envolée à près de 8% en février. Désormais, les États-Unis sont aussi touchés de plein fouet par la hausse des prix de l’énergie, comme en Europe.

Pour l’économiste, la Fed a pris jusqu’à maintenant les mauvaises décisions, encore tout récemment: « Nous sommes dans une situation absurde : la semaine dernière, alors que le taux d’inflation était de 7,9 %, la Fed injectait encore des liquidités dans l’économie. Cela vous donne une idée de la façon dont la politique a été désalignée. »

El-Erian pointe du doigt la politique de l’argent gratuit qui a terriblement alourdi le bilan de la Fed à quelque neuf mille milliards de dollars. On s’attend à ce que la Fed mette fin à son programme d’achat d’obligations et augmente les taux d’intérêt justement pour arrêter cette politique de l’endettement sans fin. Mais la guerre en Ukraine et la crise énergétique qui s’avance compliquent le jeu.

La guerre en Ukraine change la donne

L’économiste est conscient que la Fed n’a plus toutes les cartes en main, mais elle devait agir plus vite. Il rappelle que la Fed a attendu « fin novembre pour ne plus qualifier l’inflation de transitoire ». El-Erian pense que l’inflation va grimper jusqu’à 10% d’ici l’été. Et toute la question est de savoir à partir de quand elle redescendra : les crises énergétique et logistique sont liées à des phénomènes imprévisibles avec la guerre en Ukraine et la pandémie. Cette dernière n’est pas terminée, comme le montre la politique de zéro-covid en Chine. Une politique qui a mené à confiner hier la « Silicon Valley » chinoise, l’équivalent de 17 millions de personnes.

« Nous ne pouvons plus éviter la stagflation – une croissance faible, des prix élevés – mais nous pouvons certainement éviter une récession et nous pourrons rebondir ensuite rapidement », termine d’analyser l’expert.

Le secrétaire d’État au Trésor Janet Yellen a déjà affirmé s’attendre à une inflation importante pour les 12 prochains mois, « et je pense qu’elle a raison. Nous n’avons plus connu ça depuis les années 70 ». Et pour conclure, l’économiste ajoute qu’avec l’augmentation des prix de l’énergie et celle de l’alimentation à venir, « ce seront les plus vulnérables qui seront particulièrement touchés ».

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