Pourquoi la pandémie devrait accélérer la tendance vers des semaines de travail à 4 jours

Depuis le début de la crise du coronavirus, de plus en plus de pays examinent les avantages et les inconvénients d’une semaine de travail ramenée à quatre jours. L’Espagne a récemment approuvé un projet pilote. Une réunion décisive devrait intervenir prochainement.

La semaine de travail de quatre jours a fait l’objet de nombreux débats ces dernières années. La robotisation et la numérisation de l’industrie ont eu pour effet que certaines tâches peuvent désormais être accomplies beaucoup plus rapidement. Mais la crise du coronavirus a également eu un impact sur notre façon de travailler. Par exemple, les gens travaillent à présent beaucoup plus souvent à domicile.

Selon les chiffres d’Eurostat (2019), une moyenne de 36,2 heures de travail est accomplie par semaine en Europe. Dans notre pays, nous nous situons juste en-dessous de cette moyenne avec 35,5 heures.

Durée moyenne du travail par pays

Projet pilote en Espagne

Dans de nombreux pays, une réflexion sur la manière dont on travaille a été amorcée ces dernières années. La réduction de la semaine de travail est l’une des options régulièrement envisagées dans différentes régions. Au début du mois, l’Espagne a par exemple approuvé un projet visant à expérimenter une semaine de travail de 32 heures sur une période de trois ans. Le gouvernement a réservé 50 millions d’euros à cet effet. La réduction du temps de travail n’aura aucune incidence sur les revenus des travailleurs.

Inigo Errejon, le leader du parti de gauche Mas Pais et l’homme derrière la proposition, est convaincu que tout le monde bénéficierait d’une semaine de travail plus courte. ‘Travailler moins aura un impact positif sur notre santé, l’environnement et la productivité’, affirmait-il sur Twitter en janvier dernier.

Des pourparlers ont depuis eu lieu avec le gouvernement pour faire avancer ce projet. Et une prochaine réunion pourrait intervenir dans les semaines à venir, annonce le Guardian. De son côté, Mas Pais estime que le projet pilote pourrait démarrer dès l’automne prochain. ‘L’Espagne sera le premier pays à entreprendre un essai de cette ampleur.’

Selon Joe Ryle, l’une des personnes à l’origine de la campagne ‘4-Day Week’, il n’est pas surprenant que de plus en plus de pays s’intéressent à une semaine de travail plus courte. ‘Depuis le début de la crise du coronavirus, un nombre croissant de gouvernements semblent s’ouvrir à l’idée’, a-t-il récemment déclaré à CNBC. ‘Alors que de plus en plus de personnes travaillent depuis leur domicile, il semble que l’on se rende compte que notre façon de travailler peut changer très rapidement si on le souhaite vraiment.’

De précédentes études ont montré que les cas de burn-out sont plus nombreux lorsque les gens font plus de télétravail. Les personnes qui travaillent à distance ont en effet tendance à rester plus longtemps au boulot. Une étude réalisée par la 4-Day Week Campaign, en partenariat avec les think-tank Autonomy et Compass, a révélé qu’un Britannique qui travaille à domicile preste en moyenne 28 heures supplémentaires par mois.

L’Écosse prévoit de raccourcir la semaine de travail

Une réduction de la semaine de travail n’est peut-être pas sur la table au Royaume-Uni, mais en Écosse, on n’exclut pas une telle éventualité dans le cas de figure d’une possible indépendance. Lee Robb, membre du Scottish National Party, a souligné en novembre dernier les avantages, selon lui, d’une semaine de travail raccourcie. ‘La pandémie a profondément changé notre mode de vie, mais elle nous a aussi donné l’occasion de revoir et de repenser notre façon de travailler’, a-t-il déclaré.

Autonomy a calculé l’impact d’une semaine de travail plus courte sur le secteur public écossais. Selon ce calcul, une semaine de quatre jours coûterait entre 1,6 et 2,3 milliards d’euros par an, mais créerait entre 45.000 et 59.000 emplois supplémentaires.

Au Japon, pays pourtant connu pour ses longues journées de travail, des appels ont également été lancés pour réduire la durée de la semaine. Mercredi dernier, Kuniko Inoguchi, membre du Parti libéral-démocrate, a soumis une proposition en ce sens au Parlement. Selon celle-ci, la réduction de la semaine de travail entraînerait par contre des pertes de salaire pour les travailleurs, au contraire du projet pilote espagnol.

L’année dernière, Microsoft Japon avait testé un système dans lequel un certain nombre d’employés ne devaient plus travailler que quatre jours par semaine au lieu de cinq. La branche japonaise du géant de la tech entendait ainsi réduire la charge de travail de ses travailleurs. Résultat: la productivité a augmenté de 40%.

De son côté, Jacinda Ardern, la Première ministre de Nouvelle-Zélande, a pour sa part été rapidement convaincue, peu après le début de la pandémie de Covid-19, qu’une semaine de quatre jours pouvait donner un coup de fouet à l’économie de son pays, après la période de crise. ‘Je veux encourager les gens à penser à une semaine de travail plus courte. Pensez-y: est-ce quelque chose qui fonctionnerait pour votre environnement de travail? Parce que cela contribuerait certainement à stimuler le tourisme dans notre propre pays’, a-t-elle déclaré.

Et en Belgique?

Mais ce n’est pas seulement à l’étranger que l’idée d’une semaine de travail plus courte fait son chemin. Dans notre pays, l’organisation féministe Femma, par exemple, a mis en place une expérience impliquant une semaine de travail raccourcie. En 2019, tous les employés à temps plein de l’association ont été autorisés à ne travailler que 30 heures par semaine au lieu des 38 heures habituelles, avec maintien de la rémunération. Selon Femma, la réduction du temps de travail a amélioré la qualité de vie dans divers domaines, comme la garde des enfants, les tâches ménagères ou encore les loisirs.

Toute la question est de savoir si une telle mesure peut être introduite à l’échelle du pays sans perte de salaire. Bart Van Craeynest, économiste en chef du VOKA, l’organisation patronale flamande, ne semble pas convaincu. ‘Passer d’une semaine de 38 heures à 30 heures avec le même salaire équivaut à une augmentation collective des salaires de 27%. En termes de coûts salariaux horaires, cela placerait la Belgique au sommet de l’Europe, ce qui entraînerait une perte importante d’emplois’, a-t-il écrit dans une opinion parue dans le quotidien De Tijd l’an dernier.

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