Le ‘carrousel de la torture’ américain: vers une guerre commerciale ouverte entre les États-Unis et l’UE?

Le ‘carrousel de la torture’, c’est le nom utilisé en Europe pour désigner une loi qui permet à Washington de dresser tous les six mois une liste de produits européens sur lesquels des droits de douane supplémentaires peuvent être appliqués.

L’objectif est d’accroître l’incertitude qui règne déjà dans les économies concurrentes. Cette fois, les produits visés ont une valeur totale de 3,1 milliards de dollars.  Après avoir d’abord taxé les vins et fromages européens, l’Office of the US Trade Representative a dressé cette semaine une nouvelle liste de 30 produits pouvant être soumis à des taxes supplémentaires allant jusqu’à 100%. Sont entre autres concernés les olives, la bière, le gin ou encore la vodka. Les pays qui seront les plus touchés sont principalement la France, l’Espagne et le Royaume-Uni, mais surtout l’Allemagne.

Londres n’est plus dans les petits papiers de Washington

Donald Trump et Boris Johnson. Isopix

Le fait que des produits britanniques soient visés a de quoi surprendre. Donald Trump avait promis aux Britanniques un accord commercial rapide s’ils votaient en faveur des conservateurs lors des dernières élections. Mais malgré le fait que Boris Johnson ait gagné haut la main, les États-Unis changent désormais leur fusil d’épaule. Selon Robert Lighthizer, l’actuel représentant au Commerce des États-Unis, un tel accord ne devrait plus être attendu pour cette année. Liz Truss, son homologue britannique, a entre-temps déclaré que ‘le Royaume-Uni n’a pas besoin d’un accord avec les États-Unis à n’importe quel prix’.

Une taxe pure sur le consommateur américain

Outre le Royaume-Uni, c’est surtout l’Allemagne qui se retrouve en première ligne. Sur la liste provisoire américaine figurent notamment les lentilles d’appareil photo produites par Leica et Zeiss, deux entreprises allemandes actives dans le secteur du matériel photographique et cinématographique de haute qualité et dont les produits n’ont pas d’équivalents américains. Par conséquent, ces droits de douane potentiels deviendraient une taxe pure sur le consommateur américain.

La Commission européenne a déjà réagi et mis en garde contre ‘des dommages économiques inutiles des deux côtés de l’Atlantique’ et ‘une incertitude supplémentaire pour les entreprises déjà à la peine à cause de la pandémie’.

L’UE se réserve le droit de prendre des contre-mesures similaires afin de rendre les produits américains moins attrayants pour les consommateurs européens. Robert Lighthizer a d’ores et déjà déclaré qu’il n’était pas impressionné et a accusé l’UE de faire preuve de ‘protectionnisme à peine déguisé’.

L’une des causes du malaise entre les deux blocs économiques est une affaire judiciaire en cours sur les subventions accordées aux constructeurs d’avions. L’année dernière, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a jugé que l’UE n’en avait pas assez fait pour supprimer progressivement les subventions illégales accordées à Airbus. Une décision concernant une plainte similaire de l’Europe contre les subventions américaines à Boeing ne surviendra pas avant septembre.

Taxes GAFA

Les ‘taxes GAFA’ sont également au cœur de la discorde entre les États-Unis et l’UE. Les négociations à ce sujet ont été suspendues par les Américains la semaine dernière. Les deux blocs semblent donc se diriger tout droit vers une guerre commerciale ouverte durant la seconde partie de l’année.

‘L’Allemagne profite des États-Unis’

Le président américain Donald Trump, au centre, en compagnie du président français Emmanuel Macron (à gauche) et de la chancelière allemande Angela Merkel (à droite), avant une photo de groupe des dirigeants de l'OTAN lors d'une réunion des dirigeants de l'OTAN.
(AP Photo/Francisco Seco)

Dans ce contexte, la campagne de réélection du président américain n’est pas de bon augure. Dans l’esprit de Donald Trump, commerce et stratégie forment un tout. La semaine dernière, il a une nouvelle fois reproché à l’Allemagne d’en faire trop peu pour l’Alliance transatlantique. ‘Nous sommes censés protéger l’Allemagne de la Russie. Mais dans le même temps, Merkel paie des milliards aux Russes pour construire un nouveau gazoduc (Nordstream 2)’, a déclaré M. Trump. Merkel est une femme sympathique et une bonne négociatrice, mais l’Allemagne profite des États-Unis’, a-t-il conclu.

Donald Trump semble déterminé à remporter la bataille, que ce soit en imposant des droits de douane supplémentaires à l’Allemagne ou en retirant une partie des troupes US stationnées dans le pays. Au cours d’une visite du président Duda à Washington en début de semaine, M. Trump a en tous cas promis à son homologue polonais de stationner davantage de soldats américains en Pologne.

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